Pérégrinations de Bélélé | Culture africaine, traditions et démocratie
Depuis des décennies, la question de la démocratisation des pays africains génère des débats de différentes dimensions. Si les plus récurrents font cas de la triste réputation des États africains d’être de mauvais élèves, les rapports entre les traditions africaines et la démocratie ne sont pas toujours assez mise en lumière pour montrer que l’Afrique n’a pas rejoint le train de la démocratie en marche mais plutôt que les fondamentaux même des traditions africaines sont des principes démocratiques.
En effet, il n’est pas rare de lire ou d’entendre que le continent africain n’est pas fait pour l’édification d’une véritable démocratie, celle-ci étant mise à mal par la persistance de plusieurs facteurs que sont le taux d’instruction, les considérations ethniques ou religieuses, l’organisation socio-culturelle, etc. À se référer à ce propos, non moins choquant, que l’on prête à l’ancien président français Jacques Chirac (1995-2007), « La démocratie est un luxe pour les Africains », on est tenté de se demander si pour certaines pensées, l’Afrique n’a commencé à exister en tant que société qu’à partir de la colonisation.
S’affranchir du mythe
Pour décomposer les arguments qui militent en faveur de cette croyance et en faire une contre-analyse, il importe d’abord aux africains de repenser la démocratie sur le continent en commençant par s’émanciper du mythe selon lequel, en raison de leur organisation traditionnelle, les sociétés africaines seraient incompatibles avec la démocratie.
Comme le démontre plusieurs résultats de recherches, au nombre desquelles, quelques écrits ci-après : Pathé Diagne, « Pouvoir politique traditionnel en Afrique Occidentale. Essais sur les institutions politiques précoloniales »; Guy Clutton-Brock, « Le rôle des traditions dans le développement de l’Afrique », les systèmes traditionnels de gouvernance de plusieurs peuples d’Afrique sont principalement démocratiques.
Essentiellement, qu’est-ce que la démocratie ?
La démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », disait Abraham Lincoln. En résumé simple, c’est une forme de gouvernance où le peuple règle toujours ses affaires au cours d’une discussion où chacun s’exprime librement. Ce que pratiquaient les Etats-cités de la Grèce antique et que les sociétés traditionnelles africaines ont toujours opté. En Afrique, la méthode traditionnelle de conduire les affaires du peuple c’est la discussion libre. Les « vieillards », notables du village et représentants des différentes couches, s’asseyaient au pied d’un grand arbre au vu et au su de tout le monde et discutaient jusqu’à ce qu’ils parviennent à un accord sur chaque question liée à la vie des habitants. Et c’est précisément sur cette liberté d’opinion et d’expression reconnue et accordée à tous qu’est basé le principe même de la démocratie. Ces pratiques n’étaient donc pas incompatibles avec la démocratie « moderne » importée et ses implications.
La démocratie africaine avant la colonisation
« Maintenant que nous sommes les maîtres de notre destin, nous allons installer la patrie sur des bases solides et justes. Pour ce faire édictons des lois que les peuples se doivent de respecter et d’appliquer. » Extrait de la Charte du Mandé de 1222
Selon les historiens, cette charte l’équivalent d’une Constitution est la consécration de la libération du peuple mandingue du joug du tyran Soumaoro Kanté.
Les histoires des régimes politiques traditionnels révèlent aussi, certes, qu’il y a eu naguère en Afrique, comme ailleurs au monde, des régimes tyranniques ou despotiques mais que la tradition politique n’était pas juste homogène mais riche et diversifiée.
Quelques exemples de démocraties traditionnelles africaines
Chez les Ashanti dans l’actuel Ghana, les chefs provinciaux possédaient des larges pouvoirs qui venaient limiter ceux du chef suprême, l’Asantehene. Il en est de même du Mwami, le roi au Burundi, qui devait tenir compte de l’existence des autorités provinciales. Chez les Yoruba, le pouvoir du chef, l’Alafin était révocable et limité par un conseil représentant l’aristocratie, les corporations et la principale association religieuse, la société Ogbeni.
Ici au Burkina, le Mogh-Naaba, chef suprême des Mossé, a autour de lui de nombreux fonctionnaires et dignitaires qui font partie du Conseil des ministres ou du conseil du Roi. Ce conseil des ministres, était aussi une sorte de tribunal d’Etat qui prononçait des verdicts devant manifester la volonté du peuple après une discussion générale.
La marche engagée vers une démocratie, mais laquelle ?
Cette question de démocratisation a énormément affecté le développement de l’Afrique depuis les indépendances dans beaucoup d’aspects. D’ailleurs, ceci demeure toujours un grand enjeu pour le continent.
Certes, la colonisation avec son corolaire de délimitations des frontières sans prise en compte des réalités culturelles des peuples a toujours constitué un frein, mais il faut dire que l’Afrique a déjà un cadre assez séduisant et propice à l’émergence de véritables démocraties.
Tout comme la démocratie athénienne, puis celle romaine qui a accouché la démocratie occidentale, la démocratie africaine doit donc évoluer en prenant en compte ses propres fondements et s’adapter aux conditions socio-culturelles du moment.
B.J.W.B
Chroniqueur pour Burkina24
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