Le regard de Monica – « Faso Dan Fani Fashion Week »

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Le Regard de Monica est une chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina.monica-rinaldi Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.

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Le Faso Dan Fani… oui, encore lui. Plus présent sur les tribunes de discussion et sur les épaules des hommes politiques en sortie publique que dans les garde-robes des Burkinabè, il est néanmoins à l’honneur – ou devrait l’être – cette semaine.

L’édition 2017 de Faso Dan Fani Fashion Week, placée sous le haut patronage du Président du Faso, se tient du 26 mars au 01 avril au Musée National. Au menu de cette semaine, une rue marchande, des défilés de mode et des expositions. Dès l’entrée du Musée, les bandes de Faso Dan Fani accueillent le visiteur et le guident vers la rue marchande et le plateau des spectacles… Les exposants ont disposé le fruit de leur travail avec attention : tissus prêts à être forgés par la fantaisie des créateurs, tenues déjà cousues pour valoriser toutes les silhouettes, accessoires de mode, de maison et de décoration pour agrémenter notre cadre de vie. Tout est prêt pour accueillir les visiteurs… Allons donc à la découverte de cette Fashion Week, toujours sous le regard de Monica.


L’or blanc

Dans sa qualité de principal produit d’exportation du Burkina Faso, le coton se doit d’occuper une place de choix dans la scène économique nationale. Néanmoins, selon Mme Ouedraogo/Onadia Miriam, chargée de communication de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina, sur les plus de 600.000 tonnes produites pendant la campagne 2005-2016, plus de 98% ont été destinées à l’exportation : par ailleurs, cette campagne a marqué le retour du coton conventionnel après plusieurs années d’expérimentation du coton transgénique, moins demandant en termes de respect du parcours technique mais de moindre qualité.

Le 2% restant est transformé de manière artisanale par des tisseuses, réunies en groupements ou travaillant individuellement. Pourtant, selon elle, « pour le producteur de coton ce serait une fierté de savoir que son coton est transformé par des Burkinabè et porté par des Burkinabè », d’où l’importance d’initiatives telles que la mise en place d’unités industrielles de teinture et tissage, mais aussi telles que la Faso Dan Fani Fashion Week pour valoriser la production artisanale de haute qualité.

Une affluence non pleine : question d’emplacement, de communication…

Cependant, les visiteurs, ce mercredi soir, ne semblent pas être très nombreux. « Plusieurs facteurs ont causé cette basse affluence » nous explique Mme Kafando/Tiendrebeogo Denise, l’une des exposantes. « L’emplacement n’est pas idéal : ce ne sont pas tous les Ouagalais qui connaissent le Musée National. En outre, la communication n’a pas été suffisante » renchérit-elle : en effet, sur les quelques affiches publicitaires qui ont fait leur apparition sur les principales artères de la ville, le lieu de la manifestation n’est pas précisé. Ainsi, le nombre de visiteurs est limité et la proportion d’étrangers, notamment d’autres nationalités africaines, paraît à coup d’œil assez élevée.

Un aperçu de la rue marchande

Les Burkinabè ne sont-ils donc pas intéressés à cet évènement ? Cela ne paraît pas le cas, si l’on considère le succès de l’édition précédente. « Tout dépend de l’accompagnement » nous précise M. Obulbiga Elisée, un autre exposant. « L’édition précédente s’était tenue sur Kwame N’Krumah, vous voyez ce que cela veut dire ? Le boulevard central de Ouaga et le Musée National, ce n’est pas le même scénario »

Ce qui est confirmé aussi par Nadine Ouedraogo, une visiteuse. « Nous sommes en fin mars, il fait chaud et le soleil qui tape sur la cour du Musée n’encourage pas à faire une balade, si ce n’est au coucher du soleil… Si la manifestation avait été organisée, que sais-je, au SIAO ou dans une aire climatisée, cela allait encourager les visiteurs à passer quelques temps au frais et cela allait les emmener à acheter… ». Ses dires sont confirmés par les exposants, qui remarquent qu’avec le soleil et la chaleur, presqu’aucun visiteur ne se rend sur les lieux avant 17h.

En effet, l’édition précédente avait eu lieu sur le boulevard Kwame N’Krumah, en plein centre-ville, en fin août 2015, sous la Transition. L’affluence avait été jugée très bonne par les exposants : « Les pagnes ne suffisaient pas » nous dit encore Mme Kafando. « Souvent du jour au lendemain on devait partir à la maison et revenir avec d’autres marchandises. Cette année par contre, le scénario est différent ». Les autorités avaient visité les stands pour encourager les exposants et marquer leur soutien à la cérémonie et contribuant à faire connaître la tenue de l’évènement.

…et d’organisation

En outre, cette manifestation manque de manière criarde d’un élément (malheureusement) essentiel à la réussite de toute initiative sous ces cieux : la gastronomie ! Des panneaux indiquent l’emplacement du coin des rafraîchissements, mais rien n’est aperçu. Par contre, ce samedi 1er avril ouvre ses portes à la Maison du Peuple un évènement « culturel » de tout autre genre, bien plus passible d’attirer l’affluence du public ouagalais : le festival du poulet, qui s’étalera du 1er au 5 avril. À votre avis, vers où se dirigera le citoyen lambda en quête de détente ?

La question nous surgit spontanée : pourquoi cette disposition temporelle ? Pourquoi faire coïncider le weekend conclusif de la semaine du Faso Dan Fani avec l’ouverture d’un festival gastronomique qui, lui, se conclura curieusement un mercredi ? Pourquoi ne pas décaler ce deuxième festival de la mi-semaine au weekend, ce qui allait être plus logique et qui allait permettre, peut-être, de favoriser une meilleure affluence à la Fashion Week ?

Regarder à l’avenir

Que ces questions trouvent une réponse ou pas, là n’est pas l’important.

L’important est de réfléchir autour de la raison ayant motivé les organisateurs à proposer une telle manifestation au public : la relance et la valorisation de la filière coton au Burkina Faso. Tant que nous continuerons à exporter plus de 98% de notre coton et d’importer des pagnes industriels de diverses qualités, au lieu que les produire, tant que nous cantonnerons le travail artisanal de milliers de femmes à quelques rencontres officielles et à une cour ensoleillée et poussiéreuse,  tant que nous nous contenterons de critiquer le statut quo au lieu que prendre des initiatives pour l’améliorer,  l’année prochaine, nous nous retrouverons à faire les mêmes observations.

Monica Rinaldi

Chroniqueuse pour Burkina24

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