Interview d’Anicet NIYONKURU, un opposant burundais : « Cette élection est une comédie »

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Anicet NIYONKURU est le président du CDP, entendez par là, le Conseil Des Patriotes, un Parti d’opposition burundaise. Au moment où son pays traverse une forte crise de par l’intransigeance du Président Pierre NKURUNZIZA de briguer un troisième mandat, Burkina24 l’a rencontré. Il est question ici, de la lecture qu’il fait de l’actualité politique au Burundi.

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Burkina24 : Partagez avec nous votre parcours politique.

Anicet NIYONKURU : Politiquement, je me suis engagé depuis mon jeune âge en politique, militant des mouvements de jeunesse et des partis politiques visant à instaurer une vraie démocratie au Burundi, et cela depuis plus de 25 ans.

Ayant milité dans le mouvement CNDD (Conseil de Défense de la Démocratie) encore en rébellion contre le pouvoir militaire de Bujumbura en 1994, j’y ai occupé des fonctions importantes avant de quitter et de créer le CDP.

Au sein du CNDD, j’ai été membre de la Commission de Communication Chargé de l’Information et Représentant du mouvement en Afrique de l’Ouest. Dès que le caractère démocratique à l’intérieur du CNDD a été remise en cause, à cause des différents putschs internes, j’ai directement pris ma distance.

Le comportement de la faction arrivée au pouvoir au Burundi en 2005, le CNDD-FDD actuellement au pouvoir,  me donna raison. Une dérive dictatoriale a remplacé la dictature combattue ; après la guerre, commença la guerre !

C’est en ce moment que je commençai à concevoir le Parti CDP pour que le Burundi ait une alternative dans un proche avenir. Ainsi, la descente aux enfers de mon pays qu’on observe aujourd’hui, je l’avais pressenti dix ans auparavant.

En 2009 fut agréé mon parti le CDP et l’année suivante, en 2010, je participai aux échéances électorales qui ne respectaient malheureusement aune règle élémentaire en matière électorale et je m’en suis retiré avec tous les autres partis d’opposition.

Au niveau professionnel, je suis détenteur d’une Maîtrise en sciences et Techniques de la Communication obtenu à l’Université d’Abidjan-Cocody en Côte d’Ivoire avec des études supplémentaires en Sociologie (Licence) et en Marketing (DESS) à la même Université.

J’ai travaillé aussi en Côté d’Ivoire pendant trois ans avant de m’exiler encore une fois vers l’Allemagne à cause de la guerre ivoiro-ivoirienne qui commençait.

Burkina24 : Vous avez été candidat malheureux aux dernières élections présidentielles de 2010 au Burundi. Que retenez-vous de votre participation à cette échéance ?

Anicet NIYONKURU : J’aimerais d’abord apporter ici un rectificatif, je n’ai pas été candidat malheureux, puisque qui dit candidat malheureux suppose une compétition à laquelle vous avez échoué. Or, il se fait que je n’ai pas participé à cette élection malgré mon intention.

En effet, les conditions préélectorales ont été tellement iniques, tellement délétères que moi et tous les autres candidats nous avons retiré notre épingle du jeu. C’est ainsi que, toute honte bue, Nkurunziza a été candidat unique, donc inique.

Burkina24 : Envisagez-vous participer aux prochaines élections dans votre pays, le Burundi ?

Anicet NIYONKURU : A des élections oui, à une tragi-comédie électorale, jamais ! Les élections en cours est une mascarade pure organisée par le pouvoir SEUL, observée par le pouvoir SEUL et qui doit être gagnée par le même pouvoir SEUL.

Imaginez-vous une élection qui a lieu en l’absence de tout observateur neutre, en l’absence totale de l’opposition et organisée par une CENI choisie et nommée par le même pouvoir !

Une élection qui se fait en pleine guerre, avec plus d’une centaine de morts et plus de 150.000 réfugiés. Une campagne que fait le Président Nkurunziza en camions blindés avec des centaines de militaires la main sur la gâchette. C’est quel genre d’élection ça ?

J’attends la fin de cette comédie d’abord et je participerai aux élections ultérieures, libres et transparentes, préparées dans une situation socio-politique apaisée et stable.

Burkina24 : Quelle est la position de votre parti le CDP quant à l’éligibilité ou non du Président Pierre NKurunziza ? Donnez-nous en les raisons.

Anicet NIYONKURU : Notre position est celle que nous dicte la loi fondamentale ainsi que les Accords de paix et de réconciliation d’Arusha qui stipulent en son article 7 point 3 : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels »,  aucun Burundais ne peux briguer plus de deux mandats par ailleurs, en dehors-même de toute rhétorique juridique,  Nkurunziza  s’est d’office disqualifié par son bilan du point de vue surtout économique et sécuritaire.

Pendant les dix ans qu’il vient de passer au pouvoir, il n’a disputé toujours que les 3 dernières places au niveau planétaire   dans presque tous les indices du développement humain. Au niveau sécuritaire, il a tout fait pour diviser l’armée….. Bref, d’un double point de vue légalité-légitimité, Nkurunziza n’a plus de place sur le fauteuil présidentiel.

Burkina24 : Face à l’entêtement du Président Pierre NKURUNZIZA et de ses proches à briguer un troisième mandat en 2015, comment est-ce que vous entrevoyez l’avenir du Burundi ?

Anicet NIYONKURU : Un avenir qui peut influer, comme par effet boule de neige, sur la sous-région en particulier et sur l’Afrique en général. Et ça veut dire ce que ca veut dire.  Ceci dit, si l’Afrique veut faire des décennies en arrière par rapport à la démocratie et à ses dividendes sociaux économiques, c’est simple : il suffit de laisser se consommer ce coup d’Etat constitutionnel que Nkurunziza est en train d’opérer.

Imaginez-vous qu’il y a des Africains qui, par des calculs et autres jeux de mutualité dans la tricherie, sont en passe de bénir illicitement la tragi-comédie électorale qui vient de se passer. D’autres mêmes soutiennent matériellement Nkurunziza, c’est sortie, ce n’est plus un secret pour personne.  Cela étant, l’avenir du Burundi sera ce que nous-mêmes burundais voulons, mais l’Afrique entière doit se sentir interpellé. Aujourd’hui c’est Nkurunziza qui viole la loi fondamentale, demain ça peut être quelqu’un d’autre ! Pour dire que si les forces des autres progressistes ne nous viennent pas à la rescousse, c’est sur que le cas Burundais constituera un précédant tragique pour toute l’Afrique.

Burkina24 : Un général Burundais en exil au Kenya, Léonard Ngendakumana a déclaré sur un média qu’un projet de renversement du président Pierre Nkurunziza était en cours. Quelle est la lecture que vous faites d’une telle déclaration 

Anicet NIYONKURU : D’abord, je n’ai rien appris de la polémologie ; je ne connais rien en science de la guerre. Ensuite, en tant que Président d’un parti politique et non nom d’un mouvement armé, je souhaite à mon pays tout sauf la guerre.

Mais si je me devrais de faire ma lecture de cette déclaration, je dirai tout simplement : la guerre se fait, elle ne se déclare pas ; wait and see !  En tout état de cause, à qui s’oppose au 3è mandat de Nkurunziza, je peux m’opposer par rapport aux voies et moyens mais non au principe.

Burkina24 : Pensez-vous que le renversement du Président Pierre NKurunziza est la solution pour votre pays le Burundi de sortir de cette crise qu’elle traverse ?

Anicet NIYONKURU : Ce n’est pas la solution, c’est la clé des solutions. Parce que ce n’est pas tout se libérer ; encore faut-il savoir ce qu’il faut faire de la liberté.  Le départ de Nkurunziza ne sera une solution que lorsque sa succession se sera effectuée après une compétition politique respectueuse des règles de jeux fixées par  la loi.

Burkina24 : Une fois au pouvoir au Burundi que seraient vos priorités ?

Anicet NIYONKURU : Le peuple burundais a faim, mais une faim au pluriel : les Burundais ont faim de la paix ; le peuple Burundais a besoin de vivre dans un pays où la vie est un droit et non une faveur !  Mais le peuple burundais a aussi faim des libertés.  Le pouvoir Nkurunziza a enterré le peu de l’espace de liberté qui avait survécu aux affres du parti Unique.

Mais le peuple burundais a faim aussi au sens premier du terme.  Les chiffres du PIB (600 US$ au Burundi contre 1800 US$ en Côte d’Ivoire)  sont éloquents : le Burundi se classe parmi les pays les plus pauvres du monde où les gens ne mangent à peine qu’une fois par jour. Le taux de malnutrition est de 49% et avec la guerre qui s’annonce l’économie et toute la société s’enfoncent davantage.

Or, comme le dit un proverbe chinois. «  Un sac vide ne peut tenir debout ». C’est pourquoi nous entendons déclarer la guerre à la famine. Et pour ce faire, nous ferons de l’agriculture et l’élevage le  moteur de l’économie.

En un mot, si demain le parti CDP est au pourvoir, le premier chantier sera celui de la restauration des cœurs des Burundais dans leur place qu’ils ont déserté quasiment depuis l’indépendance. Nul ne peut prétendre initier et réussir des projets de développement pour un peuple toujours en stand-by pour la route de l’exil.

Moi qui vous parle, je suis en exile depuis 1995 !  J’ai fait la Côte d’Ivoire, qui m’a donné ce que mon pays m’avait refusé notamment l’éducation : j’y reviendrai non en tant que quémandeur d’asile, mais en  tant que demandeur de cadre de coopération.

Les Burundais sont fatigués ; il est tant de restaurer une gouvernance normale ! Nous n’avons fait que mourir, il est temps de vivre ! Et si nous vivons, nous pourrons nous développer.

Burkina24 : Votre mot de fin….

Anicet NIYONKURU : Je lance encore un appel vibrant à toute l’Afrique pour qu’elle voie la question burundaise comme sa propre question. Après les deux sommets des Chefs d’Etat de la sous-région, il semble que la messe est dite sur la tragi-comédie électorale des législatives et des communales, où la CENI s’est même arrogée le droit de coopter 21 députés et bien de conseillers communaux.

Car comme d’aucuns le savent, l’opposition avait boycotté ses élection. Mais pour sauver les meubles, le pouvoir a donné ordre à la CENI de coopter au moins 21 députés soi-disant de l’opposition.

S’agissant des présidentielle, le report déclaré par le pouvoir au 21 juillet n’est qu’une manœuvre de diversion que nous n’acceptons pas. Le forcing de Nkurunziza à briguer le 3ème mandat est le problème principal à la vie du Burundi car il y a déjà mort d’hommes. Le 3ème mandat est pour moi non négociable !

Comme la nouvelle facilitation faite par le Président Ougandais Yoweri Museveni ne veut pas aborder cette question essentielle, nous pensons qu’elle n’aboutira pas à grand-chose ! Je suis convaincu que la solution viendra de nous-mêmes les Burundais et le monde sera là pour nous soutenir.

Imaginez-vous que le Facilitateur nous dise que ce report de 6 jours suffise que l’opposition participe à des élections qu’elle n’a pas préparées ; avec la présence des miliciens du pouvoir encore armés, avec nos militants encore en exil, etc. qu’est-ce qui adviendrait ?

Nous demander de participer à des élections dans les conditions actuelles, c’est comme demander à une équipe à qui ont a privé le droit des entrainements pendant 10 ans de participer à la coupe du monde !

La seule solution est l’arrêt immédiat de cette mascarade électorale afin de commencer un dialogue inter-burundais visant à mettre en place des conditions favorables aux élections libres et transparentes.

Encore une fois, je demande à tous les opposants de remobiliser leurs troupes pour des actions musclés et pratiques contre le 3é mandat de Nkurunziza.

Interview réalisée par Kouamé L.Ph. Arnaud KOUAKOU

Burkina24

 

 

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