Opinion – « Ne pas assimiler « l’exclusion » au Burkina avec celle de la Côte d’Ivoire »
Ceci est une analyse de la question de l’inclusion au Burkina Faso.
Dans l’opinion africaine et internationale, y compris pour certains journalistes, il est souvent assimilé ou confondu l’exclusion d’une quarantaine de personnes d’un seul cycle électoral au Burkina et celle de millions d’ivoiriens de la nationalité ivoirienne avec ses conséquences en termes de droits électoraux.
Côte d’Ivoire, exclusion de la nationalité pour ce qu’on est
Il s’agissait d’un problème de reconnaissance ou de remise en cause de nationalité sur fond d’ivoirité, un diable sorti de sa boîte à des fins politiciennes.
L’exclusion qui en a découlé est définitive et indéfinie, porte sur l’ensemble des droits inhérents à la nationalité ivoirienne dont ceux électoraux. Elle frappait virtuellement les millions d’ivoiriens, principalement ceux de la partie nord du pays et tous ceux dont les patronymes pouvaient se rencontrer dans les pays voisins.
Il s’est bel et bien agi d’une exclusion massive touchant des millions de citoyens de Côte d’Ivoire pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils ont fait. De par sa portée temporelle, son champ d’application sociale et juridique, elle est inévitablement génératrice de guerre civile et c’est ce qu’on a vu.
Burkina, exclusion d’un cycle électoral pour ce qu’on a fait
Au Burkina, il s’est agi de sanctionner une grave faute politique (entêtement à modifier l’article 37 envers et contre tout) qui a mis le pays en danger de guerre civile. Cette prise inconsidérée de risque pour le pays a montré que ses auteurs et défenseurs sont prêts à « bruler » leur pays pour conserver leurs privilèges individuels (et non même pas de leur parti). Le putsch de RSP qui a fait long feu, et la violence utilisée pour dompter les résistants vient de le confirmer si besoin en était.
L’exclusion qui en découle est limitée à un et un seul cycle électoral. Elle touche des actes individuels, des implications attestées par des faits dans la modification de la constitution, stoppée par l’insurrection de fin octobre. Cela, au prix d’une trentaine de morts et des milliards d’autres dégâts matériels et sociaux.
Aucune personne n’a été exclue pour ce qu’elle est mais uniquement pour ce qu’elle a fait et, in fine, tous les « recalés » ont accepté le verdict. Le putsch révèle qu’il y avait de l’hypocrisie chez certains mais légalement, le verdict était consommé.
L’exclusion a porté sur 41 candidats, remplaçables et remplacés pour les législatives par les organisations qui les ont présentés.
Au total
On peut ne pas être d’accord avec le verdict de la Cour constitutionnelle du Burkina tout comme, d’ailleurs, de celui de la CEDEAO. Ce sont des verdicts comme les autres. Mais on ne doit pas assimiler le cas de la Côte d’Ivoire et celle en cours au Burkina. Les fondements et les portées sont radicalement différents : exclusion pour ce qu’on est, source de révolte légitime, et exclusion pour ce qu’on a fait, sanction ponctuelle. Cette dernière est pédagogique et il faut juste l’encadrer pour la proportionner aux faits incriminés, comme expliqué dans les motivations du verdict de la CEDEAO.
Commentaires : Ce qui est désolant, c’est le fait que certaines personnes objet de recours sont restées dans les mêmes logiques et comportements que ceux ayant conduit à l’insurrection : surenchères verbales, arrogance et défiance permanente des autorités et des acteurs de la Transition, dans une logique de « eux ou rien » au sein de leur parti ou, encore, « eux ou le pays est mis à feu et sang ». On comprend le « courage » à la limite de l’insolence du Président du CDP quand le 13 aout 2015, après avoir revendiqué « j’ai soutenu la modification de l’article 37 » il s’écriait, entre autres :
- « qui peut me refuser d’être candidat ? Qui ? » (http://226infos.net/?p=5753);
- « il faut arrêter les choses maintenant avant que ça ne soit trop tard » ;
- « S’il n’y a pas d’inclusion, il n’y a pas d’élections… » (http://www.lefaso.net/spip.php?article66364).
Tout cela, encadré et alimenté par les coups de semonces du RSP, dont une partie s’est avérée être leur bras armée, aux frais du contribuable : fin décembre, mi-février, début juillet et finalement le 16 septembre 2015 par le putsch avec plus d’une dizaine de morts et des dégâts matériels non encore évalués.
Les responsables politiques africains doivent comprendre que le 21ème siècle est celui des droits. Ce droit évolue et doit évoluer pour faire face à des problèmes émergents de gouvernance.
Depuis l’instauration des limitations des mandats en Afrique, les modifications « légales » des constitutions pour demeurer au pouvoir ont devenus très préoccupants. C’est la principale menace à la stabilité et au développement de nos pays, une des principales sources de désespoir de la jeunesse, dont certains se croient condamner à rejoindre l’Europe, quel qu’en soit le prix.
Faire évoluer le droit en imaginant des sanctions légales est la seule façon pacifique de faire face à la mauvaise foi et la mauvaise volonté de certains de nos dirigeants politiques. Ces derniers n’hésitant pas à user et abuser des prérogatives à eux légalement conférées pour faire et défaire la loi pour leurs intérêts de clans, parfois même au détriment de leur parti politique comme c’est le cas au Burkina.
Il y a quelques décennies :
- il n’était pas imaginable qu’un coup d’Etat soit déclaré illégal ou soit condamné par les différents pays, les organisations sous régionales et l’UA. De nos jours c’est un acquis et il faut s’en réjouir malgré certaines hypocrisies ;
- il n’était pas imaginable que les organisations sous régionales et l’UA cherchent à légiférer sur les limitations des mandats présidentiels, les modifications de constitutions à l’intérieur des pays. Même si cela ne garantit rien, c’est au moins des avancées dignes du 21ème siècle.
Ce qui s’est passé au Mali avec Sanogo et ce qui se passe au Burkina depuis un an doivent être et seront certainement source de quelque chose de juridique : jurisprudence ? Nouveaux droits ? Je ne m’y connais pas !
Toujours est-il que les putschs sont désormais considérés comme des actes de terrorisme selon la Commission paix et sécurité de l’UA ; les insurrections et autres formes de résistance et de lutte populaires sont constitutionnalisées, parfois de façon explicite comme mode alternatif du jeu politique.
Youssoufou Ouédraogo
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