Proposition de loi sur le droit de grève : L’UAS n’est pas d’accord
Dans cette correspondance adressée au Président de l’Assemblée nationale, l’Union d’action syndicale (UAS) se prononce sur la proposition de loi sur le droit de grève. Elle affirme qu’elle la combattra car elle comporte des dispositions « liberticides ».
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Le 21 avril 2017, l’Unité d’Action Syndicale (UAS) a reçu une correspondance N°2017-048/AN/CAGIDH par laquelle la Commission des Affaires Générales Institutionnelles et de Droits humains (CAGIDH) nous transmettait une proposition de loi de l’Assemblée Nationale relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics accompagnée de son exposé des motifs.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Le contenu de la proposition de loi a franchement indigné l’Unité d’Action Syndicale. Par la présente, elle tient à relever que le mouvement syndical burkinabè, depuis sa naissance en 1946, a régulièrement dépassé le cadre corporatiste pour prendre en compte les questions de liberté, d’intégrité, bref, les intérêts supérieurs de notre peuple ; il a toujours su jouer son rôle aux différents tournants de l’histoire de notre pays. Ainsi :
- Dès sa naissance en 1946, le mouvement syndical s’est engagé, dans le cadre de l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (U.G.T.A.N), aux côtés du RDA, dans la lutte contre le colonialisme et pour l’indépendance de la Haute-Volta ;
- En 1966, il a conduit le soulèvement populaire du 3 janvier 1966 qui a mis fin au régime de Maurice YAMEOGO qui s’était engagé dans la gabegie et l’autocratie ;
- En 1975, il a organisé la grève historique des 17 et 18 décembre 1975 contre la mise en place du Mouvement pour le Renouveau National (MNR) du Général Sangoulé LAMIZANA qui se voulait un parti unique ;
- De 1998 à 2014, les syndicats de notre pays ont largement contribué à l’éveil des consciences, à la lutte contre l’impunité et pour les libertés, toute chose qui a concouru à l’avènement de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ;
- En septembre 2015, face au coup d’Etat réactionnaire du Régiment de Sécurité Présidentielles (RSP) de Gilbert DIENDERE, les syndicats de notre pays, à travers la grève générale qu’ils ont lancée, ont largement contribué à faire échec au putsch.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Ces quelques rappels montrent que les syndicats de notre pays ont contribué de façon inestimable à l’ancrage de la démocratie dans notre pays, cela, grâce au courage et à la lucidité des devanciers qui se sont toujours préoccupés des questions de liberté et de démocratie.
Par ailleurs, nous estimons que de tous les pouvoirs que notre pays a connus, le vôtre est celui qui doit le plus à la lutte de notre peuple en général, à celle des travailleurs en particulier, lesquels ont consenti d’énormes sacrifices dans leur quête de justice, de liberté et de progrès social.
La proposition de loi qui nous a été transmise constitue une remise en cause grave des acquis des travailleurs et de leurs droits.
Entre autres dispositions liberticides, nous notons:
- la limitation de l’objet de la grève à des « revendications collectives d’ordre professionnel» ou à la « défense d’intérêts professionnels et collectifs légitimes » ;
- l’interdiction de la grève à certains personnels (douanes, police, eaux et forêts, sapeurs-pompiers), de même qu’aux responsables administratifs et à certaines catégories de travailleurs ;
- l’institution d’une obligation de négociations préalables ;
- l’octroi à l’Etat de la possibilité de recruter du personnel pour remplacer les travailleurs grévistes ;
- l’allongement des délais de préavis ;
- la limitation du droit de grève dans les services essentiels ;
- etc
Ainsi, la proposition de loi viole les droits des travailleurs consacrés par la constitution et les conventions du BIT que notre pays a ratifiées, notamment les conventions N° 87 et 98. De plus, elle porte des germes de politisation encore plus poussée de l’administration, de division, de confrontation professionnelle, voire de guerre civile.
Pour les raisons sus-évoquées qui, du reste, ne sont pas exhaustives, l’Unité d’Action Syndicale (UAS) rejette fermement cette proposition de loi.
Par conséquent, elle exige de l’Assemblée Nationale son retrait pur et simple.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
L’exposé des motifs de cette proposition de loi indique clairement que celle-ci est en rapport avec les luttes que de nombreux secteurs d’activités mènent actuellement. Malheureusement, les options envisagées dans cette loi procèdent d’un mauvais diagnostic des différentes grèves en ce que ledit diagnostic, très curieusement, ne prend en compte que les effets et non les causes de ces interruptions de travail.
L’Unité d’Action Syndicale (UAS) est résolue à combattre cette proposition de loi qui remet en cause un droit fondamental des travailleurs, à savoir le droit de grève. Si par extraordinaire, votre institution devait ignorer l’opposition ci-dessus exprimée des syndicats pour l’adopter, elle portera devant l’histoire, la lourde responsabilité de la dégradation du climat social qui en résultera.
En tout état de cause, l’UAS se réserve le droit, en fonction de l’évolution de la situation, de saisir les organes de l’Organisation Internationale du Travail d’une plainte contre les autorités burkinabè quant à leur volonté manifeste de remettre en cause les libertés syndicales.
Veuillez croire, Excellence Monsieur le Président, en notre ferme engagement et détermination à contrer toute velléité de remise en cause des libertés dans notre pays.
Ont signé :
Pour les Centrales syndicales :
CGT-B CNTB CSB
Bassolma BAZIE Augustin Blaise HIEN Olivier Guy OUEDRAOGO
Secrétaire Général Secrétaire Général Secrétaire Général
FO/UNS ONSL USTB
El Hadj Inoussa NANA Paul N. KABORE Yamba Georges KOANDA
Secrétaire Général Secrétaire Général Secrétaire Général
Pour les Syndicats Autonomes :
SYNTAS
Juste Koumara LOGOBANA
Secrétaire Général/SYNTAS
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