Etude : Analyse de quelques motifs de départ des enfants en situation de rue   dans la ville de Ouagadougou

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Ceci est une étude de Tiga Alain OUEDRAOGO, Institut des Sciences des Sociétés (INSS) /Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), Burkina Faso, Email : [email protected], et de Issa OUEDRAOGO, Université Joseph KI-ZERBO, EDLESHCO, Laboratoire de Recherche et de Formation en Sciences du Langage (LARFOS), Burkina Faso, Email : [email protected], et de Sabine SOME, Institut des Sciences des Sociétés (INSS) /Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), Burkina Faso intitulée « Analyse de quelques motifs de départ des enfants en situation de rue   dans la ville de Ouagadougou».

 

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  1. Introduction

L’examen du parler des enfants migrants dans la ville de Ouagadougou illustre une double crise tant au niveau social que linguistique. Leur discours semble constitué de formes d’individuation linguistique avec un langage imagé construit recourant à la néologie. A travers ce parler nous avons découvert l’enfant migrant et nous voulons utiliser ses forces et ses faibles pour son insertion sociale et professionnelle. L’objet du présent article est de déceler des possibilités d’insertion sociale et professionnelle des enfants migrants dans la ville de Ouagadougou. A travers le cadre de la sociolinguistique urbaine, les analyses ont concerné les aspects linguistiques, mais aussi psychologique et sociale. Suite aux enquêtes, entretiens et interview, nous avons procédé au dépouillement, à l’analyse et à l’interprétation. Le phénomène des enfants migrants est complexe et requiert des actions concertées avec tous les acteurs et partenaires intervenant sur la problématique, notamment la coalition des intervenants auprès des jeunes et enfants vivant en situation de migration dans la ville de Ouagadougou.

  1. Méthodologie

La zone d’étude est la ville de Ouagadougou. Nous avons choisi cette ville parce qu’elle a connu d’importantes mutations sur le plan urbanistique et attire de nombreuses populations de divers horizons. De façon spécifique, nous avons choisi cette ville parce qu’elle est le lieu de rencontre et de circulation de diverses populations qui se caractérisent par une diversité d’ethnies et de cultures et par conséquent une pluralité de langues en contact. CALVET (1994 : 10) soutient que « la ville constitue un milieu de convergence d’hommes de provenances diverses et cette convergence (….) vers la cité a sa contrepartie linguistique ». C’est cette contrepartie linguistique qu’offre la ville qui a marqué notre intérêt pour ce terrain d’étude.

La population d’étude comprend des enfants en situation de rue, des organisations de la société civile ayant des sites d’accueil et d’hébergement et des agents du ministère de la femme, de la solidarité nationale et de la famille qui œuvrent à la prise en charge des enfants en situation de rue.

Nous avons opté pour l’échantillonnage aléatoire car notre souci était d’éviter tout choix sur la base d’une quelconque affinité et d’avoir une certaine représentativité des sujets soumis à l’étude. Nous avons collecté nos données de façon méthodique. Nous avons collecté nos données sur la base d’un questionnaire et d’un guide d’entretien.

L’objectif visé est de mettre en évidence un lien de cause à effet entre les caractéristiques des sujets (âge, sexe, milieu socio-économique ou culturel d’origine, langue maternelle, niveau scolaire, etc.), des cibles linguistiques étudiés (types mots, de phrases,) et des situations de communication comme le contenu des productions, le contexte, les caractéristiques des interlocuteurs, les types de rapports psychologiques ou sociaux qu’ils entretiennent, etc.

La réalisation de certains entretiens s’est faite avec le soutien des travailleurs sociaux de KEOOGO, Samusocial Burkina Faso (SSBF), l’Association pour la Protection des Droits des Mineurs (APDM), ACTION MAMA AFRICA (AMA) et l’appui des agents du ministère de la femme, de solidarité nationale et de la famille. Il s’est déroulé aussi bien en français qu’en langues nationales.

Après cela, nous avons procédé au dépouillement et à l’analyse des différents éléments. Ce qui nous amène à faire les propositions ci-dessous pour aider à apporter des solutions à la situation des enfants migrants.

  1. Résultats

 

  • Répartition des enfants en situation de rue selon le niveau d’étude scolaire
Graphique 1 : Niveau d’études scolaires des enfants migrants  

 

Source : Données de nos enquêtes de 2021-2022

Les données nous montrent que 104 enfants en situation de rue soit 52 % ont bénéficié seulement d’une étude coranique. Cela ne leur permet pas de savoir lire, écrire et compter ni dans leur propre langue (maternelle) ni dans une L1 comme le français, ni dans une langue étrangère en l’occurrence l’anglais, etc. L’apprentissage du coran a uniquement un but religieux. Par contre 48 % des ESR qui ont fréquenté ont dû arrêter précocement leurs études à partir du primaire, du post-primaire et au secondaire. Dans leur majorité, les ESR ont eu un cursus scolaire pratiquement inachevé.

  • Motifs de départ des enfants
Graphique 2 : Effectifs selon les motifs de départ des enfants à la rue

Source : Données de nos enquêtes de 2021-2022

Les raisons données par les ESR sont multiples et multiformes. Après synthèse, nous avons retenu quelques-unes qui sont : la pauvreté qui rime avec la recherche d’argent 33 %, les violences 21 %, le confiage pour études scolaires et coraniques représente 18 % et les fugues 12 %. Ces motifs représentent les principales causes de l’arrivée des enfants dans la rue. Les motifs quels qu’ils soient représentent à nos yeux des indices de référence de crise psychoaffective caractérisée par des attachements parents-enfants de mauvaise qualité. Ces indices peuvent induire les enfants à adopter des comportements déviants et un langage déviant.

Les données de l’étude nous indiquent que sur les quarante-cinq (45), plus de la moitié (26 provinces) est concernée avec 165 enfants ayant migré vers la capitale Ouagadougou soit 83 %. Seulement 6 enfants soit 3 % sont issus des communes rurales de Ouagadougou et 29 enfants résidaient dans la commune urbaine à travers les quartiers populaires soit 14 %.  Cette migration engendre l’éloignement des enfants de leurs terroirs d’origine. Cela atteste aussi une rupture précoce de liens sociaux entre père-fils, mèrefils/fille et enfants entre eux et avec leur communauté d’origine. Ceci engendre des conséquences au niveau linguistique /social et psychologique.

  1. Conclusion

En somme, cette étude souligne l’importance cruciale du langage dans la compréhension et l’accompagnement des enfants migrants à Ouagadougou. En analysant leur façon de s’exprimer, il est possible de mieux cerner leurs expériences, leurs besoins et leurs difficultés.

  1. Références bibliographiques

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Ce document de vulgarisation tiré d’un article scientifique des auteurs Tiga Alain OUEDRAOGO, Issa OUEDRAOGO, Sabine SOME (). « Langage des enfants en situation de rue : insertion sociale et professionnelle des enfants migrants dans la ville de Ouagadougou », DJIBOUL, N°01, Hors-Série, : 38-52

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