Burkina : Après la prémonition « Nuit blanche à Ouagadougou », bienvenue dans « Kalakuta Republik »

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Il a mis en scène le 25 octobre 2014 « Nuit blanche à Ouagadougou », son spectacle prémonitoire et engagé et qui a connu la participation de l’artiste Smockey. Serge Aimé Coulibaly est passé à l’étape suivante. Il est en tournée avec « Kalakuta Republik », une création inspirée par le parcours du célèbre saxophoniste nigérian Fela Kuti, qui en manque d’« espace de liberté », avait décidé de faire de son domicile un Etat à l’intérieur de la capitale Lagos où il agissait comme bon lui semble. A travers l’illustre disparu, le chorégraphe en fait de même pour l’activisme de ces artistes burkinabè qui ont été « en avant-poste » de la lutte avec toute la jeunesse pour parvenir au changement de régime en octobre 2014. Nous l’avons rencontré à l’issue de son spectacle de 110 minutes au Tanz Haus de Düsseldorf en Rhénanie du Nord Westphalie le vendredi 16 juin 2017.

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« Kalakuta Republik », c’est sept danseurs sur scène. Ce sont Marion Alzieu, Serge Aimé Coulibaly, Ida Faho, Antonia Naouele, Adonis Nebié, Sayouba Sigué, Ahmed Soura. Un spectacle en deux parties qui pousse à « agir différemment » comme le décrit le chorégraphe Serge Aimé Coulibaly. Cette mise en scène, c’est aussi et surtout un hommage à un artiste : Fela Anikulapo Kuti, ce célèbre musicien nigérian connu non seulement pour sa musique afrobeat (jazz), mais aussi et surtout ses critiques véhémentes contre la corruption de même que son style de vie particulier qui lui a valu des démêlés à n’en pas finir avec la justice de son pays.

Pourquoi Kalakuta Republik ? La référence à Fela, Serge Coulibaly la lie à l’engagement politique du musicien, qui voulait faire de sa maison une république à part entière dans la capitale nigériane « un espace de liberté, un endroit où s’exprimer librement (et où) aller au bout de ses fantasmes ». Un style de vie qui lui coûtera son arrestation et la destruction de « République de Kalakuta », son domicile. Une histoire différente mais similaire a été vécue par le rappeur Smockey. Il a vu Abazon, son studio de production disparaitre dans les flammes vraisemblablement suite à un tir de roquette pendant le putsch de septembre 2015.

« En avant-poste » avec toute la jeunesse pour le changement

Sur scène (première partie), des courses poursuites rythmées. Une scène qui rappelle l’insurrection populaire que le chorégraphe a prédite dans « Nuit blanche à Ouagadougou ». Smockey, un des leaders du Balai citoyen, principal mouvement de mobilisation pour le départ de Blaise Compaoré, a participé au projet en interprétant la musique qui va avec. La première de la pièce s’est déroulée lors des Récréatrales le 25 octobre 2014 dans le quartier populaire de Goughin.

« Qui connait la révolte populaire sait que Smockey est un des leaders de la jeunesse au niveau du Burkina », argumente-t-il. Si Serge Aimé Coulibaly a mis sur scène la création, c’est parce que dit-il, les artistes ont été « en avant-poste de la lutte » pour provoquer le changement avec toute la jeunesse burkinabè. 

Il en arrive à l’importance de l’engagement de l’artiste, ce pour quoi il le fait et pour qui. La réponse se trouve sur la fiche d’annonce de Kalakuta Republik à Düsseldorf. « Quand on naît et grandit dans un pays où la situation politique a une si grande influence sur le quotidien, cela aboutit à une mise en scène d’un acte politique », peut-on y lire.

« On passe à l’attaque, on passe à l’Action »

« Mieux vaut tard que jamais »

Et c’est là, ce qui l’emmène à intituler la deuxième partie du spectacle « vous aurez toujours besoin d’un poète ». Aimé Coulibaly s’étonne que l’on ne fasse « même pas attention » au nombre de gens, qui pour éclairer leur pensée font appel à un poète, à un mot, une phrase que quelqu’un a dite pour résumer une pensée, pour se projeter vers le futur. Il se réfère à la solitude de l’artiste dans ses recherches, dans sa folie, dans son engagement.

Folie qui ne ressort pas que chez les artistes.  Coulibaly déplore qu’il y ait « tous ces gens éclairés qui arrivent, qui veulent être présidents ». Sur scène en effet, un des danseurs ne cesse de répéter « one day, I will be the president of this country ». Pendant que Serge délimite sa portion de territoire au milieu de ce qui n’est plus qu’une ruine, celui-ci ne cesse de semer le trouble en faisant bouger tout et semer davantage de troubles. « D’une certaine manière, dit-il avec amertume, c’est l’image de l’Afrique avec tous ces dictateurs qui sont là et qui ne veulent pas bouger ». 

« Abattre » les clichés sur l’Afrique

En plus des « petits » plaisirs que lui-même tire dans la mise en scène de ses spectacles créés pour la plupart au Burkina Faso, le chorégraphe se réjouit que Kalakuta Republik fasse « penser à la vie différemment », « agir différemment ». De ce fait, s’enthousiasme-t-il, parce qu’avec son engagement, il arrive à traiter des problèmes de la société sous un tout autre angle et à participer au développement.

Kalakuta Republic, une création chorégraphique de Serge Aimé Coulibaly. ©Doune Photo

Avec cette création, Serge Aimé Coulibaly sera en tournée en Europe jusqu’en 2019. Pourquoi l’Europe pour présenter cette pièce qui traite plus des réalités de l’Afrique? « C’est que jusqu’à présent, l’Europe est bourré de clichés par rapport à l’Afrique. L’Europe ne sait pas encore le dynamisme culturel, économique et social qu’il y a en Afrique. On est toujours accroché à des images du passé. 50 ans en arrière et on pense qu’on est toujours là-bas », explique-t-il.

Il espère ainsi « abattre un peu les clichés ». D’où le côté réflexion en plus de la danse pure. En effet, ils étaient nombreux les spectateurs à discuter autour de la création après la mise en scène. De la musique de fond du groupe Bembaya Jazz, jugée « fantastique » et la signification de tout le reste.

« D’où vient cela ? » « Du Burkina Faso »

L’autre combat de Serge Aimé Coulibaly, c’est d’offrir un autre regard, une autre lecture et de la pensée et de la créativité sur l’Afrique. L’artiste déplore que les politiques minimisent l’apport des tournées culturelles au développement des Etats africains. Eux qui, à son avis, ne se rendent « pas encore compte (de) la force économique d’un travail comme cela ». Il s’explique. Si à la question « d’où vient cela ? », il répond « du Burkina Faso », cela crée une curiosité chez l’auteur de la question.

Ainsi, si « je veux partir en Afrique, je pars au Burkina, parce qu’il y a quelque chose qui m’a fait rêver du Burkina », argumente-t-il. Et s’ils s’y rendent, synthétise Serge Aimé Coulibaly, « c’est des devises énormes qui rentrent au pays ».

Mais pour l’heure, une question (in)équation demeure sans réponse et taraude l’esprit de celui qui a vu venir l’insurrection populaire quelques jours juste avant. C’est celle de savoir ce qu’apporte l’après révolution. Une interrogation qui vient bien à propos. A l’occasion de l’An II de l’insurrection, le mouvement Dytaniè partageait son observation selon laquelle « le rêve du changement a fait place à la déception ».

Oui Koueta

Burkina24

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Oui Koueta

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