Tribune I Burkina Faso : « La limitation des partis est une violation flagrante de la loi »

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Ceci est une contribution d’Ousmane So, acteur de la société civile, au plaidoyer d’Alassane Bala Sakandé, président du Parlement, sur la question de la limitation des partis politiques au Burkina Faso.

Le 4 février 2021, à la faveur de la Déclaration de Politique Générale (DPG) du Premier ministre, Christophe Dabiré devant l’Assemblée nationale, le Président Alassane Bala Sakandé, par la formule d’un plaidoyer, a mis sur la place publique la récurrente question de la pléthore des partis politiques tout en prenant cause pour une limitation.

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Pour sa défense, le Président du Parlement a prononcé  l’argumentaire suivant : << J’ai vu sur le terrain, le nombre de partis politiques qui ont fait campagne. Ils ne dépassaient pas la trentaine, sur les 80. En faisant ça, on gaspille du papier, et on met en difficulté nos populations dans le choix des candidats. Ces partis gagnent du financement.

Donc, c’est trop facile pour quelqu’un de ne rien faire et à la veille de l’élection, on se porte candidat en sachant qu’on aura quelques subsides. (…) Ayons le courage de crever l’abcès et de poser le problème. Je sais que c’est sensible, mais je me jette à l’eau : je propose que le gouvernement puisse avoir un œil sur la question. Il faut travailler à la limitation des partis politiques, des candidatures fallacieuses aux élections législatives, municipales et présidentielles >>.

Cette sortie d’Alassane Bala Sakandé vient réconforter la frange de l’opinion pour laquelle le  grand nombre de formations politiques et les légèretés constatées dans la mise en œuvre de leurs missions sont un danger pour le raffermissement de notre démocratie en construction. La question sur la limitation des partis politiques étant ainsi soumis à l’appréciation de l’opinion, le « libre penseur » que je me réclame viens à travers une analyse concise apporter de la terre à terre au débat en gestation.

D’ores et déjà, il sied de rappeler que la création d’un parti politique au Burkina Faso est encadrée par des textes de lois contenus dans la constitution. En effet, le Titre 1 chapitre 2 de notre loi fondamentale intitulé Des droits et devoirs politiques précise à son article 13 : << les partis et les formations politiques se créent librement. Ils concourent à l’animation de la vie politique, à l’information et à l’éducation du peuple ainsi qu’à l’expression du suffrage. Ils mènent librement leurs activités dans le respect des lois.

Tous les partis ou  formations politiques sont égaux en droits et en devoirs. Toutefois ne sont pas autorisés les partis ou formations politiques tribalistes, régionalistes, confessionnels ou racistes >>. L’article 13 de la Constitution énonce clairement  les conditions de création et d’existence d’un parti ou d’une formation politique. Il va loin en précisant les cas dans lesquels les partis ou les formations politiques ne sont pas autorisés.

À parcourir cette loi, il n’a jamais été affirmé que la limitation des partis ou des formations politiques est autorisée. Mieux, il n’est pas aussi mentionné que la pléthore de partis ou de formations politiques n’est pas autorisée. La limitation des partis ou des formations politiques dans notre contexte constitutionnel actuel est une violation flagrante de la loi fondamentale burkinabè.

Le législateur par malice pourrait ruser avec la loi en intégrant des conditions surtout matérielles pour empêcher la création libre des partis et des formations politiques tel qu’inscrit dans la Constitution. Cette dynamique serait tout aussi une violation de la constitution à son Titre 1 Chapitre 1 (droits et devoirs civils), article premier qui stipule : << Tous les Burkinabé naissent libres et égaux en droits. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par
la présente Constitution.

Les discriminations de toutes sortes notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la religion, la couleur, le sexe, la langue, la caste, les opinions politiques, la fortune et la naissance, sont prohibées >>.  À notre sens, la pléthore de partis ou de formations politiques n’est pas le principal problème de notre démocratie.

Tout réside dans la capacité du citoyen à connaître la politique, à comprendre les enjeux politiques, à saisir les tenants et les aboutissants des orientations politiques et à se déterminer en mettant en avant l’intérêt supérieur du pays. En lieu et place de la limitation des partis ou des formations politiques, j’opte pour la formation de « citoyens techniquement compétents et politiquement conscients.

Le « techniquement compétent » devrait s’illustrer à travers un système éducatif de qualité permettant au peuple d’intégrer le marché de l’emploi avec une connaissance pointue de l’État et des fondements du pays. Le « politiquement conscient » devrait être la résultante de la formation politique administrée aux citoyens par les partis politiques  en  privilégiant  l’information vraie et une éducation politique conséquente au même titre que l’expression du suffrage.

Le citoyen  » techniquement compétent et politiquement conscient » aurait privilégié l’intérêt supérieur du pays plutôt que de mordre à l’hameçon de la fraude et la corruption électorale tendu par les partis politiques pendant le double scrutin présidentiel et législative du 22 novembre 2021 tel que révélé dans le rapport-observation du REN-LAC rendu public le 11 février 2021. Ce rapport égrène entre autres ces chiffres suivants sur la corruption électorale lors des élections du 22 novembre :

– Distributions d’argent : 43% ;

– Distributions de carburant : 16% ;

– Partage de tee-shirts : 14% ;

– Dons en nature : 14% ;

– Utilisation des biens de l’Etat : 5% ;

Comme illustré, la limitation des partis ou des formations politiques n’est pas uniquement la panacée pour assainir le milieu politique. La solution pourrait venir par contre de la prise de conscience des acteurs politiques pour l’intérêt supérieur du pays doublée d’une conscience politique élevée du peuple.

Ousmane SO

Président de la Convergence Citoyenne Panafricaine (CCP), Société Civile

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Un commentaire

  1. Bonjour et merci à Mr Ousmane Sow pour son analyse et sa position que je respecte mais ne partage pas. Je pense que celui qui a avancé l’idée est le premier Burkinabè en matière de vote des lois, donc il doit bien les connaître. Lui dire que sa proposition est une violation de ces lois sonne comme si Mr So veut apprendre au PAN ses responsabilités. Et en plus si la notion de révision des lois existe, c’est parce qu’on n’ignore pas qu’une loi peut être dépassée dans le temps. Mr So, il serait peut être utile que vous reconsidérez un peu cette notion de « prise de conscience des acteurs politiques pour l’intérêt supérieur de la nation » qui reste un voeux pieux de beaucoup de citoyens depuis que la politique surtout politicienne existe. Je l’ai déjà dit, l’augmentation sans arrêt des partis politiques ne fera pas du Burkina un pays plus démocratique que les autres mais peut être développer ce que nous prétendons rejeter. Un parti par famille un jour!!! Tout réside dans la manière. Les débats sont ouverts et soyons francs surtout.

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