A Fada N’Gourma, nous avons rencontré Noura la cireuse
Lorsqu’on prononce le mot « cirage », nombre d’esprits au Burkina et précisément à Ouagadougou, penseront à la silhouette d’un jeune homme, petit tabouret dans une main, brosse dans l’autre, sac au dos et souvent sourire aux lèvres. Mais à Fada, dans la région de l’Est, cette habituelle pensée est chamboulée. L’ensemble reste en place. Seul le sourire est féminin.
De retour de Kounkoufouanou, un « village » situé à environ 70 kilomètres de Fada N’Gourma, nous prenons l’air bien assis à l’entrée de notre hôtel. Les yeux, dans leur vagabondage désœuvré, rencontrent, entre le Centre de formation professionnelle (CFP) de Fada et son terrain de sport, une silhouette aux allures masculines tenant un caisson de cirage.
Elle débouche de l’ombre des maquis clôturant la partie Est du CFP. T-shirt, sac au dos, caisson de cirage dans une main et l’autre se balançant, tête rasée : tiens, un cireur ! Mais à son approche, un détail physique oblige les yeux à cligner deux fois et à confirmer ce qu’elles voient : tiens, c’est une fille ! Et elle exerce un métier habituellement réservé aux garçons. La curiosité piquée au vif, nous décidons d’en savoir plus sur elle et son travail.
En cette soirée du vendredi 16 juin 2017, nous faisons sortir des chaussures qui n’avaient aucunement besoin d’être cirées. Aux grands maux, les grands remèdes ! Mais le mal sera plus grand que le remède. Notre cireuse a déjà eu affaire à un média, plus précisément à la Télévision nationale burkinabè. La chaîne au cœur des grands événements avait braqué ses projecteurs sur cette entrepreneure et tout ne se serait pas passé comme elle le voulait. La jeune fille décline alors notre demande.
« La solution étant la négociation », selon le groupe de rap burkinabè Faso Kombat, un accord est trouvé. La jeune fille espère que ce ne sera pas une énième interview pour rien. Celle que nous avons en face s’appelle Noura Wango. A l’en croire, elle a abandonné les livres en Cours élémentaire première année (CE1).
Noura la cireuse est de père burkinabè et de mère togolaise. Mais actuellement, du haut de ses 24 ans, elle vit seule avec son enfant de 4 ans.
Dans son jean noir qui couvre à peine ses genoux, les cheveux afro rasés des deux côtés, Noura affirme « savoir ce (qu’elle) fait » en pratiquant ce métier. « Beaucoup de gens pensent mal de moi. On dit que je ne vais pas avoir un mari« , confie-t-elle.
Mais cela n’entame pas sa motivation puisqu’en plus de cirer des chaussures dans la ville de Fada N’Gourma, elle lave des bracelets et bagues et procède également à la « plastification » de téléphones portables et autres pièces nécessitant protection. Et ce n’est pas tout. Les week-ends, Noura s’adonne à la coiffure pour homme.
Benjamin Gandema, agent de santé et client de demoiselle Noura, en ce qui concerne la branche cirage, à qui nous avons tendu notre dictaphone, dit l’encourager dans ce qu’elle fait. « C’est rare de voir des filles qui font ce genre de travail », indique-t-il. Mais, ajoute l’agent de santé, « aucun travail n’est attribué à une femme ».
Mademoiselle Wango avoue être devenue une star locale et même sous-régionale depuis son passage à la Télévision nationale. Mais tout se limite à cela et son rêve d’ouvrir son « magasin de chaussures » est toujours en perspective. Sans sourciller, elle se dit ouverte à tout soutien, objet de l’accord susmentionné. Avis donc aux projets et aux bonnes volontés.
Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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