Confiance des citoyens dans la Transition politique: analyse à l’intention de l’Exécutif au sommet de l’Etat (1/2)
Bien avant de rentrer dans le vif du sujet du jour, je voudrais ouvrir une petite parenthèse, pour lancer un appel public à mes amis de Science po et de Droit public, à se jeter dans le bain national actuel pour produire des analyses pertinentes – ouvertement ou discrètement-, dans l’intérêt patriotique. Passé ce temps généreux en thématiques assaillantes, ils auront du mal à rencontrer de pareilles circonstances dans la vie. C’est un enseignant d’Histoire qui parle ici (…) Certains de nos aînés, éminents savants ou journalistes politiques qui découvrent et vivent en même temps que eux ces moments historiques, non seulement en théorie, en pratique, mais aussi et surtout en émotion, pourront le leur témoigner (…)
Dans son discours solennel prononcé lors de la célébration de la fête nationale, le Président du Faso, Président de la transition exprimait le confort de l’exécutif d’avoir l’assurance de la confiance de la nation en ces termes selon la presse : « (…) Pour poursuivre notre politique de redressement, nous avons besoin de votre confiance, de toute votre confiance. Si nous sommes sûrs de votre soutien et de votre adhésion, comme vous nous l’avez amplement démontré jusqu’à présent, la Transition est certaine de relever les défis (…)».
Ces propos suscitent l’intérêt d’analyser la confiance des citoyens à l’intention de l’Exécutif au sommet de l’Etat.
- Le caractère fluide et volatil de la confiance
Tout d’abord, il faut le dire, la confiance, à l’image de ceux mêmes qui la portent a une vie. C’est une donnée très fluide, voire volatile, en ce sens qu’elle augmente, diminue, va, revient et même, peut partir définitivement, c’est-à-dire mourir, chose fréquente dans la vie sociale. On dit que la confiance est perdue!
Comme le Président le dit, la foule importante et déferlante dans l’espace public en date du 30 et du 31 avait atteint un tel niveau de mobilisation et de détermination que rien ne pouvait lui résister durablement sans exposer notre pays au chaos. Qu’un tel peuple s’efforce de se ressaisir, de regagner son lit, – à l’image d’un fleuve après l’inondation et la furie des eaux -, c’est le signe fort d’une marque de confiance inestimable non dénué d’espoir immenses à l’endroit de l’Exécutif! Et c’est la gestion de cet espoir notamment en termes de patience tolérable pour des résultats tangibles, qui peut consolider cette confiance déjà présente ou l’éroder gravement.
Ce que je note comme critères déterminants de cette confiance, c’est aussi la JUSTICE et l’organisation de la transition dans le DELAI IMPARTI DES 12 MOIS MAXIMUM. Aucun prétexte ne saurait dérober à ces critères fondamentaux sans créer de la frustration populaire. Et si d’aventure la frustration réapparaissait, nos concitoyens fortifiés par le récent succès éclatant contre un pouvoir vieux de 27 ans, voudront renouveler leur exploit. Ces termes ressortent dans le propos du Président lui-même, lors de son tout premier discours, à l’investiture devant le Conseil constitutionnel.
Aujourd’hui, on peut le dire, l’espérer fortement, et surtout défendre que le pouvoir est dans la main de « ses connaisseurs. » Et en langue Dioula, un adage populaire dit que « toute chose est bien dans la main de son connaisseur. » Et la différence entre « le connaisseur » ou l’expérimenté et l’amateur se situe surtout au niveau des hésitations ou maladresses caractéristiques du dernier dans les actes posés. La confirmation de la qualité d’expérimenté ou de « connaisseur » se mesure surtout à l’aune des actes posés. Cela ne voudrait pas dire qu’il faille abandonner les dirigeants aux seules rigueurs du jugement des citoyens ! Ces derniers au contraire, eu égard aux enjeux de sécurité, de sérénité et de démocratie leur incombant à tout point de vue, ont le devoir de mettre la main à la pâte. En retour, les dirigeants aussi ont le devoir de réagir aux suggestions faites, de sorte à encourager le citoyen et à le rassurer d’une écoute attentive. Autrement, il naît une fracture, sinon une rupture de confiance à la longue.
Pour cette raison, je me fais le plaisir de remplir ici un devoir citoyen, en exposant brièvement sur la confiance des citoyens, sur la base de données d’enquêtes menées par Afrobaromètre, – certes, antérieures à la Transition (voir la 2ème partie).
Mais bien avant, il paraît important de souligner que l’engagement ou la bonne disposition de l’Exécutif en faveur de deux actes majeurs, ne courent quasiment pas de risque de maladresse, au regard des attentes du peuple. Il s’agit d’attaquer vigoureusement les dossiers de justice et d’établir un chronogramme opérationnel d’organisation et de suivi des élections générales.
- Les dossiers de justice font partie des fortes attentes : que les magistrats s’autosaisissent et assument leurs rôles, suivant le principe de séparation des pouvoirs et ne restent pas à la traine des autres pouvoirs que sont le CNT et l’Exécutif
Mieux que cela, il appartient au pouvoir judiciaire détenu par les magistrats d’ouvrir courageusement les dossiers pendants de justice, et ce, conformément au principe de séparation des pouvoirs. Le juge a-t-il nécessairement besoin d’être saisi par l’exécutif pour prendre en main certains dossiers ? Mettre tout cela sur le compte de l’Exécutif, pourrait sembler être un procès « gratuit ». Que nos chers magistrats, à l’instar du peuple (dont ils sont certes, partie intégrante) qui est sorti courageusement et triomphalement les 30 et 31 octobre, prennent aussi leur courage à deux mains pour ouvrir les dossiers. Il est fort probable qu’il n’y ait pas pour le moment sous nos cieux, une école pour apprendre à avoir le courage ! Il faut se lancer juste dans l’action, surtout quand c’est pour noblement exécuter son travail. Tout ce qui vient comme facilités ou difficultés dans l’exécution de l’action, s’exécutera au gré des interactions, qu’elles soient politiques ou techniques. L’engagement rapide dans cette démarche, ne peut être que gage de transparence, souhaitée par notre démocratie.
- Proposer d’urgence, un chronogramme opérationnel de tout le processus de la Transition annuelle
Tous, nous savons que la transition dure UN AN AU MAXIMUM et qu’au moins, un mois est déjà consommé. Le reste du temps est trop court pour tout faire. Quand je l’évoque d’ailleurs, je suis stressé et j’ai des vertiges ! Cela n’a aucun lien avec un manque de confiance. Comment un bon planificateur pourrait-il ne pas se stresser quand il y a trop à faire pour un délai trop court, face à une exigence de sélection de priorités innombrables, plus ou moins urgentes les unes que les autres ?
Il est clair que toutes les préoccupations ne peuvent être complètement résorbées en si peu de temps. Même un mandat de cinq ans dévolu à un président en situation ordinaire, n’a pas suffi toujours à résoudre tous les problèmes ! A la dernière évaluation de la SCADD pour le quinquennat de l’ancien Président Blaise Compaoré, le taux d’exécution était encore bas, – soit seulement à un an de l’échéance. Et ce n’est qu’en 2014 qu’on constatait une tentative d’accélération qui conduisait en visites de contrôle, le Premier sur plusieurs chantiers ! En langage de planification, cela fait un « peu amateur », que l’on m’excuse (…) C’est d’ailleurs un indicateur pertinent de manque de planification adéquate surtout que l’on sait que le coût du référendum jadis défendu à cor et à cri par le pouvoir déchu, n’était pas prévu dans le budget de l’Etat jusqu’à une date récente.
Seul un chronogramme cohérent, réaliste et allant droit à l’essentiel, accompagné d’outils et de personnels compétents de suivi rigoureux va nous épargner de l’effet de précipitation à la dernière minute, ce qui comporte le gros risque d’escamoter les choses, comme savent si bien le faire les gros amateurs (… )
- Convenir d’un rythme de travail adapté aux situations exceptionnelles
L’adage populaire le dit : à situations exceptionnelles, mesures exceptionnelles ! A l’évaluation, fin 2015, la Transition sera performante, si les différentes dates programmées et revisitées à temps dans l’agenda auraient été scrupuleusement respectées. Pour ce faire, le fonctionnement ordinaire d’une administration avec ses lourdeurs en cette période d’exception ne saurait en aucun cas répondre aux défis du temps limité, extrêmement court. Il faudra des mesures exceptionnelles, marquées par l’engagement d’un personnel compétent, plus important, réactif et proactif, à la hauteur des défis et également marquées par un plus grand rythme de travail, et surtout, un investissement financier plus important, sinon massif. Prenons un exemple simple pour faire plus concret. Si vous avez un travail d’une personne pour un volume horaire contenu dans 14 jours qu’on vous demande de rendre au bout de 7 jours ; comment pouvez-vous vous y prendre ? Deux réponses possibles non trop complexes s’offrent :
- vous choisissez de doubler votre temps de travail journalier, ce qui vous demande la renonciation à une part de repos, chose qui s’évalue en coût ;
- vous engagez une deuxième personne compétente à vos côtés (à la hauteur du défi), pour une semaine de travail comme vous, sans changer personnellement votre rythme et temps de travail. C’est dire que dans cette deuxième option, il y a des mesures d’accompagnement en termes de coûts financiers également.
Adhérer à une telle mesure me semble être la seule alternative au succès de la transition et bien avant, à la sérénité et à la confiance des citoyens. Les premiers gagnants de ce succès, certes c’est le peuple, mais son grand mérite profitera davantage au Président Michel Kafando et au Premier Ministre, Yacouba Isaac Zida (…)
(A suivre)
Ouagadougou, le 16 décembre 2014.
Idrissa DIARRA
Géographe, politologue.
Membre-fondateur du Mouvement de la
Génération Consciente du Faso (MGC/F).
Mobile : (+226) 66 95 04 90
Courriel : [email protected]
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