[Tribune] Le Burkina Faso et le Coronavirus

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Ceci est la tribune d’un citoyen sur la gestion de la crise liée au COVID-19.

Entre fin décembre 2019 et début mars 2020, les images qui nous parvenaient de la Chine et particulièrement de la province de Wuhan montraient l’apocalypse. Spectateur, moqueur ou indiffèrent, chaque pays regardait sans pour autant imaginer que son tour viendrait. Et son tour vint.

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Le Burkina Faso qui a connu ses premiers cas avérés de Covid 19 depuis bientôt trois semaines apprend dans la douleur à gérer ce que les spécialistes appellent une pandémie. Tiraillées entre d’une part ceux qui crient à la lenteur et au manque d’anticipation et d’autre part ceux qui appellent à la pondération et à la retenue dans la gestion de la crise, les autorités politiques burkinabés de la plus haute échelle à l’échelon décentralisée semblent désemparées.

Depuis quelques jours, le Gouvernement prend au pas de course des décisions et des mesures qui visent à endiguer la propagation de la maladie au Covid 19. Dans un contexte d’urgence, il n’est pas aisé de prendre toujours les meilleures décisions surtout quand on préside à la destinée d’une vingtaine de millions de personnes voire plus.

Que peut le Burkina Faso face au Covid 19 là où la Chine, l’Italie, l’Espagne, la France, les Etats-Unis ont montré leur impuissance ? Les mesures prises sont-elles à la hauteur des défis urgents et à venir ? Dans un contexte où tout est urgent, qu’est-ce qui est plus urgent pour le Burkina Faso ? Aussi, devant la pandémie, les meilleures réponses doivent-elles être calquées, standardisées (bénies par l’OMS) ou contextualisées ?

Voici autant de questions qui taraudent nos décideurs auxquelles j’invite les uns et les autres à y apporter leurs contributions.

N’étant ni médecin, ni spécialiste de la santé publique, je me garderai dans mes propos de revenir sur les caractéristiques de la maladie. Cependant, pour les questions sociale, économique et humanitaire de la crise, je pense qu’il n’est pas inutile que chaque citoyen apporte sa contribution au débat.

Les constats

Depuis le début de l’épidémie du Covid 19 devenue par la suite une pandémie, on peut faire le constat que : le taux de propagation est rapide, la mortalité est élevée chez les personnes âgées ou de faible système immunitaire, il n’existe aucun traitement efficace contre la maladie, l’économie est frappée de plein fouet par la psychose et les mesures de confinement, les systèmes sanitaires sont rapidement débordés par l’afflux des malades. Récemment, la Chine montre progressivement des images où la vie reprend, témoignant qu’elle a réussi à maitriser l’épidémie pour le moment. Je ne connais pas avec tous les détails, les mesures qui ont donné satisfaction et espoir en Chine mais, les mesures de confinement drastique et de la quarantaine semblent avoir été la base du succès.

Le contexte du Burkina Faso

Face au Covid 19, le tableau ci-après analyse comment se présente le Burkina Faso

Forces

ü  Population à majorité jeune

ü  Taux de natalité élevé

ü  Forte résilience de la population face à la pénurie, à l’insécurité

ü  Economie dominée largement par l’informel habituée à survivre et à s’adapter sans l’accompagnement des structures formelles de l’Etat

ü  Le mode de déplacement à deux roues est très répandu et accessible à la grande majorité de la population

ü  Le commerce de rue est une pratique développée et les marchés sont rarement des espaces confinés

ü  La tradi-thérapie est reconnue comme efficace dans le traitement de certaines maladies y compris le traitement de certains symptômes

ü  Etc.

Faiblesses

ü  Système sanitaire précaire et défaillant (sous équipée, personnel peu motivé et insuffisant, coût d’accès élevé)

ü  Economie déjà ébranlée par cinq ans d’attaques terroristes

ü  L’économie nationale et la création de la richesse nationale dépend pour plus de 70% de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso

ü  Faibles ressources budgétaires propres pour mettre en œuvre les politiques publiques

ü  Importante population déplacée vivant en situation précaire et de promiscuité

ü  Front social (travailleurs du secteur public en grève)

ü  Pays enclavé dépendant fortement de l’extérieur pour s’approvisionner

ü  Conflits intercommunautaires

ü  Faible autonomie en production de produits de première nécessité ;

ü  Pauvreté monétaire et alimentaire des ménages : on vit au jour le jour sous la menace permanente de la faim. Toute autre dépense est simplement impossible à honorer

ü  Porosité des frontières

 

Opportunités

ü  La Chine a mis en œuvre des pratiques dont l’efficacité contre la propagation du virus est provisoirement démontrée

ü  Bonne relation diplomatique avec la Chine

ü  OMS et plus largement système des Nations Unies

ü  Union Africaine, CEDEAO, etc.

 

Menaces

ü  Spectre terroriste

ü  Pénurie de produits de première nécessité dans les pays fournisseurs du Burkina Faso

ü  Suspension des aides en provenance des pays riches actuellement ébranlés par la pandémie

Que faire pour le cas du Burkina Faso ?

Face à la pandémie, force est de constater que les approches par pays ont pris le dessus sur les approches globales (à l’échelle planétaire, continentale ou sous-régionale). Comme on le dit ici, chacun se cherche.

Il n’est plus question de dire si oui ou non, le Burkina Faso s’y est mal pris ou s’il s’y est pris en retard. Le virus est là et il faudra le combattre.

  • Des mesures prises par le gouvernement.

Instauration d’un couvre-feu de 19h à 5h du matin, fermeture des écoles, des universités, des frontières, des marchés, des gares routières, des bars et des maquis, suspensions des activités de transport de passagers, limitation du nombre de personnes pendant les cérémonies, sensibilisation sur les mesures d’hygiène, instauration d’un numéro vert pour le diagnostic, voici de façon non exhaustive, les décisions et les mesures prises par le gouvernement et ses démembrements. Leur analyse montre qu’elles visent deux objectifs : limiter le regroupement des personnes (facteur de propagation rapide du virus) et prévenir la contamination quand on est exposé au virus.

Sont-elles efficaces ? Difficile de répondre puisque leur effet ne sera évalué qu’après observation de l’évolution de la courbe des cas infectés. Cependant, les résultats recherchés peuvent être appréciés immédiatement : est-ce que les regroupements sont supprimés, est-ce que les déplacements interurbains de personnes sont arrêtés ? Est-ce que les mesures barrières sont appliquées (laver les mains au savon ou au gel hydroalcoolique, masque de protection) à une grande échelle ?

Je suis sceptique quant à l’efficacité des mesures pour deux raisons : l’insuffisance des dispositions prises en amont et l’absence de mesures d’accompagnement en aval. A titre d’exemple, entre un plat de riz et un une boule de savon, le choix est clair.   

Des mesures à envisager

  • Sauvegarder l’économie populaire ou mettre en place un système d’aide alimentaire d’urgence : Je suis totalement d’accord avec l’essentiel des mesures prises par le gouvernement car dans le doute, il vaut mieux se tromper d’avoir trop fait que de n’avoir rien fait. Cependant, il devra alléger progressivement la fermeture des activités économiques ou mettre dans l’urgence en place un système d’aide alimentaire (riz, huile et maïs) pour permettre à tous de survivre dans la période de confinement.
  • Mobiliser le secteur privé industriel (petite et moyenne industrie) autour de la production des produits de lutte contre le virus (cache nez de qualité, désinfectant de maison et de bureaux, désinfectant de mains. Il faut privilégier tout ce que nous pouvons fabriquer localement : l’économie de crise peut suppléer un temps soit peu l’économie classique.
  • Tolérer temporairement le commerce de rue et encourager le commerce ambulant tout en sensibilisant sur les risques de contamination et les mesures d’hygiène ;
  • Négocier avec la Chine ou avec les pays asiatiques les moins touchés pour assurer l’approvisionnement de produits alimentaires et de santé de première nécessité (médicaments essentiels génériques, riz, etc.) ;
  • Dépêcher une mission en Chine pour comprendre les mesures contre le Covid ;
  • Travailler à une trêve sociale avec les travailleurs du public le temps de la gestion de la crise
  • Décréter l’état d’urgence sanitaire qui sera associé à l’état d’urgence sécuritaire que nous vivons déjà. Ce qui signifie pour nous : affecter prioritairement les ressources humaines et financières à l’accès à l’alimentation pour tous, au dépistage pour tous, à la prise en charge pour les cas les plus sévères, continuer la sensibilisation, etc.)
  • Anticiper sur les effets pervers des mesures prises puisque les burkinabé sont des hommes de la débrouille : les achats de condiments ne se poursuivront-ils pas dans les marchés non fermés et dans les rues ? Les déplacements inter-urbains ne sont poursuivront-ils pas par les deux-roues et les tricycles ? La bière ne coulera-t-elle pas entre amis dans les cours ?

En conclusion, je rejoins ceux qui pensent que le silence des gens bien est pire que le blablabla des gens mauvais. J’invite ainsi tout Burkinabè à participer au débat pour apporter sa contribution. C’est nettement plus utile que de critiquer.

Martin Aweh

[email protected]

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Un commentaire

  1. Il faudra confiner le plus vite OUAGA et BOBO.
    En ce qui concerne la mesure d’accompagnement; 200 millions pour au moins un repas par jour pour les personnes défavoriser. Au totale pour 20 jours on aura une dépense de 4 milliards.Par conséquent si on vote un budget de 10 milliards nous pour faire un confinement exemplaire.
    Si avait fermé aéroportée depuis la sonnette nous n’en serrons pas là.
    MONSIEUR DU GOUVERNEMENT IL FAUT DÉCIDER PENDANT QU’IL EST TEMPS POUR SAUVER UN PEUPLE GUERRIER……..
    La question est de sauver la vie humaine ou l’économie?

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