Forum de la diaspora : Les observations de l’opposition sur le vote de 2020
Ceci est une déclaration du Chef de file de l’opposition politique sur le Forum national de la diaspora burkinabè.
Du 11 au 13 juillet 2018 se tient à Ouagadougou, le Forum national de la diaspora burkinabè. C’est une excellente initiative de nos autorités qu’il convient de saluer à sa juste valeur. L’Opposition politique a désigné cinq (05) représentants qui participeront à l’ensemble des travaux.
Le forum regroupera plus de trois cents(300) participants autour du thème : « La contribution des Burkinabè de l’extérieur à la construction nationale ».
Au nom de l’Opposition politique et en mon nom propre, je souhaite une chaleureuse bienvenue à nos frères et sœurs dans notre maison commune qu’est le Burkina Faso.
La diaspora burkinabè participe déjà, de manière remarquable, à l’effort de construction de notre chère patrie, en transférant par exemple, selon les circuits officiels, plus de 100 milliards de francs CFA par an. C’est le lieu de l’en remercier, et l’Opposition politique s’associe d’ores et déjà à l’idée de récompenser ceux des nôtres qui se distinguent dans le soutien à la mère patrie, ou dont la réussite professionnelle honore notre pays.
Mais cette participation est encore loin d’être optimale. Il faut donc l’encourager et la développer. L’Opposition politique espère vivement que les recommandations qui seront issues de ces assises ne dormiront pas dans les tiroirs comme c’est malheureusement devenu l’habitude au Faso. En effet, on a encore souvenance qu’en 2010, le vote des Burkinabè de l’étranger a été enchâssé dans le Code électoral puis reporté. Il a encore été, en 2010, inscrit dans le Code électoral puis de nouveau reporté. Une des principales revendications de notre diaspora, vieille comme le temps, c’est de pouvoir participer à la vie démocratique de son pays, en votant enfin en 2020.
L’opposition politique, qui a fait sienne depuis longtemps cette revendication, est heureuse de constater que les autorités actuelles proclament leur intention d’en faire une réalité en 2020.
C’est ce sentiment qui a conduit l’opposition politique à répondre positivement à l’invitation récente du Président du Faso pour en discuter.
Malheureusement, sur cette question, des divergences profondes nous séparent du gouvernement. Celles-ci portent essentiellement sur :
-Premièrement, la nature des documents devant permettre aux Burkinabè de la diaspora de voter ;
– Et deuxièmement, sur l’organisation pratique du vote.
Le Code électoral actuellement en vigueur, dispose que les trois documents permettant aux Burkinabè de l’extérieur de voter sont :
- La carte nationale d’identité burkinabè ;
- Le passeport ;
- La carte consulaire biométrique.
L’Opposition politique trouve cette disposition pertinente. Or, pour des raisons que lui seul connait, le Gouvernement veut modifier ces dispositions. Désormais, il veut que la Carte nationale d’identité soit le seul document permettant le vote. Il récuse donc le Passeport et la Carte consulaire biométrique.
Pire, il veut établir des conditions draconiennes pour l’obtention de la CNIB.
En effet, l’article 52 de l’avant-projet de modification du Code électoral dispose : « Pour justifier son identité au niveau national ou à l’étranger, l’électeur produit la carte nationale d’identité du Burkina Faso en cours de validité. La carte nationale d’identité du Burkina Faso est délivrée suivant les conditions fixées par la loi. »
Pour les Burkinabè nés au Burkina Faso et résidant à l’étranger, la délivrance de la carte nationale d’identité est subordonnée à la présentation des pièces suivantes :
– Un extrait d’acte de naissance délivré par une autorité compétente burkinabè ;
– Un certificat de résidence délivré par les autorités compétentes du pays d’accueil ;
– Un document attestant la preuve de son immatriculation à la représentation diplomatique du ressort de son lieu de résidence.
Pour les Burkinabè nés à l’extérieur et y résidant, la délivrance de la carte d’identité est subordonnée à la présentation des pièces suivantes :
– Un extrait d’acte de naissance ;
– Un certificat de résidence délivré par les autorités compétentes du pays d’accueil ;
– Un document attestant la preuve de son immatriculation à la représentation diplomatique du ressort de son lieu de résidence.
Pour l’Opposition politique, il n’appartient pas au Code électoral de fixer les conditions d’obtention de la CNIB.
Ensuite, la fixation de ces conditions conduirait indubitablement à limiter de manière drastique la participation des Burkinabè de l’extérieur aux échéances électorales de 2020. S’il faut se déplacer souvent à des centaines de kilomètres pour suivre des procédures complexes afin d’établir sa pièce de votation et parcourir des centaines d’autres kilomètres pour voter, le vote des Burkinabè de l’extérieur se réduirait à un ridicule acte symbolique de pure forme.
Un proverbe de chez nous dit que pour priver le crapaud de sa part de nourriture, on l’invite à dîner sur un arbre.
L’un des arguments brandis par le Gouvernement, est que seule une CNIB délivrée dans les nouvelles conditions, permet d’attester de la nationalité.
De notre point de vue, les trois (03) documents de vote autorisés par l’actuel code électoral, attestent déjà de cette nationalité :
– La Carte nationale d’identité burkinabè, atteste elle-même de la nationalité burkinabè ;
– Le Passeport, porte déjà la mention « nationalité burkinabè », et est aussi une preuve d’identité ;
– La carte Consulaire est assimilée par l’Etat burkinabè à la CNIB. En effet, si l’on prend l’exemple de la carte consulaire délivrée à nos compatriotes vivant en Côte d’Ivoire, il est mentionné très clairement à son verso ce qui suit : « Recommandation : La présente carte délivrée aux résidents en Côte d’Ivoire, tient lieu de la Carte nationale d’identité burkinabè». Le caractère biométrique de cette carte n’est pas remis en cause. Elle comporte toutes les informations relatives à son titulaire (nom, prénom, date et lieu de naissance, taille, nom du père, nom de la mère, résidence, dates de naissance du père et de la mère, lieu de résidence, profession, etc.) Elle mentionne même le groupe sanguin. La carte consulaire étant reconnue par l’Etat burkinabè comme étant une carte d’identité nationale burkinabè, elle satisfait pleinement aux conditions relatives au vote.
L’Opposition a déjà attiré la haute attention du Président du Faso sur les implications légales de toute décision qui tendrait à interdire à un titulaire de la carte consulaire de pouvoir voter à une élection où il est dit que le document requis est la Carte d’identité : Et si un jour, dans la même logique, un pays d’accueil décidait de ne plus reconnaître sur cette base la carte consulaire burkinabè ? Pour des questions électoralistes, le Gouvernement exposera ainsi nos compatriotes de l’extérieur à d’énormes risques.
Autre question qui nous oppose au gouvernement, c’est celui des lieux de vote.
Le Gouvernement veut limiter les bureaux de vote à l’enceinte de l’Ambassade et des consulats. Or, tout le monde sait que dans leurs pays d’accueil, l’écrasante majorité de nos compatriotes résident loin de l’Ambassade et des consulats.
L’expérience des autres pays fournit des pistes intéressantes à explorer pour résoudre cette question. Pour les élections présidentielles du 29 juillet 2018, les électeurs maliens résidant au Burkina Faso voteront dans des écoles mises gracieusement à leur disposition par les mairies de Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Pour ceux résidant en Côte d’Ivoire, le scénario sera le même et résulte d’un accord conclu entre leur gouvernement et celui de la Cote d’Ivoire.
L’Opposition politique encourage nos autorités à faire preuve de la même imagination créatrice, et à nouer des accords avec les gouvernements des pays où résident nos compatriotes, pour obtenir une multiplication des bureaux de vote.
L’Opposition politique tient à rassurer nos compatriotes de la diaspora, qu’elle ne laissera pas les proclamations verbales de notre gouvernement en faveur du vote des Burkinabè de l’étranger, être contournées par des entraves subtiles, qui auront pour résultat d’empêcher dans les faits nos compatriotes de s’acquitter de leur devoir citoyen.
Les délégués au Forum ont là une occasion unique pour obtenir de nos plus hautes autorités :
-Le respect des engagements pris, mainte fois renouvelés, pour le vote des Burkinabè de l’extérieur ;
-Le respect intégral des prescriptions de l’article 52 du Code électoral en vigueur, qui favorise une participation optimale au vote des Burkinabè de l’extérieur.
L’Opposition politique les encourage donc à engager le débat.
Je souhaite de fructueux échanges et d’excellents travaux à l’ensemble des participants et un bon retour dans leurs pays d’accueil respectifs.
Vive le Burkina Faso uni et fort !
Ouagadougou, le 11 juillet 2018
Le Chef de file de l’Opposition politique,
Zéphirin DIABRE
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