Tribune | « Assassinat du Lieutenant-colonel Nézien Badembié Pierre Claver : 40 ans après, la famille attend toujours la vérité »
Ceci est un écrit de Tanga Tarpaga, historien, sur la disparition du Lieutenant-colonel Nézien Badembié Pierre Claver.
À la suite du renversement du président Aboubacar Sangoulé Lamizana par un coup d’État militaire, le 25 novembre 1980, le gouvernement a été remplacé par le Comité militaire de redressement pour le progrès national (C.M.R.P.N.), dirigé par le colonel Saye Zerbo, chef de l’État, président du conseil des ministres, ministre de la défense nationale et des anciens combattants et chef d’état-major général des forces armées. Le Lieutenant-Colonel Badembié Pierre Claver Nezien est ministre de l’intérieur et de la sécurité et occupe de ce fait la deuxième place du pouvoir.
Le 7 novembre 1982, ce gouvernement est renversé à son tour et cède la place au Conseil provisoire de salut du peuple (C.P.S.P.) du commandant Jean-Baptiste Ouédraogo. Thomas Sankara, leader du Regroupement des Officiers Communistes (R.O.C.), est désigné par la suite comme Premier ministre.
Le 9 novembre 1982, le Lieutenant-Colonel Badembié Pierre Claver Nezien est tué d’une « balle dans le dos » dans la suite directe des évènements du putsch. Cet événement inaugure l’ère des exécutions extra-judiciaires au sommet du pouvoir politique indépendant. De façon plus précise, Le lieutenant-colonel de la gendarmerie Nézien Badembié Pierre Claver, a été froidement abattu devant la villa où il devait être déféré, après avoir refusé de ramper dans sa tenue d’officier comme le lui ordonnaient ses exécuteurs. […] Parmi ceux qui avaient participé à son assassinat, il y avait des éléments du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô.
Des témoins affirment qu’il avait été « froidement abattu » par un sous-officier, un sergent-chef […]. Le lieutenant-colonel, en raison de ses fonctions, non seulement à la tête de la gendarmerie nationale mais aussi au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, connaissait mieux que les autres membres du gouvernement les activités souterraines de ces militaires » rebelles [Thomas Sankara, Blaise Compaoré et Henri Zongo NDLR »].
Ses proches racontent qu’un jour il aurait dit aux autorités que si elles laissaient » ces enfants », ce qu’ils allaient faire de ce pays, ils le regretteront. Est-ce pour cette raison qu’ils l’avaient qualifié de dangereux et l’avaient lâchement assassiné en violation des textes en vigueur dans l’armée nationale et des lois civiles ? […] Les coupables courent toujours. Certains avaient été promus à des grades supérieurs notamment le sous-officier qui avait abattu le colonel Nézien. C’était le début d’une série noire de meurtres que le Burkina Faso allait vivre jusqu’à la IVè République.
Les circonstances de la mort de Nezien n’ont toujours pas été élucidées officiellement. Il est rayé, immédiatement après son décès, des contrôles de l’Armée nationale de Haute-Volta le 10 novembre 1982. 40 ans après son décès, sa famille et ses amis veulent connaitre la vérité.
Le professeur Cissé Ibrahim dans un document intitulé « 60 ans d’indépendance, séquences d’histoire du Burkina Faso : Début de la violence en politique » diffusé par la télévision nationale du Burkina en collaboration avec l’Université Joseph Ki ZERBO déclare ceci : « Grand stratège, il était le seul à échapper aux filets des putschistes du 7 novembre 1982. Refugié à l’ambassade de France, il se livra de son propre chef, après avoir appris que tous ses camarades sont aux arrêts au camp Sangoulé Lamizana.
Vêtu de sa tenue d’officier supérieur, il monta dans le char venu le prendre à son domicile au camp de gendarmerie de Paspanga et vers 16h00, dans l’enceinte du camp, il fut abattu de dos, alors qu’il rejoignait sa cellule. Un communiqué des nouvelles autorités à la radio nationale prétexta une tentative de fuite de celui là même qui se rendit même aux putschistes par fidélité aux camarades, par fierté de l’officier et pour l’honneur des armées ».
Voilà comment le pays connut son premier meurtre pour des raisons politiques, conclut le professeur Cissé qui poursuit en disant que c’est à partir de là, qu’on a assisté à beaucoup d’assassinats.
A partir de là, on a une certaine conception du pouvoir qui voit une politique d’exclusion: “ou vous êtes avec nous, ou vous n’êtes pas avec nous et on s’occupe de vous, on fait tout pour vous neutraliser”, selon le professeur Cissé Ibrahim.
Toutes les familles éplorées veulent connaitre la vérité.
La réconciliation peut elle se faire à la sauvette, en oubliant l’écrasante majorité des victimes ?
A-t-on le droit de narguer la justice ?
A-t-on le droit de trafiquer l’histoire ?
« On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ». Abraham Lincoln
Tanga Tarpaga, historien
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