Boureima Werem, maire de Arbinda : « L’amélioration de la situation nécessite l’implication réelle de tous »

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Avant son élection à la tête de la commune de Arbinda, le maire Boureima Werem a longtemps servi comme animateur de projet dans la province du Soum. Ce qui lui permet d’avoir une lecture approfondie de la situation sécuritaire au Sahel. Dans cette interview réalisée via Internet, il nous baigne dans l’atmosphère d’une commune en proie aux attaques terroristes, des initiatives d’accompagnement des victimes par l’Etat et la collectivité et surtout la détermination des populations à se reconstruire malgré tout.

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Burkina24 : Comment se porte la commune de Arbinda ? Et qu’est-ce qui pourrait expliquer toutes les attaques qu’elle subit ?

Boureima Werem : La commune se porte mieux que les mois précédents. Néanmoins, nous avons enregistré des incursions de terroristes ces derniers temps. A titre d’exemple le 23 juillet 2020, des femmes à la recherche de feuilles d’oseille et du bois de chauffe à Dampella, village situé à environ 12 km au nord-est de Arbinda, ont été attaquées. Malheureusement, deux femmes ont perdu la vie et une autre blessée.

Si l’on veut tenter d’expliquer ce qui apparait comme un acharnement sur Arbinda, je dirai d’abord que c’est lié au fait que c’est une ville stratégique de la région du Sahel en matière de contrôle des régions ou communes voisines comme Kelbo, Djibo, Gorom-Gorom, Déou, Gorgadji et la région du Samatenga.  

Ensuite, c’est l’une des communes qui s’est assumée à travers des initiatives locales pour résister à cette guerre asymétrique à travers la bonne collaboration d’une part avec les FDS (Forces de défense et de sécurité) qui, sur le terrain interviennent dans tous les domaines (sécuritaire comme développement) et d’autre part, par la mise en place des initiatives d’autos défense avec officiellement 150 jeunes opérationnels.

Burkina24 : Depuis les premières attaques, votre commune a connu le déplacement d’une grande partie de la population. Avez-vous une idée de leur nombre et des endroits où elles ont pu se retrancher ?

Boureima Werem : Effectivement avec les attaques répétitives, nous avons enregistré assez de mouvements de population aussi bien internes qu’externes. Il faut noter qu’au niveau du chef-lieu, la population d’au moins 25 villages et une bonne partie de celle de la commune de Koutougou se retrouvent à Arbinda centre. Cette population peut être estimée à 76 215 âmes.

Concernant les mouvements externes, un bon nombre de nos citoyens déplacés est concentré actuellement dans les communes de Djibo, Dori, Gorom, Foubé,  Barsalgho, Yalgo et Kaya.

Il faut souligner qu’il y a quand même un début de retour des déplacés dans leur village d’origine. Notamment les villages de Madoudji, d’une partie de Djika, de Lilgomdé et de Oulpha-Alpha. Nous espérons que la tendance de retour à la maison va se poursuivre.

Burkina24 : Quelles sont les actions concrètes que la commune a pu réaliser pour améliorer les conditions de ces personnes ?

Boureima Werem : Au plan communal, nous avons mené plusieurs actions. Pour les déplacés vivant au chef-lieu de la commune, l’une des premières mesures prises a été d’informer les services de l’action sociale, les autorités administratives et aussi les organisations humanitaires de la situation qui prévaut.

C’est après cette phase d’information que nous avons mené des actions de plaidoyer auprès des différents acteurs pour solliciter une assistance sociale en faveur des populations touchées par l’insécurité.

Notre cri de cœur a été entendu. Les déplacées ont bénéficié d’un accompagnement non négligeable de la part des partenaires à travers, entre autres, des distributions de vivres, des aménagements d’abris, de réalisation de forages.

Au plan sanitaire, on note  une collaboration effective entre la commune et la Direction régionale de la santé et ses partenaires pour une amélioration des conditions sanitaire des populations. Ensemble, nous œuvrons d’une part à assurer la continuité des services de soins. Et d’autre part à réaliser des infrastructures sanitaires pour renforcer la capacité du Centre médical.

« Le gouvernement doit prendre des initiatives de dé-radicalisation afin de permettre aux terroristes qui veulent déposer les armes d’intégrer leur communauté d’origine »

Au plan sécuritaire, comme je l’ai dit plus haut, la collaboration avec les FDS est au beau fixe. Ces forces républicaines nous accompagnent au-delà de leurs missions habituelles. A titre d’exemple, les commerçants qui ravitaillent la population en denrées, les entrepreneurs pour la réalisation des infrastructures ou les certains partenaires sont escortés jusqu’à bon port.

Aussi lorsque des actions communautaires de développement sont entreprises, la population bénéficie de l’accompagnement technique et financier de nos FDS. Cela a permis au chef-lieu de ne pas être en rupture de quoi que ce soit.

Mais les déplacés des autres communes ne sont pas oubliés. Nous  plaidons auprès des services compétents la mise en place de mesures d’accompagnement pouvant aboutir à leur installation. Nous négocions aussi leur insertion sociale auprès des autres collègues maires, des opérateurs économiques, des leaders associatifs et autres bonnes volonté . Nous faisons des bilans réguliers en organisant des réunions qui servent de cadre pour recueillir les difficultés rencontrées par les victimes.

C’est l’occasion pour nous de remercier la contribution de tous les acteurs qui soutiennent notre élan de solidarité.

Burkina24 : Quelles sont les conséquences (immédiates et à long terme) de ces départs sur les objectifs de développement de la commune ?

Boureima Werem : En termes d’inconvénients, nous savons que plus la population grandit, plus ses besoins socio-économiques changent. De ce fait, les défis à relever sont en perpétuelle évolution. L’avantage de l’accroissement de la population, c’est qu’elle doit pouvoir booster le développement de la population si les conditions de stabilité sociale et économiques sont réunies.

Aussi, les effets immédiats du départ des populations peuvent se résumer à la dégradation des infrastructures économiques marchandes, sanitaires et éducatives. L’économie locale est asphyxiée, par conséquent tous les secteurs de développement de la commune sont fragilisés. A long terme, on sera confronté à une nécessité de réhabiliter les infrastructures socio-économiques pour préparer la réinstallation des populations dans leur village d’origine.  

Burkina24 : Avez-vous l’espoir d’un retour à la normale ?         

Boureima Werem : Bien sûr que je l’espère, mais de façon progressive. Car il faut reconnaitre que la situation ne va pas revenir à la normale d’un seul coup. Au fur et à mesure que la situation sécuritaire s’améliorera, les populations retourneront et reprendront petit à petit le cours de leur vie.

Je crois fermement que l’amélioration de la situation nécessite l’implication réelle de tous. Chaque communauté doit s’organiser et mettre en place des initiatives locales de sécurité.

Le gouvernement doit prendre des initiatives de dé-radicalisation afin de permettre aux terroristes qui veulent déposer les armes d’intégrer leur communauté d’origine.

Il devra veiller à l’implication effective des leaders religieux, coutumiers, politiques et administratifs des zones affectées dans la culture de la paix et de la cohésion sociale.

Burkina24 : Comment avez-vous vécu la campagne d’enrôlement biométrique ?

Boureima Werem : Sur cette question, je rappelle que j’avais anticipé la question de l’enrôlement biométrique auprès du Président de la CENI le 07 Mai 2020 en lui soumettant des propositions. Entre autres,  permettre aux communes affectées d’identifier en leur sein, des volontaires qui seront retenus comme opérateurs de kits afin de parer aux éventualités d’inaccessibilité. Malheureusement nous avons appris lors d’un atelier à Dori que les provinces du Soum, de l’Oudalan, du Yagha et certaines communes du Séno ne seront pas concernées.

Après cet atelier, le maire de Koutougou, de Kelbo, de Pobé-Mengao et moi-même avons rencontré le président du Faso en présence de certains leaders. Au cours des échanges, nous avons rapporté au chef de l’Etat que la région du Sahel en général et la province du Soum en particulier ne sont pas prêtes à être mises hors des élections. Car c’est un défi qu’il faut relever malgré le contexte difficile.

En toute humilité, je pense que cela a été un déclic qui a abouti à la tenue effective de l’enrôlement dans les provinces sus citées. Au cours de l’opération d’enrôlement, nous avons sensibilisé les populations sur les enjeux  des élections dans notre pays.

Burkina24 : La proposition de prorogation des élections législatives répondait-elle aux enjeux de la situation sécuritaire de votre commune ?

Boureima Werem : Concernant la question de la prorogation des élections législatives, elle correspondait parfaitement aux enjeux du moment. Il n’y aurait pas un seul député ou maire ou même population qui en faisait une priorité.

La question sécuritaire pour le retour des déplacés était plutôt prioritaire. Mais force est de constater que l’ensemble des partis politiques ont rejeté la proposition et comme chacun de nous fait partie d’une formation politique, nous sommes tenus au respect des directives de nos différents partis politiques.

Mais il faudrait que la classe politique sache que la constitution est élaborée pour les hommes et que ces mêmes hommes peuvent l’adapter en fonction des contextes.

Burkina24 : Comment envisagez-vous l’organisation des élections de 2020 ?

Boureima Werem : Je profite vous informer que j’ai déposé ma candidature le 09 juillet 2020 au compte de la province du Soum. Fort heureusement, j’ai le soutien total des sous sections de Arbinda, de kelbo, de Tongomael, de Pobé-Mengao et une bonne partie des populations de Djibo.

A cet effet, je pense bien que le bureau exécutif  de mon parti, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès)  tiendra compte de ses aspects pour ne pas décevoir les militants. Au regard du contexte sécuritaire, des stratégies seront mises en place pour la réussite de la campagne électorale. J’ai foi en la réélection du président Roch Marc Christian Kaboré. Cependant, notre défi consistera à créer une union sacrée autour de notre président pour avoir la majorité à l’hémicycle afin de pouvoir mieux gouverner.   

Burkina24 : Quel message à l’endroit des Burkinabé ?

Boureima Werem : Je ne peux terminer cette interview sans vous remercier de l’occasion que vous m’offrez sur les questions d’actualité d’une part et d’autre part, réitérer notre reconnaissance aux Ministère de l’action sociale, de la sécurité, de la défense, aux organisations humanitaires qui interviennent dans notre commune, aux bonnes volontés qui se sont manifestées et qui se manifestent pour soulager la souffrance des populations.

Aussi au nom de la population de Arbinda, nous traduisons nos sincères reconnaissances aux différents détachements qui sont installés à Arbinda pour leur accompagnement inestimable.

Au bureau exécutif de mon parti, je souhaiterais une bonne analyse des candidatures aux législatives afin de permettre aux populations d’avoir leur candidat qu’ils estiment pouvoir relever le défi du moment.

Je réitère mes encouragements à tous ceux dont les yeux brillent des larmes retenues, à ceux dont les fronts résorbent des coups atroces et silencieux et dont les paroles ne traduisent plus les pensées.

 A toutes ces personnes brisées,  qui de manière silencieuse, subissent la douleur de ne pas vivre leurs passions ; à ceux qui soignent ces corps et âmes blessés, à ceux dont le cœur bat généreusement et à ceux qui luttent pour le retour de la paix sur toute l’étendue du territoire, je vous remercie.

Interview réalisée par Aminata SANOU

Burkina24

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