Industrialisation : « Il faut de grandes unités pour transformer au Burkina Faso »
Industrialisation : « Il faut de grandes unités pour transformer au Burkina Faso »
Les femmes évoluant dans le secteur de la filière karité d’Afrique sont réunies au Burkina pour réfléchir sur la cueillette et le traitement des amandes et la production du beurre de karité. Une occasion pour elles de donner des coups de gueule en commençant par dénoncer « l’infiltration, la récupération » dans le secteur et l’absence d’industries de transformation.
Adja Mamounata B. Velegda, gérante du groupe Velegda et marraine du forum, est une référence pour le Réseau karité des femmes productrices d’Afrique (REKAFP). A commencer par sa trentaine d’années d’évolution dans le secteur. « Elle est partie de 100 F CFA. Elle est multimilliardaire », résume Antoinette Ouédraogo/Thiombiano, présidente du comité d’organisation du forum réunissant des participants venues du Bénin, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali, du Nigéria, du Sénégal et du Tchad.
« Visionnaire », poursuit Antoinette Ouédraogo, la marraine a vu venir l’accaparement du secteur par les grands groupes internationaux en donnant l’alerte : « Attention ! La filière est en train d’avoir de l’infiltration, de la récupération. Nous n’avons pas cru. On a pensé que c’était une utopie. On a pensé qu’on ne voulait pas qu’on soit comme elle. Mais au fur et à mesure, de 35 000 à 40 000 tonnes d’amandes, en passant par 10 000 tonnes de beurre, elle ne peut pas exporter 2 000 tonnes d’amandes encore moins 50 tonnes de beurre ».
L’heure est grave
Et la présidente du comité d’organisation de s’alarmer. « L’heure est suffisamment grave mais ce n’est pas encore perdu ». Elle fonde son espoir sur la volonté et la détermination dont les femmes productrices font preuve. Antoinette Ouédraogo ne doute nullement de l’engagement et de la volonté politique détenus par la première responsable du ministère de la femme, de la solidarité nationale et de la famille.
La présidente de la REKAFP Fanny Kaboré/Zeba croit en la capacité des 1 300 000 acteurs dont 80% de femmes à « impacter significativement » la donne dans la chaine de valeur karité, cet arbre qui selon les chiffres délivrés occupe près de 70% du territoire burkinabè et constitue le quatrième produit d’exportation.
« Malgré leur forte présence numérique dans la chaine de production de karité, les femmes ont du mal à tirer des revenus conséquents de cette filière faute de pouvoir agir efficacement sur les marchés », déplore-t-elle. Et pourtant, relève la présidente de la REKAFP, c’est elles qui ont en charge depuis la base cette filière depuis la cueillette des fruits, le traitement des noix, des amandes et même la production du beurre de karité.
« Ça, ce n’est pas une vente. C’est brader »
« Tout le monde s’accorde de dire que le karité s’identifie à la femme. Il est aussi vrai que le constat fait aujourd’hui, c’est que la richesse tirée de l’exploitation de la filière karité ne profite pas toujours suffisamment à cette dernière », concède Jacques Koala, directeur de l’encadrement et de l’appui technique aux organisations féminines. Seulement, reconnait-il, l’activité d’exploitation de la matière première est « une activité à très faible valeur ajoutée ».
C’est conscientes de leur place dans la filière, confie Fanny Kaboré que les femmes ont mis en place depuis 2008, le REKAFP afin d’unir leurs forces et agir ensemble en vue de défendre leurs intérêts et ceux de la filière karité. « En répartissant le peuplement du karité entre nos pays, se réjouit-elle, le créateur de l’univers avait déjà initié le réseautage Afrique-Karité ».
La marraine du forum Adja Mamounata B. Velegda du haut de sa trentaine d’années dans le secteur de la filière karité s’étonne de l’absence totale d’unités de transformation des noix de karité. Une situation qui profite aux grands groupes internationaux qui n’hésitent pas à user de ce manque pour imposer des prix dérisoires. « Il y aura un moment où ils vont vous faire croire qu’ils ne vont plus prendre votre produit. Et ça est là stocké. Quand ils reviennent, ils chutent le prix. Tu es obligé de vendre », désespère Caroline Diallo/Ouédraogo. « Ça, ce n’est pas une vente. C’est brader », requalifie Antoinette Ouédraogo.
Plus à l’aise pour s’exprimer sur le sujet en langue mooré*, Adja Mamounata B. Velegda a partagé sa joie de voir réunies à Ouagadougou des femmes en provenance de tous ces pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre pour parler d’une même voix. Elle n’a pas partagé que son expérience. Ses interventions sont parsemées des interrogations sans réponses qui taraudent son esprit.
« Or vous rejetez l’argent »
Depuis des années au Burkina, a-t-elle introduit, la production est forte, la qualité est meilleure. Mais pourquoi les unités ne sont pas installées au Burkina pour transformer le beurre de karité ? A son grand étonnement, il n’y en a pas. « Or, argumente Adja Mamounata B. Velegda, on ne peut pas construire le pays sans la transformation ».
Et la marraine du forum d’inviter les décideurs à agir : « Il faut des grandes unités pour transformer au Burkina Faso. Dans les autres pays aussi ». Les montants qu’elle a en sa possession aident à fortifier ses arguments. Selon elle, tout dépend des choix du gouvernement à savoir si l’exécutif veut que les femmes soient pauvres, très pauvres et meurent pauvres, ou qu’elles l’aident à développer le pays, à le rendre riche.
« Vous avez les chiffres que nous on a perdus avec les étrangers (…) Aidez les femmes. Il y a 3 filières dont le gouvernement a laissé les ressources et dire qu’il n’y a pas l’argent’. Or vous rejetez l’argent. Si vous perdez 80 milliards pour le karité, vous perdez 40 milliards pour le sésame, vous perdez 20 milliards pour l’anacarde, ça fait combien ? Tu peux faire quelque chose non ? ».
Le chef de l’Etat n’est pas en reste dans la chaine d’interpellation. Pour finir, la marraine du forum qui a en tête les promesses de campagne ne lâche pas du lest. « Monsieur Roch Marc Christian a dit qu’ils vont aider les femmes. Il n’a qu’à aider les femmes ». Une aide qui ne profitera pas qu’aux femmes chargées de la cueillette des noix de karité. Et pour cause développe Jacques Koala, « qui dit la femme qui est économiquement bien épanouie, l’homme en premier, ses enfants vont certainement en profiter».
Oui Koueta
Burkina24
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