Françoise Sedogo, maquilleuse de cinéma : « On ne nous considère pas assez sur les plateaux de tournage »

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Le cinéma, c’est tout une équipe de production. Derrière les écrans, il y a ceux qui aident les acteurs à mieux incarner leur rôle.  Il s’agit des maquilleuses et maquilleurs de cinéma. Bointoenewendé Françoise Sedogo est une maquilleuse professionnelle de cinéma, beauté et effets spéciaux.  Burkina 24 s’est entretenue avec elle le 7 mars 2021.

 

B24 : Comment se fait le maquillage des acteurs de cinéma ?

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S.B Françoise: D’abord pour maquiller un acteur, on se fie à la description du scénario. Tout comme les autres techniciens, la maquilleuse dépouille le scénario. Quand on parle de dépouillement au cinéma, c’est lire attentivement le scénario et voir ce qu’il faut pour la séquence.

Si l’acteur doit courir il faut mettre la sueur, si l’acteur doit être blessé, on fait les blessures. Par exemple, si c’est une secrétaire, on ne peut pas la maquiller comme une femme de ménage qui est en train de travailler à la maison. Donc on se fie d’abord à la description du scénario.

Burkina 24 : Dans les films, il arrive que l’acteur présente des blessures qui ont l’air réel. Comment se fait le maquillage à ce niveau ?

S.B Françoise : Au cinéma, il y a plusieurs types de maquillages. Il y a le maquillage du cinéma simple, il y a les effets spéciaux, le maquillage technique et le maquillage artistique. Quand on parle de blessure, on utilise des effets spéciaux et les produits de base sont le sang artificiel et le latex qu’on ne trouve pas en Afrique. Donc c’est ce que je fais.

Dans la sous-région, nous ne sommes pas nombreuses à le faire parce qu’il faut une longue formation. Je dois repartir en Belgique pour me perfectionner en effets spéciaux une fois de plus, parce qu’on ne finit jamais d’apprendre.

Françoise Sedogo a affirmé qu’il y a plusieurs types de maquillages

Il faut une longue formation parce que ce n’est pas comme le make-up beauté que tout le monde fait. C’est encore plus complexe car si tu finis, il faut que le maquillage (effets spéciaux) corresponde à la camera parce que souvent si tu finis à l’œil nu ça va, et souvent à la camera on voit que ce n’est pas réel.

Burkina 24 : Quand on écoute,  il faut un grand budget pour être maquilleuse de cinéma ?

S.B Françoise : Vous savez en Europe, même si vous tapez sur le net, vous allez voir que ce sont les écoles de maquillage qui coûtent plus chères. En Europe, les écoles de maquillage coûtent plus chères que les écoles d’ingénieur, et autres.

Je ne sais pas pourquoi mais, là-bas, j’ai une amie maquilleuse belge qui m’a demandé, comment on vous paye chez nous. Bon chez nous en tout cas, ça ne va pas, le plus gros cachet est de 1 million 500 mille.

Pourtant chez eux, quand ils finissent de tourner un seul film, ils ont  des millions. Et elle m’a dit que si elle finit un seul film, elle peut faire  3 ou 4 ans sans travailler. Et si elle veut,  elle peut dormir car, elle va manger, elle va voyager, et elle va faire tout ce qu’elle veut. Donc c’est pour dire que là-bas, l’école du maquillage coûte chère mais ça  nourrit son Homme.

La maquilleuse du cinéma montre un des produits utilisés pour faire le maquillage.

Contrairement à chez nous, quand  on t’appelle   pour  faire le maquillage, le budget des produits coûte extrêmement chers. On n’en trouve pas en Afrique, il faut commander aux Etats Unis ou en Europe.

Burkina 24 : Qu’est-ce qui vous a motivée à devenir maquilleuse de cinéma ?

S.B Françoise : Quand j’ai commencé par le jeu d’acteur, je me suis dit que  c’est ma passion depuis ma tendre enfance. Mais  pourquoi ne pas me former à un métier du cinéma pour pouvoir passer du temps sur les plateaux de tournage ?

 Je me sens mieux quand je suis sur un plateau de tournage. Etant donné que j’aimais me maquiller, je me suis lancée dans le maquillage, et il y a une grande sœur, Odette Balaya qui m’a tendu la main et je me suis formée à ses côtés. Ensuite, j’ai été hors du pays me former avant de revenir continuer sur les plateaux de tournage.

Burkina24 : Qu’est-ce qui fait la particularité d’être maquilleuse de cinéma ?

S.B Françoise : La particularité c’est pouvoir aider l’acteur. D’abord, on aide l’acteur à mieux incarner son rôle parce que quand l’acteur finit de s’habiller, il vient chez la maquilleuse. Et c’est la maquilleuse ou le maquilleur qui doit l’aider à mieux incarner son rôle en le maquillant, selon la description de son rôle dans le scénario. Si l’acteur doit être blessé, dès que la maquilleuse finit de faire les blessures,  l’acteur se sent déjà blessé. Il se sent déjà dans son univers pour donner ce que le réalisateur demande.

Ce maquillage traduit le silence de la femme face aux difficultés qu’elle rencontre.

Burkina24 : Votre activité est-elle à temps plein ou avez-vous d’autres occupations ?

S.B Françoise : Je peux dire que c’est à temps plein pour le moment, parce que je suis en train de trouver d’autres activités pour exercer. Ici, on te demande à part le maquillage, à part le jeu d’acteur, à part le cinéma, tu fais quoi d’autre, pourtant c’est un métier qui devait quand même nourrir son Homme. Malheureusement, ici il faut trouver une activité pour faire parallèlement au maquillage, donc je suis en train de voir.

Burkina24 : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez actuellement en tant que maquilleuse de cinéma ?

S.B Françoise : Les difficultés, il y en a plein. Sur les plateaux de tournage d’abord. C’est d’ailleurs ma lutte. Quand l’acteur finit de s’habiller, il arrive chez la maquilleuse qui le maquille et souvent on ne nous laisse pas terminer.

Tu veux vraiment maquiller l’acteur, selon la description du scénario, mais on vient le tirer disant qu’ils sont pris par le temps. Pourtant quand le chef opérateur règle sa caméra, on ne le stresse pas. Il prend son temps. Quand l’électro a un problème avec sa machine, on le laisse même des heures, souvent on casse le plateau pour qu’on revienne le lendemain.

Au cinéma c’est du couper coller. Par exemple si vous démarrez de Burkina 24 pour venir ici, on peut vous filmer ici avant de vous filmer entrain de quitter Burkina24 une semaine plus tard. En ce moment, la maquilleuse doit reproduire exactement le même maquillage. Pourtant on vient tirer l’acteur alors que la maquilleuse n’est pas prête. Elle doit reproduire le même maquillage et vérifier les accessoires.

Si l’acteur avait porté une chaine, il n’y a pas de raison qu’il quitte Burkina24 pour venir ici sans qu’on  ne retrouve la chaine. Pourtant on n’a pas vu une partie où il a enlevé la chaine. Malheureusement, on n’est pas considéré assez sur les plateaux, donc c’est ma lutte. Je lutte pour qu’on nous considère davantage et qu’on nous prime au FESPACO, parce qu’il  y a le prix du meilleur décor, costume et lumière. Pourquoi pas le prix du meilleur maquillage ?

Burkina24 : Est-ce que  vous intervenez sur le plan international ?

S.B Françoise : Oui. Je peux dire que c’est une grâce. J’ai eu la chance de travailler à l’international. C’est à cause de la pandémie sinon je devais être en tournage dans les 2 Congo, (Brazzaville et RDC). Et je devais aller en Guinée aussi pour former et tourner un court métrage en même temps. Mais bon… Ça va se faire après la pandémie, lorsque ça va se stabiliser, j’irai travailler. Ce sont des projets qui sont en stand bye. Et dans la sous-région, il  y a quelques pays qui m’ont sollicitée pour donner des formations aux jeunes filles qui veulent embrasser le métier du maquillage cinéma.

Burkina24 : Est-ce qu’au Burkina, l’on peut uniquement vivre de ce métier ?

S.B Françoise : Je peux dire oui, parce que je vis du maquillage, même si je ne suis pas riche j’arrive à me nourrir, à payer mes formations. Je n’ai pas de voiture parce que j’ai choisi de payer la formation en Belgique qui coûte cher. J’ai payé environ 3 millions pour 3 semaines de formation, donc on peut vivre ça. Si tu te mets au sérieux et que tu travailles avec passion forcement tu vas réussir.

Burkina24 : Actuellement le FESPACO a été reporté, mais comment vous vous occupez à ce niveau généralement ?

S.B Françoise : Déjà, je ne sais pas quand ça va se tenir. On s’apprête parce qu’au FESPACO 2019, j’ai animé un atelier de maquillage au siège du FESPACO. Il y avait aussi 5 pays qui avaient participé et 5 maquilleurs venus de 5 pays.  Quand j’ai été invitée à Yaoundé, j’ai travaillé avec 19 maquilleuses venues de 19 pays où je me suis retrouvée en tant que formatrice.

J’ai été invitée comme les autres et quand je suis arrivée, en vérifiant mon Curriculum Vitae, ils se sont rendu compte que j’étais la seule qui pouvait  former les autres maquilleuses venues des 19 pays. C’était un honneur pour mon pays le Burkina Faso et je me baladais avec le drapeau du Burkina partout.

Avec ceux de Yaoundé, on va organiser une rencontre des maquilleuses et un panel pendant le FESPACO pour discuter de l’importance et de l’apport du maquillage dans un film.

Burkina24 : Nous avons constaté que vous avez reçu des trophées. Pouvez-vous nous les présenter ?

S.B Françoise : Mon premier trophée a été décerné par Africa Mousso, une cérémonie qui récompense les femmes battantes cinéastes. Je l’ai reçu en 2008. J’ai reçu un autre trophée à Yaoundé, le trophée de la maquilleuse professionnelle africaine en 2019. Il y a aussi le trophée de la maquilleuse de l’année décerné par les 12 PCA en 2020 que j’ai reçu, sans oublier le trophée de la star des maquilleuses que j’ai remporté. Il est  décerné par la nuit des stars.

Françoise Sedogo a reçu quatre prix depuis le début de son métier.

Burkina24 : Pour ceux qui aimeraient emboiter vos pas,  quelle peut être la procédure à suivre ?

S.B Françoise : D’abord c’est venir avec la passion et la détermination. Quand les gens viennent pour la formation, je leur demande si elles veulent  en faire un métier ou juste pour se maquiller.

Si c’est juste pour se maquiller, il n’y a pas de soucis. Si c’est pour en faire un métier je leur dis qu’il fau se mettre au sérieux parce que ceux qui arrivent à maitriser et se démarquent des autres sont des personnes comme nous.

Tout le monde peut réussir dans le milieu du maquillage si le sérieux y est. Il ne s’agit pas de venir dans ce métier, parce qu’on n’a pas d’autre porte de sortie. Il faut venir avec amour et passion.

Propos recueillis par Alice THIOMBIANO et Deborah BENAO (stagiaire)

Burkina24

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