Burkina : Offensive de la société civile pour le respect du Code minier
Des Organisations de la société civile burkinabè ont produit un rapport qui sert d’outil d’information de l’opinion publique, des communautés des localités minières, des collectivités territoriales, des médias et des ONG internationales autour de l’exigence de l’opérationnalisation du Fonds minier de développement local. Présenté le jeudi 4 octobre 2018 à Ouagadougou, ce rapport vise à interpeller le Président du Faso et les institutions de la République sur le comportement des sociétés minières opérant au Burkina Faso.
Le nouveau code minier est la loi N°036-2015/CNT du 26 juin 2015 portant code minier du Burkina Faso, adoptée le 26 juin 2015. De 2015 à 2018, la mise en œuvre est très timide. Jonas Hien, chargé des programmes de l’ONG Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCAD), explique que ce sont seulement sept (7) décrets et deux (2) arrêtés d’application qui ont été pris. « Les décrets d’application déjà disponibles n’appliquent rien d’abord et les arrêtés n’ont rien encore arrêté de concret », dit-il.
Dans le rapport conçu par plusieurs Organisations de la société civiles en l’occurrence l’ORCAD, Publiez ce que vous payez et Oxfam, l’Action des journalistes sur les mines au Burkina (AJM-BF), le respect des dispositions du Code minier en ce qui concerne l’environnement, la fourniture locale, sur l’emploi des nationaux dans les projets miniers entre autres, et le Fonds minier de développement local par les Sociétés minières ont été abordés. Et la colère des organisations est grande.
Sur le plan environnemental, le code minier, en son article 27, dispose que chaque année, le ministère en charge des mines, celui en charge de l’environnement et celui en charge des finances, doivent produire un rapport conjoint exhaustif et complet sur l’état de gestion du fonds de réhabilitation et de la fermeture de la mine. Mais à en croire les organisations de la société civile, « trois années après, aucun rapport n’a été produit conformément à la prescription de la loi minière, c’est-à-dire publié au Journal officiel et diffusé largement dans la presse ».
Aucun plan de formation des cadres nationaux pour le remplacement des expatriés
Pour Jonas Hien, ce manquement est de la responsabilité du gouvernement burkinabè et des sociétés minières. Et en la matière, la société civile estime que cette disposition du code minier n’est pas respectée. La même conclusion est ressortie pour ce qui concerne la fourniture locale ou la consommation des produits locaux par les sociétés minières. Depuis l’adoption du nouveau code minier, selon la société civile, aucun texte d’application de cette disposition n’est adopté.
« La société civile n’a pas connaissance non plus d’une politique nationale assortie de stratégie de développement et de promotion de la fourniture locale. Elle n’est pas non plus au courant de la mise en place d’un cadre tripartite comprenant les représentants de l’Etat, des sociétés minières et des fournisseurs de biens et services miniers. Elle conclut que cette disposition du code minier n’est pas respectée. Les sociétés minières continueront à importer de l’extérieur ce dont l’expertise et les capacités nationales ne permettent pas encore d’offrir », lit-on dans le rapport.
Le tableau peint presqu’en noir par la société civile touche également l’emploi des nationaux dans les projets miniers. Selon l’article 102, à compétences égales, les nationaux doivent être employés dans les projets miniers. Aux postes où il n’existe pas de compétences nationales, l’entreprise minière est tenue d’élaborer un plan de formation des cadres nationaux pour le remplacement progressif du personnel expatrié.
Par ailleurs, lit-on dans le rapport, suivant le cycle de la vie de la mine, un décret doit être pris en Conseil des ministres pour établir la nomenclature des postes et fixer des quotas d’emplois nationaux requis. Mais depuis l’adoption du nouveau Code minier, aucun plan de formation des cadres nationaux pour le remplacement progressif du personnel expatrié n’est disponible. Aucun décret n’a également été pris en conseil des ministres pour établir la nomenclature des postes et fixer des quotas d’emplois des nationaux requis. « Ce manquement profite aux sociétés minières et le pays en sort perdant », soutient Jonas Hien.
Téléchargez le — Rapport 18 suivi code minier et FMDL
Les Organisations de la société civile du secteur minier ont par ailleurs lancé en 2014 une vaste campagne de plaidoyer dénommée « campagne 1% de l’argent de l’or pour le développement du Burkina Faso » ou Fonds minier de développement local (FMDL). Ce fonds qui représente 1% du chiffre d’affaires de chaque société minière devait contribuer au soutien des plans communaux et régionaux développement. Jusqu’à présent, aucune application.
Exemple est pris sur la mine d’or d’Essakane. En 2017, la mine d’Essakane a fait un chiffre d’affaires de trois cent vingt-trois milliards de francs CFA (323 000 000 000 F CFA). En application de 1% sur ce chiffre d’affaires, Essakane doit verser trois milliards deux-cent-trente millions de francs CFA (3 230 000 000 F CFA) au Fonds minier de développement local pour la seule année de 2017 pour permettre à l’Etat de les redistribuer aux communes minières et à la Région de ce site minier. Si la tendance était maintenue, en quatre (4) années, Essakane versera au Fonds minier de développement local, douze milliards neuf-cent-vingt millions de francs CFA (12 920 000 000 F CFA) au profit des communes et la Région.
Or, actuellement, en soutien aux communes de Dori, Falangountou, Gorom-Gorom, Markoye et au Conseil régional du Sahel, en quatre années, ceux-ci ont bénéficié d’un milliard huit-cent-dix-huit millions de francs CFA (1 818 000 000 F CFA). En demandant à Essakane de ne plus verser directement de contribution aux communes concernées et en considérant le Fonds minier de développement local, le pays gagne onze milliards cent deux millions de francs CFA (11 102 000 000 F CFA) par an pour les mêmes communes et la Région.
Le Fonds minier de développement local est donc plus bénéfique que la RSE telle que mise en œuvre au Burkina Faso. On comprend aisément la bataille contre le fonds minier de développement local par les sociétés minières : les intérêts en jeu sont énormes, conclut la société civile qui entend prendre ses responsabilités et faire respecter les lois du pays, indique le rapport. « Il ne saurait avoir au Burkina, des Etats dans un Etat », continue Jonas Hien.
A cet effet, la société civile compte lancer dans les prochains jours, le mouvement « Payez nos milliards de Fonds minier de développement local en 2018 ». Cette offensive de la société civile burkinabè vise à faire respecter les textes sur le Fonds minier de développement local. « Nous ne sommes pas des plaisantins et nous ne voulons pas qu’on plaisante avec nous », commente Jonas Hein qui se veut clair : « la décision est prise, elle sera exécutée en 2018 ».
Ignace Ismaël NABOLE
Burkina 24
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