TGI de Tenkodogo : A la barre pour exploitation illégale et pollution du barrage de Gourgou
A.K a comparu le 18 mai 2021 au Tribunal de Grande Instance de Tenkodogo. Il est poursuivi pour exercice illégal d’activité agricole et de pollution de l’eau, une première au Burkina Faso. Le délibéré du procès de celui qui a bravé l’interdiction d’exploitation des berges du barrage de Gourgou est prévu pour le 1er juin 2021. Hormis de possibles frais de dommages et intérêts, A.K risque une amende de 50.000 à 5 millions de F CFA et une peine d’emprisonnement comprise entre 11 jours et deux mois.
En matière de protection des ressources en eau, il s’agit de la première fois au Burkina Faso que des procédures judiciaires sont engagées contre un individu. Cette affirmation du Substitut du Procureur du Faso près le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Tenkodogo, Roland Oulon, démontre l’intérêt que comporte ce procès intenté contre A.K, 44 ans.
Ce dernier a comparu le 18 mai 2021 pour exercice illégal d’activité agricole et pollution de l’eau. Le prévenu, qui n’a jamais été décoré ni condamné, reconnaît les faits à lui reprochés, mais déclare ignorer la dangerosité de l’engrais chimique sur la santé.
« J’exploite des jardins dans les berges du barrage de Gourgou pour la production de tomates. Mais je ne savais pas que c’était interdit », avance-t-il à la barre, en langue Mooré. Pourtant seul à y pratiquer le maraichage, il est convaincu qu’il a déjà aperçu deux autres producteurs en train d’exploiter l’eau du barrage situé à près de 10 Km de la ville de Tenkodogo.
« On m’a donné deux semaines pour quitter les lieux »
« Si vous méconnaissez la toxicité de l’engrais chimique sur la santé humaine et animale, pourquoi vous n’en avez jamais consommé et pourquoi vous ne vous êtes pas renseigné sur ces produits ? », rétorque le Juge Sayouba Sankara qui préside l’audience. Ces questions qui semblent inattendues laissent A.K perplexe.
L’homme dit mener ce genre d’activité depuis une vingtaine d’années dans les berges de plusieurs barrages au Burkina Faso. Il avoue avoir déjà été interdit d’exercer ce métier dans les barrages de Ziga à Ziniaré et de Guiti à Ouahigouya.
Pour le cas du barrage de Gourgou, le prévenu a été interpellé quelques jours après le début de ses activités. « On m’a donné deux semaines pour quitter les lieux. Mais les tomates étaient déjà en phase de maturation. C’est pourquoi j’ai poursuivi mon activité », avance A.K pour qui travaillent 14 autres personnes sur les lieux.
Pour le Parquetier Abdoul Kader Diallo, l’homme à la barre risque une amende de 50.000 à 5 millions de F CFA et une peine d’emprisonnement comprise entre 11 jours et deux mois, conformément aux dispositions de la loi n°002-2001/AN portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau notamment en ses Articles 24, 37 et 54. « Le prévenu est bien au parfum de l’interdiction d’exploitation et la dangerosité de l’engrais chimique. Il s’est tout simplement entêté », martèle le ministère public.
Ensablement de l’eau et empoisonnement des poissons…
Le Directeur régional de l’eau et de l’assainissement du Centre-Est, Fidèle Koama, balaie du revers de la main une bonne partie des déclarations du producteur de tomates. « Nous l’avons auditionné à la Direction régionale de l’eau et de l’assainissement. Il a même reconnu qu’il a occupé certaines localités telles que le barrage de Ziga et le barrage de Guiti où il lui a été interdit de produire.
Donc, il était bel et bien informé que l’activité de production à l’intérieur des bandes de servitude était formellement interdite. Et malgré l’interpellation du Comité d’usagers d’eau (CUE) sur place, malgré l’interpellation au sein de la Direction régionale en charge de l’eau, il a persévéré dans ses activités qui contribuent à l’ensablement de l’eau et à l’empoisonnement des poissons. Pourtant, le seul désensablement d’un barrage coûte extrêmement cher », charge-t-il.
Selon l’évaluation des dommages suite à cette occupation illégale, le constat établi indique une exploitation agricole d’une superficie totale de 45.448 m² dans la cuvette du barrage ; l’ouverture de 39 rigoles d’irrigation dans la cuvette du barrage ; la réalisation de deux puits dans la cuvette du barrage ; l’utilisation d’engrais chimique et de produit phytosanitaire dans la cuvette du barrage ; et la réalisation d’une clôture en bois et cordes toujours dans la cuvette du barrage.
« Je demande pardon. Parce que je n’ai pas toute cette somme »
Le témoignage d’un proche collaborateur du prévenu n’a pu empêcher l’avocat du gouvernement de requérir une trentaine de millions de F CFA aux titres des dommages et intérêts. Le Parquet, quant à lui, l’espère coupable et condamné à deux millions de F CFA d’amende. « Je demande pardon. Parce que je n’ai pas toute cette somme », se résigne finalement A.K qui attend la sentence du Tribunal le 1er juin 2021.
« C’est parce que le prévenu continuait de mener ses activités que cela l’a conduit devant les autorités judiciaires. Et depuis lors, il continue de mener ses activités. Il y a toujours des plants de tomates. Il a une motopompe. Et il continue de récolter comme si de rien n’était. Nous pensons qu’avec les procédures judiciaires, la règlementation sera appliquée », s’est exprimé le Chef de service de la Police de l’eau de la région du Centre-Est, Albert R. Koumsongo, à l’issue de l’audience qui a duré deux heures.
Quant à Fidèle Koama, Directeur régional de l’eau et de l’assainissement du Centre-Est, il s’agit d’un procès qui sert de sensibilisation pour les autres occupants des berges et des bandes de servitude des barrages.
« Dorénavant, nous allons saisir la juridiction pour faire respecter la loi »
« C’est depuis 2017 que la Police de l’eau a été mise en place. Et les toutes premières années ont commencé par des activités de sensibilisation. Nous voyons que malgré les sensibilisations que nous menons sur le terrain, une partie de la population ne fait qu’outrepasser tout ce qu’on leur demande d’observer comme mesure.
Donc, nous sommes en train de passer maintenant à la phase supérieure pour vraiment appliquer la loi sur la réglementation en matière de gestion des ressources en eau. Nous sommes totalement engagés pour amener les gens à respecter et faire respecter la réglementation », a-t-il soutenu.
Compte tenu du constat sur le terrain en termes de difficultés de protection des ressources en eau, il a tenu à mettre en garde tout occupant anarchique et pollueur. « Dorénavant, toute personne qui va s’engager à entreprendre des actions qui vont à l’encontre de la loi, nous allons saisir la juridiction pour faire respecter la loi », a-t-il prévenu.
Noufou KINDO
Burkina 24
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