Connotation dans la dénomination des parties intimes du corps humain

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Ceci est le résultat d’une étude sur la « Connotation dans la dénomination des parties intimes du corps humain » présentée par DIALLO Asséta, Chargée de recherche Institut des sciences des sociétés (INSS) au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/ Burkina- Faso. [email protected]

Résumé

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Tiré de A. DIALLO (2020). La synonymie est un fait de langue. Toutes les langues naturelles de façon consciente ou inconsciente mettent en place des mécanismes favorisant la création et le développement de ce fait sémantique. Ce travail fait cas de la synonymie en fulfulde à travers la terminologie entrant dans la dénomination des parties intimes du corps humain.

Mots clés

Synonymie, connotation, corps humain, fulfulde

  1. Introduction

L’idée de cet article de vulgarisation est partie de la réflexion de A. DIALLO (2020) sur l’étude de la terminologie dans « anndal tayka » un manuel des sciences de la vie et de la terre enseigné au cours élémentaire dans les écoles bilingues. L’objet de de la présente réflexion est d’étudier la synonymie qui découle du contournement de la désignation de d’un objet ou d’une chose. Nous partons du constat que les dénominations originelles des parties intimes du corps humains sont remplacées par d’autres termes. Il s’agit de désigner tout en contournant la dénomination de l’objet ou la chose désignée. C’est une pratique fréquemment utilisée dans certaines langues africaines. Au Burkina Faso, certaines langues nationales s’illustrent en bons élèves dans cet exercice qui consiste à nommer sans utiliser le terme approprié. Cette pratique est un phénomène linguistique qui participe à la création de synonymes. Eviter la répétition, assumer le choix d’un registre de langue donné, choisir d’être peu ou plus précis. Tout ce qui vient d’être évoqué réside dans le choix des mots. La synonymie se prête beaucoup à ce jeu de mots. G. Kleiber (2009), P. Cadiot (2009) et C Masseron (2009) sont autant d’auteurs qui ont abordé la coloration sémantique liée au choix des termes en situation de synonymie.

  1. Masseron (2009 : 4-5), écrit que :

 S’agissant de l’enseignement, par exemple, rappelons que la synonymie est une pratique – sinon une théorie – indispensable. Elle fait partie de ces ressources lexicales, spontanées ou travaillées, très importantes en production de texte, qu’il s’agisse d’opérer à un niveau paradigmatique (chercher un autre mot, plus adéquat à ce qu’on veut dire, plus précis, moins familier ou qui évitera une répétition, et remplacer le seul mot pour le moment disponible et actualisé), ou à un niveau syntagmatique et dans une visée qui demeure « stylistique » (l’effet d’insistance des binômes synonymiques) ; ou bien encore, qu’il s’agisse des interactions langagières dans la classe (maître – élèves) qui recourent à la synonymie (la feuille ou la copie ; le rond ou le cercle ), au même titre qu’à la paraphrase (visée explicative) .

Au délà de l’enseignement, cette situation telle que décrite par l’auteure est valable dans tout type de discours. Pour peu que l’on soit attentif aux contextes et aux mots utilisés, on se rendrait compte que le choix des mots n’est tout simplement pas anodin. Dans certaines situations, nous dirons que c’est un choix assumé. Dans certains domaines, comme l’anatomie et précisément celui des organes intimes, le fulfulde et le dioula ne tarissent pas d’exemples. Comment cette situation s’explique -t-elle ? L’objectif de ce travail est de décrire la synonymie que nous qualifions de dite assumée. Spécifiquement, il est question de faire la taxinomie des synonymes liés à la dénomination des parties intimes du corps en fulfulde et en dioula, de déterminer le sens de chacun et de faire ressortir les raisons pouvant conduire au choix de l’un ou l’autre des termes.

  1. Méthodologie

Cette étude part du corpus exploité dans « anndal tayka ». Aussi, à partir d’une recherche documentaire, nous avons élaboré deux questionnaires. Ce questionnaire a été administré à trois catégories d’âges de personnes dans chaque langue. Ceux qui ont soixante ans et plus, ceux qui ont entre trente et cinquante ans et ceux qui ont entre quinze et trente ans. Cette catégorisation nous permet non seulement de recueillir la terminologie utilisée par chaque groupe mais aussi les raisons liées au choix le cas échéant. Suite à la collecte, les données ont été transcrites selon l’orthographe de chaque langue, puis elles ont été analysées au plan sémantique. Nous avons élargi la réflexion au dioula afin de justifier la fréquence du phénomène dans les langues burkinabè.

  1. Résultats

Les résultats de la recherche se présentent en trois points : présentation du corpus, détermination du sens des synonymes et discussion sur les raisons du choix d’un terme.

  • Corpus

Le corpus est présenté dans deux tableaux, un pour chaque langue. Les tableaux donnent les synonymes et leurs équivalents en français.

Fulfulde

Vedettes Equivalents
lotere Fesse
rubbere
lara
gaɗa
Hottere Vagin
Yeeso
Hallere Verge
Yeeso
Laacol
Fontere Testicule
ɓooƴere
ɓoccoonde

Dioula

Vedettes Equivalents
bobara Fesse
juu
kɔfɛla
biyɛ Vagin
biyɛbara
ñefɛla
fɔrɔ Verge
fɔrɔkala
ñefɛla
wulukala
Wulu
bɛlɛ Testicule
bɛlɛkili
Faan
Kili

Au niveau des équivalents, quatre ont été retenus : fesse, vagin, verge, testicule. Chacun de ces termes a au moins trois appellations en fulfulde et en dioula. C’est le cas des exemples suivants.

Termes Sens initial
fulfulde  
Lara Bas
gaɗa Arrière, derrière, postérieur
yeeso Devant, l’avant, antérieur
yeeso Devant, l’avant, antérieur
laacol Queue
ɓoccoonde Œuf

 

Dioula

kɔfɛla Derrière, arrière
ñefɛla Devant, l’avant
faan Œuf
kili Œuf

  • Discussion sur l’usage des termes

On assiste à un choix de registres. Il est question des registres suivants : le registre châtié et celui vulgaire. L’emploi de l’un ou l’autre des synonymes en situation de communication peut révéler de la pureté ou de la vulgarité du locuteur.

Dans les deux langues, il ressort que l’usage de la réelle dénomination de l’organe renvoie à de la vulgarité ou de la légèreté.

  1. Exemple :
  • a biyɛ be a dimi « Elle a mal au vagin »

//a : pronom/ biyɛ : vagin/be : prédicatif verbal /a : pronom/dimi : faire mal//

  • hottere makko na naawa « Elle a mal au vagin »

//hottere : vagin/ makko : pronom possessif/ na : particule de conjugaison/naawa : faire mal+aspect//

Les deux phrases ont le même sens. La première est en dioula et la seconde en fulfulde. Dans les deux, la dénomination réelle du terme vagin est employée. Ces phrases ont le mérite d’être claires. Mais dans les deux communautés linguistiques concernées, elles sont empreintes d’une vulgarité sans pareil. Il en est de même que « hallere, fontere, fɔrɔ, bɛlɛ ».

Tenir un langage châtié en évitant de tomber dans la vulgarité est l’argument qui prévaut à la création des synonymes comme « yeeso et ñefɛla » qui, dans le domaine des organes intimes renvoient dans les deux langues « vagin et verge ». « Lara, gaɗa, kɔfɛla » renvoient aux fesses ; « ɓoccoonde, faan et kili » sont utilisés pour testicules.

L’âge, le statut social, le genre et l’auditoire, l’appartenance à une communauté sont entre autres les facteurs évoqués pour taire les vraies appellations de ces organes. Ces appellations sont tellement rares au point ou la majorité (80%) des jeunes de quinze à trente ans interrogés disent n’avoir jamais entendu ces désignations.

  1. Conclusion

La synonymie est une richesse de la langue, comme nous l’avons évoqué, elle participe à la création de polysèmes. Le domaine que nous avons abordé est tabou dans certains milieux et communautés d’où la prolifération de la synonymie. Choisir un terme en lieu et place d’un autre pour préserver son image, pour choquer, pour le respect dû à notre auditoire sont autant de raisons citées. Par ailleurs, il est à noter qu’au même titre que cette synonymie favorise la création de nouveau sens, elle participe aussi à la disparition de certains termes.

Bibliographie

CADIOT Pierre, (2009), « Couleur des mots ou synonymie », Pratiques N° 141-142, pp. 26-38

DIALLO Asséta, (2020). « Description terminologique « anndal tayka », manuel d’enseignement des sciences de la vie et de la terre en fulfulde », Les Cahiers du CERLESHS, Numéro spécial, Presses Universitaires de Ouagadougou, pp. 193 à 206

KLEIBER Georges, (2009) : « La synonymie « identité de sens n’est pas un mythe », Pratiques, 141-142, pp. 9-25

MASSERON Caroline, (2009) « Présentation. Les paradoxes de la synonymie », Pratiques Linguistique, littérature, didactique, numéro 141-142, pp. 3-8

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