« Thomas Sankara savait qu’il allait mourir » (Moussa Diallo, témoin)
Le procès sur l’assassinat du capitaine Thomas Sankara et 12 autres personnes s’est poursuivi ce mardi 11 janvier 2022. Toujours avec la phase des témoignages, deux personnes ont témoigné par visioconférence compte tenu de leur position géographique.
Moussa Diallo colonel major, vivant en Europe a fait sa déposition par visioconférence. « Le 04 aout 1987, on était à Bobo avec le président Thomas Sankara, il a tenu un discours éloquent, j’ai tenu à le féliciter après. M. le président, de tous vos discours, celui-ci est le meilleur. Il m’a dit toi au moins tu as compris.
Ensuite, il m’a dit de m’asseoir on va échanger un peu. Dans nos échanges, il m’a dit qu’il est fatigué de prendre des décisions qu’il n’approuvait pas. Donc qu’il va leur léguer la gestion du pouvoir. Là, je lui ai dit. M. le président, ils veulent le pouvoir et vous dites que vous allez leur donner la gestion du pouvoir », a-t-il dit. En ces termes, il avance que Sankara a eu un dos très large, pour avoir à prendre des décisions qu’il n’approuverait pas.
Par ailleurs, Moussa Diallo soutient que Thomas Sankara savait qu’il allait mourir en ce sens qu’il a eu des avertissements venant de plusieurs personnes mais il est resté à ne rien faire. « Plusieurs personnes sont allées dire à Sankara de se méfier de son frère Blaise Compaoré. Sankara savait qu’il allait mourir dans cette affaire-là. Il m’a appelé une fois quand j’étais à Bobo, il m’a demandé si je me rappelais avec qui il était à table lors de leur diner à trois, j’ai répondu par oui. Il m’a dit que les deux autres sont morts, il m’a demandé par la suite à qui le prochain tour, je lui ai répondu que c’était lui. De ma conviction personnelle, le monsieur (Sankara) était prêt à mourir pour ses idéologies », narre-t-il.
A la suite de ces propos, le tribunal a ouvert la phase des questionnaires. Le parquet a donc saisi l’occasion pour l’interroger si le général Diendéré avait une responsabilité directe des faits sur l’assassinat du capitaine Thomas Sankara, au témoin de répondre en ces termes : « je le pense ». Le parquet poursuit en demandant ce qui le fait penser cela, s’il a des éléments matériellement vérifiables. « Les éléments matériels ne sont pas des pensées, vous me demandez une chose et son contraire », laisse entendre le témoin.
C’est au regard de ces dires que maitre Guy Hervé Kam, avocat de la partie civile va solliciter une confrontation avec le général Diendéré. Chose faite, Diendéré se présente à la barre pour donner des éléments d’éclaircissements.
« Le 15 octobre, étiez-vous au conseil et avez-vous eu à échanger avec Moussa Diallo ? » interroge l’avocat. Au général de répondre : « je ne me souviens pas avoir eu une communication ni avec Ganda, ni avec Diallo Moussa ». Maitre Guy Hervé Kam poursuit : « Soit vous avez communiqué avec lui soit vous ne l’avez pas fait puisqu’on parle du 15 octobre 1987 qui n’est pas un jour comme les autres ». A l’accusé de répliquer : « je vous ai dit que je ne me souviens pas, et je ne crois pas ».
Ces différentes contradictions ont conduit le témoin à faire la requête suivante. « Si Diendéré ne se souvient pas, la meilleure manière c’est d’écouter le troisième qui est Moussa Ganda, résidant au Niger ». Pour terminer, le témoin a renseigné qu’il n’était ni témoin oculaire, ni témoin auditif, puisqu’il n’était pas au conseil au moment des faits.
Après son audition, c’est le dernier témoin Stephen Smith qui occupe les différents écrans installés pour rendre fluide la visioconférence. Journaliste correspondant de RFI et résidant à Abidjan à l’époque, il a laissé entendre qu’il était très proche des dirigeants burkinabè puisqu’il était fréquent dans le pays.
De son constat, les deux hommes en l’occurrence Sankara et Blaise « ne mangeaient plus sur la même table », car même lors de ses rendez-vous avec le président Sankara, il ne le voyait plus en compagnie de son ami Blaise.
Aussi ami au président Sankara, Stephen Smith a fait savoir qu’il a reçu un coup de fil du président Sankara deux jours avant les évènements du 15 octobre qui lui a fait la confidence que les choses se dégradaient entre lui et Blaise, c’est donc deux jours après ce coup de fil qui était certainement le dernier, qu’il apprend la mort du père de la révolution.
L’audience se poursuit demain 12 janvier 2022.
Sié Frédéric KAMBOU
Burkina 24
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