Tribune – « Accord Coris Holding : Carton vert au gouvernement »

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Ceci est une opinion d’un citoyen, Tiécoura Fofana, sur l’accord signé le 22 août 2017 entre Coris Holding et le gouvernement du Burkina Faso, et défendu dans nos colonnes par le ministre des affaires étrangères, Alpha Barry.

L’accord de siège conclu entre Coris Holding et le gouvernement du Burkina Faso a soulevé des interrogations légitimes. Certains analystes, de toute bonne foi, y ont vu un favoritisme fiscal indu, une forme de bonus fiscal porteur  d’inéquité dans le traitement des contribuables.

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Notre propos dans les lignes qui suivent n’est pas de présenter une analyse technique de cet accord en termes juridique et fiscal.

Une thématique s’est cependant naturellement ouverte à notre analyse. Celle de la place des champions nationaux, régionaux et mondiaux dans la compétitivité-pays à l’échelle régionale et globale.

A l’heure de la globalité économique d’un monde caractérisé par l’hyper et la chrono compétition dans une perspective de transformation technologique disruptive, les rapports entre les secteurs publics et les secteurs privés revêtent des dimensions plus stratégiques aujourd’hui qu’hier, et le seront beaucoup plus dans les temps plus complexes à venir qui nous préviennent. Quelles analyses pouvons-nous faire des accords de siège produits de ces complexités dynamiques ? Plus spécifiquement, quels enseignements pouvons-nous tirer de l’accord entre Coris Bank International et le gouvernement du Burkina Faso ? Sur le tracé de notre argumentation, des concepts comme ceux de holding, de marketing et d’attractivité pays, de compétitivité fiscale sont convoqués à notre analyse.

L’objectif terminal de notre démarche est de révéler les enjeux stratégiques de cet accord de siège en lien avec la compétitivité économique de notre pays dans cet espace économique globalisé.

Halte sur le concept de Holding

La holding est le cerveau stratégique des groupes comprenant des filiales et des entreprises sous contrôle. Le terme holding (hold-ing) signifiant littéralement« tenir en mouvement, encadrer la marche » ou encore, plus techniquement,« piloter la croissance et le déploiement ». La vocation centrale de la holding est donc de définir, d’implémenter et d’évaluer dans une perspective d’amélioration continue,la stratégie globale d’une ou de grappes d’entreprises en lien de possession avec elle.

Cette stratégie intègre les stratégies dynamiques de possession, de gouvernement et de management des unités rattachées. Déployées dans une perspective synergique et participative, au-delà des relations parentales classiques, ces stratégies sont les principaux supports de la compétitivité du groupe dans ses industries d’opération. La gestion d’une chaîne de valeur régionale et même mondiale, suivant la taille du groupe, est l’une des complexités à challenger par la holding.

Au cœur de la mission de ces structures de coordination se trouvent la gestion des choix (abandons ou captures nouvelles), des contrôles de périmètres d’intervention, des chaînes de valeur, le pilotage de la compétitivité des propositions de valeurs, des équations de profit, des ressources clés et des processus.

Le choix de la surface d’Etat et de la ville d’installation du cœur stratégique d’une holding doit donc satisfaire des conditions indispensables à la performance en lien avec ses spécificités comme l’esprit entrepreneurial et coopératif du gouvernement, le climat des affaires, la facilité administrative, la culture, la présence de complémentaires, etc. De cela nous soulignons la haute significativité du choix du pays d’accueil d’une holding.

Les Etats-Unis ont les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), le Burkina Faso a les entreprises OK, Coris, Ebomaf, CGE, COGEB …

Pratique très courante dans les économies avancées, faisant l’objet même de concurrences féroces interpays, interrégions et intervilles, les accords de siège sont de véritables baromètres de l’attractivité des régions économiques. Ces Etats, régions et villes basent leurs stratégies de développement sur leur attractivité économique. Ainsi, les systèmes administratif, financier, productif, de mobilité et de fiscalité sont construits pour attirer des investisseurs dont l’activité génère d’autres activités productives, des emplois hautement décents créateurs d’autres emplois tout aussi décents.

Cette chasse aux cycles et cercles concentriques économiques vertueux revêt souvent des aspects de guerres impitoyables, comme ce marché pour l’accueil du second siège social du géant mondial Amazon en Amérique du Nord. Jeff Bezos le CEO – Chief Execcutive Officer –d’Amazon verra atterrir sur sa table, des candidatures rivalisant d’imagination, de largesses fiscales affolantes et d’exposés d’arguments de compétitivité à très fort contenu pédagogique imaginatif. La ville de Newark et l’Etat de New Jersey iront jusqu’à proposer de renoncer à 7 milliards de dollars d’impôt pour accueillir ce HQ2 (Head Quaters 2).

C’est vrai que l’enjeu était énorme, l’impact économique annoncé de ce second siège était pratiquement équivalent à celui du premier basé à Seattle. La conséquence immédiate de l’installation de ce siège se résume à deux chiffres : 5 milliards de dollars d’investissement et 50000 emplois pour déclencher des chaînes de valeur dans une logique réticulaire.

L’ère des champions mondiaux

Les Etats champions du monde ont des entreprises championnes du monde qu’ils travaillent à porter, à défendre et à promouvoir suivant des logiques de patriotisme économique niant très souvent les multilatéralismes auxquels ils se sont pourtant engagés. Les gouvernements des pays avancés sont des marketeurs intrépides de leurs champions nationaux. La politique étrangère de ces pays est d’abord une politique de compétitivité dans laquelle la politique et même l’influence militaire sont au service de la compétitivité économique. Les images de chefs d’Etat débarquant avec des chefs d’entreprise pour parapher des contrats mirobolants ne sont que la partie émergée d’icebergs chargés de tractations, de chantages, de manipulations à caractère économique. Au passage, la concurrence assène des verdicts fiscaux pour contrer l’appétit vorace des champions d’en face. Les stratégies de compétitivité des pays développés reposent sur la mise en place de cadres macroéconomiques favorisant la compétitivité des entreprises de toute taille et de toute dimension. Les réformes fiscales initiées en France visent à stimuler la compétitivité des PME et des grandes entreprises comme celles du CAC 40 français qui ont pris leurs quartiers à la Défense à Paris.

Difficile d’évoquer les champions mondiaux sans pointer les Etats-Unis. La plus grande entreprise du monde, l’américain Walmart, trône sur le toit mondial de la distribution, avec un chiffre d’affairesannuel de 500 milliards de dollars, 9 000 supermarchés et près de 3 millions d’employés. Apple, dont beaucoup de nos compatriotes sont clients actuels et futurs, car programmés pour acheter l’Iphone qui sortira en 2020, est la plus grande capitalisation boursière de la planète avec près de 1000 milliards de dollars, soit l’équivalent du budget annuel de la Suisse. Notons au passage que McDonald nourrit 0,5% de la population mondiale par jour. Ces grosses pointures à elles seules ne suffisent pas pour comprendre le dynamisme de l’économie américaine qui présente sur le front économique un tissu dynamique de 28 millions de PME portées par un système financier fort de 18 mille banques et établissements financiers.

Une fiscalité non compétitive peut être une source de blocage de la croissance économique

Coris Bank est loin des standards des grands champions mondiaux, mais il en a le potentiel. En moins de dix ansd’existence, le groupe burkinabèest, en termes de résultats, le 13e établissement financier de l’espace UEMOA. Présente dans 6 pays de la zone UEMOA, Coris Bank Burkina est sans doute la banque à la productivité la plus forte de notre région suivant la comparaison des coefficients nets d’exploitation. Cela augure son énorme potentiel. Il est fort probable qu’à ce rythme, le groupe retrouve à moyen terme le toit de son industrie dans la région UEMOA et s’ouvrirait ainsi la voie pour être un grand champion mondial.

Les regards décidés de nombreux cadres qui opèrent dans les filiales qui ne portent pas que les noms Ouédraogo, Kaboré et Sanou, bien connus chez nous, annoncent la suite de l’histoire. Et il est d’évidence même que cette croissance bénéficiera à l’économie de la région. Sur les 5 dernières années, Coris Bank a financé 2000 PME au Burkina Faso, libérant et diffusant ainsi dans l’économie nationale 500 milliards de financement pour une contribution fiscale de 50 milliards.

Sans être un spécialiste des systèmes d’imposition, nous croyons humblement que la fiscalité n’est pas un banal instrument de prélèvement obligatoire pour financer les dépenses de l’Etat. Elle est avant tout un instrument de politique économique dont la qualité et la compétitivité contribuent à développer le système productif avec une équité interne et externe stimulante et à conforter l’attractivité interne et externe du pays. Une fiscalité non compétitive peut être source de blocage de la croissance économique et d’externalisation des facteurs de production comme le capital et,plus largement, les entreprises.

A titre illustratif, les spécialistes économistes français sont d’accord pour dire que le redressement économique de la France passe par des réformes fiscales courageuses dans une perspective baissière pour retrouver de la compétitivité en Europe et principalement par rapport à l’Allemagne. Certains impôts sont même proposés à la suppression. Mieux, d’impôt peut développer la compétitivité économique.

La fiscalité nationale doit être un instrument d’accompagnement raisonné

Rapporté à Coris Bank, cela signifie que la fiscalité nationale doit être un instrument d’accompagnement raisonné et non un banal outil de prélèvement privilégiant l’immédiatement rentable au stratégiquement adéquat. C’est ce que le gouvernement du Burkina Faso a bien compris à travers le ministère des Affaires étrangères et celui des Finances et de l’Economie, en rencontrant la volonté patriotique des promoteurs de l’entreprise d’installer le siège de leur Holding au Burkina Faso.

Le contraire aurait été sans doute une faute professionnelle pour le gouvernement et une trahison par Coris de sa clientèle originelle burkinabè dont la fidélité a constitué le support de sa rapide et dynamique expansion. Il nous plaît donc de saluer la clairvoyance de notre gouvernement qui, dans cette circonstance, a fait montre d’un comportement de stratège détaché du mauvais génie de l’esprit mesquin sans profondeur stratégique. Il sied de l’encourager dans le soutien de tous nos champions nationaux, que nous exhortons à entrer en lien stratégique avec le gouvernement.

Tiécoura  Fofana

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