La gestion du capital humain – Qu’implique le droit de grève et de lock-out au Burkina Faso ?
La grève et le lock-out constituent des moyens de pression légitimes mis en œuvre par les partenaires sociaux (employeurs et employés) lorsque leurs intérêts matériels et moraux nécessitent d’être défendus.
Ces deux situations sont toutefois encadrées par le droit du travail par l’Arrêté N°2009-022/MTSS/SG/DGT/DER déterminant les emplois réquisitionnés et les conditions et modalités de réquisition en cas de grève, les Articles 382 et suivants de la LOI N° 028-2008/AN portant Code du Travail au Burkina Faso et la LOI N° 45-60 portant règlementation du droit de grève des fonctionnaires et agents de l’Etat.
La grève consiste pour les travailleurs à cesser le travail de façon collective et concertée. Le « lock-out » qui est un terme anglais (on se demande d’ailleurs pourquoi le législateur emploi un tel terme dans un code du travail francophone) qui signifie entre autres « laisser dehors » consiste pour un employeur à empêcher un travailleur d’accéder aux locaux de travail dans le cadre d’un conflit collectif de travail.
- Qu’est-ce qu’une grève légale pour un travailleur ?
- Pour ce qui concerne les travailleurs du secteur privé, la législation en la matière n’est pas explicite. A ce titre, nous pouvons supposer qu’une grève est légale ou du moins légitime dès lors qu’elle a fait l’objet d’un préavis et qu’elle intervient lorsque toutes les formes de négociation et de tentatives d’arbitrage ont été épuisées.
- Pour ce qui concerne les travailleurs du secteur public, c’est la LOI N° 45-60 qui détermine la procédure à observer concernant le déclenchement d’une grève. Dès lors que cette procédure est respectée et que la grève n’a pas été interdite elle reste légale
- Quelles sont les conséquences d’une grève pour un travailleur :
- Si la grève est légale : Durant les jours de grève et donc de cessation de travail, le travailleur n’a pas droit à son salaire. Toutefois si la grève se limite à une démonstration au moyen de pancartes ou de signes (brassards, bandeaux, etc.) mais qu’il n’y a pas cessation de travail, le salaire est du.
- Si la grève est illégale ou que durant la grève légale le travailleur commet une faute lourde comme s’opposer au travail d’autrui, il encourt des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement sans indemnité de préavis ou de licenciement et sans le versement d’éventuels dommages et intérêts pour rupture du contrat.
- Si durant la grève le travailleur occupe le lieu de travail ou ses abords immédiats, il peut faire l’objet de sanctions pénales prévues par la législation en vigueur.
- Qu’est-ce que l’employeur est autorisé à faire durant une grève :
- Interdire au salarié en grève l’accès à l’entreprise (Lock-Out) ;
- Requérir les services d’autres travailleurs en vue de réaliser les tâches habituellement exécutées par le travailleur gréviste ;
- Dans le cadre des administrations et établissements publics, procéder à la réquisition des travailleurs des entreprises privées et des services et établissements publics qui occupent des emplois indispensables à la sécurité des personnes et des biens, au maintien de l’ordre public, à la continuité du service public ou à la satisfaction des besoins essentiels de la communauté.
Dans des pays plus ou moins développés que le Burkina Faso, la grève est également un droit et s’exerce de façon différente.
Au Japon, dans le secteur privé l’article 28 de la Constitution de 1946 garantit le droit d’agir collectivement (qui inclus le droit de grève). Ce droit peut se manifester par un arrêt de travail non rémunéré, le port de signes de grève (brassards, bandeaux, panneaux). Dans ce même pays, les fonctionnaires et salariés du secteur public ne sont pas autorisés à faire grève. Ils encourent même des sanctions qui peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement ou une amende de 100.000 Yens
En Suisse, dans le secteur privé, l’article 28 de la Constitution fédérale garantit le droit à la grève si et seulement si elle respecte les conditions suivantes : elle concerne les relations de travail, elle ne concerne pas un point réglementé par une convention collective de travail, elle respecte le principe de la proportionnalité, elle est soutenue par un syndicat. Les travailleurs qui font la grève n’ont pas droit au salaire et s’exposent au risque d’être licenciés ou de recevoir un avertissement. La Constitution fédérale prévoit la possibilité d’interdire, au niveau cantonal ou fédéral, le recours à la grève à certaines catégories de travailleurs. En général, il s’agit du personnel de la fonction publique (maintien de l’ordre public, soins, lutte contre le feu).
En Chine, le droit de grève a été éliminé de la Constitution en 1982.
Au Pays Bas, les grèves organisées (avec le soutien d’un syndicat) et sauvages (sans soutien), les grèves perlées et grèves du zèle sont autorisées. Les grèves politiques et de solidarité sont illégales. Les grèves ne doivent pas avoir pour but de modifier une convention collective en vigueur. Le droit de grève dans la fonction publique est interdit et constitue une infraction.
En Allemagne, Le droit de grève n’est pas individuel mais appartient exclusivement aux syndicats. Seules les cessations de travail qui répondent à un appel des syndicats sont admises aux yeux de la loi. Le droit actuel interdit aux fonctionnaires de faire grève.
Au Pérou, pour déclarer une grève, celle-ci doit être votée par la moitié plus un des travailleurs d’une entreprise. La grève perlée, la grève du zèle, la réduction délibérée du rendement, ou toute autre forme de paralysie pendant laquelle les travailleurs restent sur le lieu de travail, sont interdites. Le ministère du Travail est habilité à mettre fin à une grève si celle-ci porte gravement atteinte aux intérêts d’une entreprise ou d’un secteur de production. L’autorité administrative du travail est habilitée à fixer la portée des services minimums durant une grève dans les services publics essentiels, en cas de différend entre les parties.
A Cuba, le droit de grève n’est pas inscrit dans la Constitution. Toutefois, les autorités affirment que « dans les cas où les travailleurs cubains décideraient de recourir à la grève, rien ne pourrait le leur interdire ».
En Russie, l’article 37 de la Constitution reconnait le droit de participer à des conflits sociaux individuels et collectifs, ainsi que le droit de grève. Toutefois, « l’article 3(1) de la loi sur les fonctionnaires de l’Etat, qui définit la fonction publique nationale comme un type de service assuré par des citoyens, dans leurs fonctions administratives respectives, afin d’exercer l’autorité de différents organes de l’Etat. De ce fait, l’interdiction des grèves dans la fonction publique est nécessaire en raison de ses fonctions spécifiques, qui devraient être ininterrompues afin de garantir l’exercice de l’autorité de différents organes de l’Etat. Le gouvernement fait remarquer que cette interdiction vise les fonctionnaires indépendamment de leur catégorie et échelon hiérarchique, parce que tous les fonctionnaires contribuent individuellement et collectivement à la finalité publique de la fonction publique par le biais de laquelle s’exerce l’autorité de l’Etat. »
Il nous appartient donc ensemble, en tant que Nation, d’élaborer des mécanismes de résolutions des conflits sociaux selon nos cultures et nos traditions. Nous disposons de ces mécanismes et ces derniers fonctionnent parfaitement car légitimes et justes, mais ne sont malheureusement pas pris en compte et inscrits dans nos textes de loi. Nous devons cesser de défendre et de faire appliquer des modèles importés, qui ne permettent pas de répondre aux attentes de la majorité des travailleurs et des employeurs burkinabè. Je vous invite à cet effet à lire cet écris très intéressant https://www.oecd.org/fr/csao/evenements/38516109.pdf de Monsieur Bakary FOFANA (en page 78) ainsi que les autres contributions des participants.
Ouagadougou, le 17/01/2020
BIOGRAPHIE
Omar KONATE, économiste de formation a fait l’essentiel de sa carrière dans le domaine de la gestion du capital humain dans des organisations privées et internationales. Il est à présent Directeur général de K. People International, un cabinet qu’il a fondé en 2015.
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