De la timidité à la scène : Ila, le rire comme révolution douce

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Il a poussé la porte de Burkina 24 comme on tourne une page : avec calme, sans fracas, mais avec cette intensité tranquille de ceux qui savent où ils vont. Silhouette effacée, regard franc, pas mesuré… rien ne trahissait l’homme de scène. Et pourtant, derrière cette pudeur assumée se cache l’un des humoristes les plus en vue du moment au Burkina Faso. Son nom civil : Ilboudo Louis Arnaud. Mais dans la lumière des projecteurs comme dans l’ombre des réseaux, un seul nom fait vibrer le public : Ila.  

28 juillet 2025, dans le studio feutré de Burkina 24, il s’installe sans tapage, le dos droit, le sourire discret. Difficile, à première vue, d’imaginer que ce jeune homme que ses proches décrivent comme timide peut électriser une salle de plusieurs milliers d’âmes.

Et pourtant, le silence, chez lui, n’est qu’une pause entre deux éclats de rire. « De base, je suis quelqu’un de timide », avoue-t-il. Timide, oui. Mais aussi curieux, déterminé, et surtout porté par une passion qui déborde des mots.

Son aventure ne commence pas dans une explosion, mais dans un frémissement. Une annonce, glissée entre les lignes d’une affiche : « 3 minutes pour faire rire ». Une compétition. Un pari. Ila observe, doute… puis ose. Et ce simple pas devient un envol.

Ilboudo Louis Arnaud alias ILA
Ilboudo Louis Arnaud alias ILA

« J’avais déjà vu des doyens comme Génération 2000 et Moussa Petit Sergent. Ça me donnait envie… », confie Ila, le regard porté vers un passé pas si lointain. Ce n’est ni un rêve éveillé, ni un hasard. C’est un désir silencieux qui a mûri, jusqu’au jour où une compétition surgit comme un signe : « 3 minutes pour faire rire ». Alors, il s’élance. Sans certitude, mais avec une intuition. Et ce moment-là, il ne l’a jamais oublié : « Ce fut ma plus belle expérience… et c’est là que tout a commencé. »

Dans la salle, ce jour-là, sa grande sœur Valérie partage le frisson de ses débuts. Présente à ses côtés pour la finale, elle se souvient, sourire suspendu à la mémoire : « Nous avons ri jusqu’aux oreilles. Depuis, je n’ai cessé de l’encourager. »

Son témoignage résonne d’une tendresse fraternelle. Elle parle d’Ila avec les yeux de l’enfance, ceux qui l’ont vu grandir, vélo au vent, blague au coin des lèvres. « Tout petit, il faisait rire tout le quartier. Il dansait, chantait, amusait la galerie… On l’appelait Awilo Logomba », dit-elle en riant.

Mais avant même les projecteurs, un premier pas avait été posé. Un clin d’œil numérique. Une vidéo postée, entre audace et improvisation, pour inciter d’autres jeunes à rejoindre la scène. Ton léger, humour percutant, rythme naturel… La toile s’enflamme. Le buzz est immédiat. « C’était un délire. Et ça a pris. J’ai vu que je pouvais faire passer des messages en faisant rire », se souvient Ila. C’est dans cette étincelle virale qu’il découvre le pouvoir d’un rire sincère.

Cette vidéo, c’est aussi celle qui croise la route d’un autre comédien : Momo l’Intellectuel. Aujourd’hui ami et complice de scène, il raconte leur première rencontre virtuelle avec malice : « Il avait publié une vidéo pour inviter les gens à venir le soutenir. Et là, je me suis dit : ce gars a le feu sacré. Ila, c’est du talent brut. Il jongle avec les langues, il chante… »

Il éclate de rire en évoquant une anecdote de scène : « Une fois, on a composé une chanson ensemble, la Baltasar Dance. Sauf qu’au moment de la prestation… trou de mémoire ! On a oublié les paroles ! On s’est fait chambrer pendant des jours. »

Mais loin d’être une faiblesse, ces instants d’imprévu forgent la complicité, renforcent l’humilité. Et surtout, ils rappellent que chez Ila, le rire est un art sérieux… né d’un instinct sincère.

Momo l'Intellectuel et son ami Ila
Momo l’Intellectuel et son ami Ila

Depuis ce premier éclat viral, l’impact est devenu son moteur. Plus que des rires : des déclics. Des regards qui changent, des consciences qui s’ouvrent. Le vrai tournant ? Ce jour où Ila s’est retrouvé face à 4 700 visages. Une foule immense, compacte, palpitante. Une vague de rires et d’émotions, une montée d’adrénaline gravée à jamais.

« Quand tu vois que ce que tu fais touche les gens, les fait réfléchir ou même les aide… tu comprends que ce n’est plus juste un délire. C’est devenu une mission », souffle-t-il, comme on avoue une vocation.

Mais même avec l’habitude, une chose ne change pas : le trac. Fidèle compagnon de route, il le précède à chaque lever de rideau. Pas de gri-gri, pas de formules magiques. Seulement une bouteille d’eau, discrète et essentielle. « C’est mon petit rituel. Ça me calme », dit-il, avec ce sourire léger qui précède les grandes choses.

Sur scène, Ila ne vient jamais seul. Il y monte avec une galerie de personnages, chacun inspiré du réel, chacun miroir d’une société qui rit d’elle-même. Parmi eux, le Fondateur, directeur d’établissement scolaire haut en couleur.

Un homme qui symbolise les paradoxes du quotidien burkinabè : « Ce personnage, c’est pour pointer du doigt ces parents qui supplient pour inscrire leurs enfants, mais qui tardent à payer la scolarité. C’est drôle, oui… mais c’est réel. »

Chez Ila, l’humour est un scalpel affûté dans la tendresse. Une façon d’exprimer ce que d’autres taisent. Et cela, même ses parents — d’abord sceptiques — ont fini par l’accepter. « Au début, ils étaient un peu réticents. Mais aujourd’hui, ça va. Quand des voisins leur parlent de moi, leur disent qu’ils m’ont vu ici ou là… je sens leur fierté. Même s’ils ne me le disent pas franchement », confie-t-il, un éclat de pudeur dans la voix.

Dans l’ombre discrète mais constante d’Ila, il y a Valérie, sa grande sœur citée plus haut, son premier soutien, son regard admiratif. « Ce qui me rend fière, confie-t-elle, c’est son dévouement. Il prend au sérieux à la fois sa passion pour l’humour et ses études. Il ne choisit pas, il construit. » Et comme un vœu prononcé tout bas, elle ajoute : « Je lui souhaite de réussir pour, un jour, tendre la main à d’autres jeunes qui rêvent de suivre ses pas. »

Car Ila n’est pas qu’un amuseur. C’est un porteur d’avenir, un rêveur lucide. S’il n’avait pas trouvé sa voie dans l’humour ? Il serait acteur, sans hésiter. Le cinéma, dit-il, lui offrirait la même liberté : incarner, questionner, émouvoir. Peut-être un jour. Mais pour l’heure, c’est le rire qui l’a choisi et lui, il s’y est abandonné avec ferveur.

Sur l’état de l’humour au Burkina Faso, Ila se montre réaliste mais confiant : « On a du talent, vraiment. On n’a rien à envier aux autres. Il manque juste un peu de moyens. Mais on avance. » Et lui, il avance avec l’idée claire d’ouvrir la voie. Son rêve : créer un comedy club, un vrai, un lieu d’apprentissage, d’expression, de passage. « Je veux bâtir un circuit. Pour que les jeunes aient un espace pour s’exprimer, évoluer, se découvrir. »

Et quand on l’interroge sur les comparaisons, parfois hâtives, avec Karim La Joie, il répond d’une voix calme, sans détour : « Karim, c’est mon ami. Chacun a son style, son univers. Les comparaisons ? Elles ne servent à rien. Ce qu’on fait, c’est pour faire avancer l’humour ensemble. »

Avancer. Toujours. C’est le mot d’ordre d’Ila. Un mot simple, mais profond. Car si le rire n’était pas inscrit dans ses plans d’origine, aujourd’hui, il est devenu son langage, son engagement, sa voie. Il rit, mais il pense. Il amuse, mais il construit. Et dans chaque éclat de rire qu’il provoque, il sème aussi une étincelle de conscience.

En somme, Ila incarne une jeunesse burkinabè ambitieuse, sincère et résolument tournée vers demain. Une jeunesse qui n’a pas peur de rêver… à condition de le faire avec sérieux, et pourquoi pas, avec un peu de folie douce. Et à le voir évoluer, une chose est sûre : le public n’a pas fini de rire… ni de réfléchir.

Aurelle KIENDREBEOGO (Stagiaire) 

Burkina 24

Rédaction B24

L'actualité du Burkina 24h/24.

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