Tribune – Terrorisme : Quel avenir pour la « Coalition pour le Sahel » ?
Ceci est une tribune de Jérémie Yisso BATIONO, enseignant chercheur, sur la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Au Sahel, les initiatives de la communauté internationale pour contrer le terrorisme se multiplient. La crise sécuritaire, elle, s’amplifie. De Serval au partenariat pour la stabilité et la sécurité au Sahel (P3S) en passant par Barkhane, le G5 Sahel, Takouba, du chemin a été parcouru mais les résultats sont mitigés ; sinon décevants. Annoncée dans le sillage du sommet de Pau du 13 janvier dernier, la « coalition pour le Sahel » connaitra-t-elle un meilleur destin ?
Le sommet de Pau a décidé de créer une coalition pour le Sahel sous le commandement intégré de Barkhane et de la Force conjointe du G5 Sahel. L’État islamique au Grand Sahara (EIGS) est la cible principale de cette coalition. Selon le président Roch Kaboré, cette coalition est née dans l’optique d’intensifier les actions opérationnelles dans la zone des trois frontières.
Dans cette zone, l’État islamique au Grand Sahara d’Abou Walid Al Saharaoui est l’un des mouvements les plus radicaux. Les dernières attaques les plus sanglantes, tant au Burkina Faso, au Mali qu’au Niger sont à mettre à son actif. C’est également dans cette zone que la France a perdu 13 de ses soldats. Au regard des pertes qu’ils enregistrent individuellement, les différents groupes terroristes Ansar Dine, Front du Macina, al-Mourabitoune, AQMI, Ansarul Islam, État islamique dans le Grand Sahara, ont décidé de recentrer leurs actions sur la zone des 03 frontières pour une « meilleure efficacité dans la terreur ».
Cette zone est également un couloir de trafics de tous genres : armes, munitions, drogues, cigarettes, êtres humains, etc. Ces trafics contribuent grandement à financer le terrorisme. C’est dire que le contrôle de cette zone est d’un intérêt stratégique pour les pays du sahel. Tant qu’elle n’est pas nettoyée de fond en comble, aucun des trois Etats ne sera à l’abri des attaques qui déciment tant les FDS que les innocentes populations civiles au rang desquelles des femmes et des enfants.
La coalition ne sera pas la panacée
La reconfiguration architecturale, opérationnelle et stratégique envisagée à travers la coalition vient donc à point nommé car il y a une juxtaposition des acteurs au Sahel avec chacun sa mission, ses intérêts et son agenda. Si les différents acteurs, la France en tête, jouent franc jeu, les résultats devraient être significatifs dans les jours à venir.
Les effectifs, la puissance de feu et les moyens technologiques sont disponibles. Avec toute cette armada, il n’y a pas de raison que quelques groupes d’illuminés, bien identifiés, continuent à endeuiller les populations du Sahel. Si Emmanuel Macron a pu sauver la face à travers la trouvaille de la coalition, il appartient désormais aux dirigeants africains d’assumer pleinement leurs responsabilités dans la coordination des efforts.
La communauté internationale vient juste en appoint. La solution définitive et durable est avant tout endogène.
Les pays du G5 Sahel peuvent y arriver en mutualisant les efforts et les moyens. En matière de renseignement par exemple, un travail formidable se fait. A titre illustratif, au Burkina Faso, la neutralisation ces dernières semaines de centaines de terroristes est la résultante d’une bonne exploitation des judicieux renseignements fournis.
Les services de renseignements burkinabè avaient également pleinement coopéré avec leurs homologues français en novembre 2019. Le 5 novembre, ce travail a permis à la ministre française des Armées, Florence Parly, d’annoncer la mort au Mali du Marocain Abou Abderahman al-Maghrebi, alias Ali Maychou, considéré comme le numéro deux et leader religieux du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).
L’opinion publique ne peut être muselée en Afrique. Les contestations se poursuivront tant que les résultats ne seront pas au rendez-vous ou lorsqu’une certaine duplicité sera constatée. Contrairement à ce qu’Emmanuel Macron pense, ce type de discours est loin d’être « indigne ». Ils ont plutôt une connotation patriotique et républicaine car les citoyens africains sont lassés de l’immobilisme ambiant dans cette lutte contre le terrorisme. La solution miracle ne viendra pas de cette coalition. C’est une évidence. Mais, elle constituerait selon Emmanuel Macron un « tournant décisif et historique ». Le temps nous permettra d’en juger.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou
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