Aminata Sanou, ambassadrice de l’UNESCO : «Ne confiez votre vie entre les mains de personne»

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Après sa nomination au titre d’ambassadrice de l’UNESCO, la danseuse chorégraphe Aminata Sanou, par ailleurs directrice du festival Tamadi’Arts et promotrice culturelle, s’engage dans un autre combat. Celui de la promotion de l’égalité des sexes.  Dans cette interview accordée à Burkina 24 depuis la France où elle réside, la native de la ville de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso nous confie ses rêves et sa détermination à lutter pour la libération de la Femme.

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Burkina24  (B24) : Quand avez-vous commencé la danse et à quel moment avez-vous découvert le talent de grande artiste qui brille en vous ?

Aminata Sanou (A.S) : Je suis issue d’une famille d’artistes. J’ai grandi dans la danse et la musique. C’est donc tout naturellement, dès mon plus jeune âge, que je me suis tournée vers la danse.

Plaisir et passion ont d’abord été ma motivation. J’ai ensuite eu la chance de pouvoir me former, d’apprendre, de rencontrer de grands maîtres de la danse et du théâtre, de voyager et d’approfondir mes connaissances sur la pédagogie. Racines et transmissions sont essentielles pour moi. J’ai pu faire de mon talent, mon métier.

B24 : Après Mariam Sankara, vous êtes la deuxième Burkinabè élevée comme Ambassadrice mondiale de la paix par le Center UNESCO pour la paix. En quoi consiste cette reconnaissance ?

A.S : Mariam Sankara est effectivement  la première Burkinabè à être nommée Ambassadrice de L’UNESCO en 2015. Chaque année, le Centre de l’UNESCO pour la paix, membre phare de la Fédération américaine des clubs, centres et associations UNESCO, identifie des hommes et des femmes réputés du monde entier ayant démontré leur capacité à utiliser leurs talents ou leur expérience de vie unique pour rassembler les gens.

Cette année, le jury a examiné mes œuvres d’art et les a reconnues comme un pont culturel essentiel entre l’Afrique et le monde occidental.

B24 : Qu’est-ce qui vous a valu ce laurier ?

A.S : Le titre honorifique d’ambassadrice culturelle du Centre de l’UNESCO pour la paix me permet d’être la porte-parole de l’organisation et de plaider pour le rapprochement de la culture et des peuples du monde entier.

Je fais également office de liaison, formant d’autres artistes sur les moyens de travailler avec le Centre de l’UNESCO pour la paix pour aider à élever une nouvelle génération d’artisans de paix qui s’efforceront de faire de la culture de la paix une « marchandise » de tous les jours à travers l’éducation, la science, la culture et la communication.

Conformément à notre mission de promoteurs de la paix, chaque ambassadeur doit défendre les 17 objectifs de développement durable en général et particulièrement choisir un objectif bien défini.

C’est dans cette dynamique que j’ai choisi l’objectif 5 portant sur « l’Egalité entre les sexes » qui répond aussi à mon idéal du vivre ensemble.

B24 : Quels sont les rôles et les avantages d’une telle responsabilité ?

A.S : Ce rôle est pour moi une plateforme qui me donne l’opportunité de participer aux réunions de la société civile internationale aux Nations Unies pour faire entendre la cause de la femme et de la jeune fille Africaine et en même temps identifier de potentiels partenaires prêts à aider pour la réalisation de l’Objectif de Développement Durable #5.

B24 : Comment avez-vous réagi en apprenant la nouvelle. Quelles sont les premières phrases que vous avez prononcées ?

A.S : « Waouuuh, c’est moi ! C’est moi qui ai reçu le prix Ambassadrice culturelle Unesco 2020 cette année. Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? ».

J’étais si contente et en même temps, je n’arrivais pas à réaliser. C’est une reconnaissance dont je suis si fière. C’est le fruit de grands efforts que je dédie à tous ceux qui ont cru en moi.

B24 : Qu’est-ce que cela apporte à votre pays d’origine, le Burkina Faso ?

A.S : Comme je l’ai dit en plus haut, ce rôle me permet de défendre au mieux les droits de la femme africaine de façon générale et particulièrement les femmes Burkinabè pendant les grandes assises des Nations Unies tel que le CSW65 (2021).

Je rappelle que cette 65ème session de la Commission de la condition de la femme aura lieu au siège des Nations Unies à New York du 15 au 26 mars 2021.

B24 : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées en tant qu’artiste et aussi en tant que artiste femme ?

A.S : Le milieu artistique est difficile. D’abord, j’ai l’impression sans cesse d’être dans une compétition alors qu’on ferait mieux de se donner la main et de travailler ensemble… Artistes, nous avons tous à nous apporter mutuellement !

Ensuite, vivre de mon art n’est pas simple. Il y a tant de projets dans ma tête et seuls quelques-uns se réalisent. J’ai perdu beaucoup d’argent dans ce combat pour le développement à travers la culture.

Nous vivons dans un contexte où les subventions se font de plus en plus rares. Il faut faire ses preuves en continu. J’ai parfois eu l’envie de laisser tomber oui et pourtant c’est cela que j’aime faire. Puis quand je suis appelée sur un projet, je suis reboostée à bloc. Être artiste, c’est une aventure au quotidien.

Enfin, dans ce milieu, il y a encore trop d’inégalités hommes/femmes. D’ailleurs, j’ai récemment participé à une visio-conférence à ce sujet.

B24 : Vous venez d’ajouter un nouveau pas à votre chorégraphie, c’est-à-dire le combat pour la promotion de la femme. A quoi répond cette volonté ?

C’est un combat à la fois personnel et sociétal. J’ai été profondément marquée par de dures réalités depuis mon enfance. Je remercie mes parents pour avoir fait de moi ce que je suis aujourd’hui. J’ai une grande force de caractère qui me permet de ne jamais abandonner. Je suis une battante.

Au vu de l’actualité dans le monde, je me suis dit qu’il est grand temps de réagir et de défendre la cause des femmes. Stop ! Il faut permettre une prise de conscience afin d’aider les femmes à (re)trouver espoir, force, estime de soi et faire que chacune se sente écoutée, soutenue. Je me dis que l’isolement fait des dégâts alors qu’ensemble, on va plus loin.

B24 : Comment la gestuelle corporelle va-t-elle contribuer à promouvoir la femme ?

A.S : Croyez-moi, la danse fait des miracles. Nous allons d’abord donner la parole à chacune des femmes et les écouter sans aucun jugement. Parler, c’est danser et écouter l’est également. Nous allons ensuite voir où tous ces mots, ces maux, ces mouvements nous amènent. Par expérience, je sais que cela abouti à chaque fois à un résultat poignant. Nous aurons l’occasion de le constater ensemble.

B24 : Quel était  votre rêve d’enfance ? Ce rêve se réalise-t-il aujourd’hui ?

A.S : Mon rêve a toujours été de construire un orphelinat et une école de danse afin d’aider les personnes à s’en sortir et à réaliser leurs rêves. Je veux croire à un avenir meilleur.

B24 : Quel est votre rêve aujourd’hui ?

A.S : Aujourd’hui, mon rêve est de construire une école de danse, un dispensaire pour donner un accès gratuit aux premiers soins pour les habitants des quartiers précaires ainsi que de créer ma fondation pour la cause des femmes. J’ai beaucoup de projets.

B24 : Qu’est-ce qui vous a le plus marquée dans votre vie ?

A.S : Ce qui m’a le plus marquée dans cette vie, c’est le décès de ma mère. C’est après cet événement douloureux que j’ai découvert la vraie nature de l’être humain.

B24 : Quels conseils donneriez-vous aux femmes ?

A.S : J’ai envie de dire à mes sœurs qui évoluent dans le milieu artistique, ou autres domaines de la vie  de ne jamais abandonner, de croire en elles, de se fier à leurs instincts, de travailler dur, de ne jamais trahir leurs principes et de continuer à avancer quoi qu’il arrive.

Il y aura toujours des obstacles, des difficultés mais cela fait partie de la vie et ne doit pas vous empêcher de regarder devant. Ne confiez votre vie entre les mains de personne. Vous êtes votre propre idole. Croyez en vos capacités et tracez votre propre chemin.

Interview réalisée par Aminata SANOU

Correspondante de Burkina 24 à Bobo-Dioulasso

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