Port du casque au Burkina Faso : « Chaque vie mérite qu’on fasse tout pour la préserver » (Yiyé Constant Bazié)

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Yiyé Constant Bazié est un Conseiller municipal dans l’arrondissement n°2 de la Commune de Ouagadougou. En 2018, il avait mené le combat contre la circulation des camions aux heures indues dans les villes. Après cette victoire, il revient sur l’application d’un autre texte. Celui relatif au port de casque par les motocyclistes. En rappel, le texte sur l’obligation du port du casque a été adopté depuis le 12 août 2003 au Burkina Faso. Seuls les détenteurs des motos de plus de 125cm3 étaient astreints au port du casque. En 2005, après une modification du texte de 2003, il est fait obligation à tout détenteur d’engin à moteur à deux roues à porter le casque. Mais force est de constater, en 2020, que le texte n’est pas appliqué. Face à ce fait, par des moyens et méthodes qui lui sont propres, le Conseiller municipal sensibilise actuellement les Burkinabè sur le port du casque. Reçu à Burkina 24 le lundi 24 août 2020, Yiyé Constant Bazié revient sur le sens de son combat.

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Burkina 24 (B24) : Il y a de cela quelques années, vous vous battiez pour le respect des heures de circulation des gros porteurs en ville. Qu’en est-il de ce combat ?

Yiyé Constant Bazié : Pour le moment dans les faits, moins de personnes qui se font écraser par ces camions. Nous avons obtenu un réaménagement de la loi, ce qui permet aussi aux usagers d’être un peu tranquilles dans la circulation au quotidien. Je commence par les acquis parce que ça encourage ceux qui ont soutenu cette lutte.

Sinon effectivement dans les faits, ça n’a pas toujours été facile. On s’est fait plusieurs fois menacés, on a eu certains échos comme quoi, des gens s’étaient mobilisés pour mener des actions pas du tout simples. Mais ce qui est important, c’est ce qu’on obtient pour les autres, ce qu’on obtient pour la communauté.

B24 : Des menaces ? Est-ce que vous avez été physiquement agressé ou bien ce sont des suspicions ?

Yiyé Constant Bazié : Non ! Ce n’est pas des suspicions. Je n’ai pas été agressé, mais quand des gens considèrent que vous touchez à leurs intérêts, c’est sûr que ce n’est pas évident.

Personnellement, je me suis abstenu de me prononcer là-dessus parce que ce n’est pas bon de communiquer aux gens la peur et la crainte. Ça décourage alors que l’objectif est plus grand. Bien entendu, on ne peut pas mener une lutte de cette envergure sans subir ce genre de chose, mais les considérer, c’est donner force et raisons à ceux qui sont dans leurs torts de violer certaines lois. Donc, il faut accepter toutes ces choses.

On n’embrasse pas une cause en pensant que tout doit être facile, tout doit être simple. Il faut peser avant tout de s’engager. Une fois qu’on s’est engagé, on sait pourquoi on s’est engagé, on sait où on va. L’objectif final, c’est ça qui est important. Je pense alors qu’au jour d’aujourd’hui, nous l’avons obtenu. Voilà, les gens ne peuvent plus circuler impunément à certaines heures et écraser des gens comme si de rien n’y était.

B24 : Comment au sein du Conseil municipal de Ouagadougou ce combat avait été accueilli ?

Yiyé Constant Bazié : C’est vrai qu’au niveau du conseil municipal, beaucoup de personnes m’ont félicité pour cet engagement. Beaucoup m’ont soutenu. Au cours d’une session, le maire central (Armand Béouindé, ndlr) m’avait dit que j’étais l’homme de l’année. Cela a réveillé beaucoup de sympathie de sa part.

Au-delà du maire, il y a beaucoup de conseillers qui, le long de cette lutte concernant les camions qui circulaient en dehors des heures prescrites, ont tenu à m’encourager quand ils me voyaient. C’était assez sincère.

B24 : Quelles leçons tirez-vous ?

Yiyé Constant Bazié : En dehors du fait que je sois un élu, je pense que toutes les luttes qui permettent de préserver des vies méritent qu’on s’y engage à fond. La leçon que je peux tirer de ça, effectivement au vu du résultat, il faut mener les luttes qu’il faut pour les gens, pour préserver leurs vies parce que la vie est capitale.

Elle vient avant tout et une fois que la vie est assurée au niveau d’une population, d’une frange donnée, c’est bien. Après, on est assez fier du résultat. On est assez fier surtout quand les gens soutiennent la lutte.

B24 : Actuellement, vous êtes sur un autre front, celui du port du casque pour les motocyclistes. Qu’en est-il exactement ?

Yiyé Constant Bazié : Pour le port du casque, c’est assez compliqué parce que tous les jours, quand nous sommes en circulation, nous voyons des jeunes, parce que ce sont eux qui sont beaucoup moins conscients, qui prennent beaucoup plus de risques en faisant des acrobaties. Heureusement, ces choses ont diminué parce qu’entre-temps la police s’y est impliquée. Circuler sans casque, ça expose pratiquement tout le monde.

A partir de 20 km/h, les gens ont tendance à l’ignorer, si vous avez un accident, c’est comme si on avait jeté une brique sur votre tête. La plupart des gens quand ils circulent à Ouagadougou, sont déjà à un peu plus de 20 km/h. Le port du casque permet de réduire, d’amoindrir les chocs. 

De mon point de vue, on devrait être en train de mener d’autres combats. Mais quand on veut faire quelque chose pour les gens, il faut commencer par le b.a.-ba, assurer la sécurité des gens aussi dans la circulation. Je pense que l’autorité doit prendre des prédispositions pour la sensibilisation et imposer aux gens de pouvoir vivre tranquillement parce que je pense que c’est aussi ça le rôle de l’autorité.

Nous avons suivi ce qui s’est passé autour de 2005 quand on a essayé d’appliquer cette loi sur le port du casque. C’est un peu malheureux qu’on ait sauté l’étape de la sensibilisation. Le Burkina Faso est l’un des pays où les deux roues sont les plus utilisés au monde.

Je pense qu’il faut changer d’approche avant d’exiger le port du casque comme le dit la loi. Il faut se donner un certain temps, communiquer réellement, et ensuite passer à l’action. Je pense que c’est le devoir de l’Etat de veiller à prendre des prédispositions et des dispositions pour éviter ce qui est évitable.

Décret n°2005-231/PRES/PM/MCPEA du 20 avril 2005 portant obligation d’intégrer le casque aux équipements d’accompagnement des véhicules motorisés à deux roues lors de la vente

B24 : Sentez-vous un engouement des Burkinabè à aller dans le sens de votre combat ?

Yiyé Constant Bazié : Oui ! Au quotidien, il y a des gens qui m’envoient des images et que je publie à travers mon compte Facebook. Ce sont des gens qui échappent aux accidents et qui font la photo de leur casque pour m’envoyer. En tout cas, je pense que chaque vie mérite qu’on fasse tout pour la préserver.

Il faut qu’on aide tout le monde. Si ce sont les messages d’encouragement, nous en recevons. Actuellement, on est en train de militer, j’ai pris attache avec une structure pour avoir des casques moins chers pour les citoyens qui roulent à motos.

J’essaie de communiquer, mais étant aussi limité par les moyens, j’essaie de développer d’autres initiatives pour que les uns et les autres puissent avoir les casques moins chers.  Et c’est tout à fait logique, si on doit pousser le combat, il faut qu’on ramène cette loi sur la table pour la police puisse se réapproprier la chose, pour pouvoir protéger les citoyens en tout lieu. Quand il est en circulation, s’il ne porte pas le casque, qu’on l’amende.

B24 : Quel message avez-vous à l’endroit des Burkinabè ?

Yiyé Constant Bazié : C’est le même message. Il faut que les Burkinabè acceptent cette petite contrainte pour qu’ils puissent préserver leurs vies.  Porter leurs casques, c’est trois fois rien. Tant qu’on n’est pas confronté à une situation là où quelqu’un ou soi-même, on subit un choc ou traumatisme parce qu’on ne porte pas un casque, on ne peut pas comprendre qu’on puisse s’engager à fond, et en faire son cheval de bataille.

Quand un accident est grave ou moyennement grave, il arrive par moment qu’on ampute un membre. Mais quand ça touche la tête, on ne peut pas l’amputer. C’est pour dire qu’il faut commencer à protéger la tête avant avec juste le casque. Il faut que les gens acceptent à ce niveau-là qu’on puisse les aider à préserver leurs vies. Le message pour les gens qui circulent à moto, il faut insister là-dessus, portez et prenez l’habitude de porter le casque.

Interview réalisée par Mariam NIGNAN (Stagiaire)

Burkina 24

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