Tribune : « Le coup d’Etat et après ? » (Martin Alira)

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Le Burkina Faso vient d’enregistrer son énième coup d’Etat en l’espace de soixante et un an d’existence. Sur les 10 chefs d’Etats que le pays a connus (de Maurice Yaméogo à Paul-Henri Damiba), un seul d’entre eux est en réalité, parvenu directement au pouvoir par des élections. Il s’agit de Roch Kaboré déchu il y a quelques jours.

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S’il est de coutume de condamner les coups de force classés dans la catégorie des actes anti-démocratiques, force est pour nous de constater que la « démocratie ne réussit pas au Burkina Faso ». Ou plutôt, le Burkina Faso pratique-t-il une démocratie à son image, répondant aux aspirations de son peuple ?

Ce constat nous amène à aborder la question de notre Constitution. La mère des lois, dont la première adoptée en 1960 a été successivement relue, suspendue, réinventée, remodelée pour aboutir à celle de juin 1991. C’est cette dernière qui aura finalement survécu une trentaine d’années environ dans ses grands traits : celle de la quatrième République.

En rappel, cette loi fondamentale dit que le Burkina Faso est une république (pays dirigé par des représentants du peuple élus démocratiquement) avec trois (3) pouvoirs séparés (l’exécutif, le législatif et le judiciaire). Aussi, le territoire est organisé en collectivités territoriales et la loi organise la participation des populations à la libre administration des collectivités territoriales (communes et régions).

Le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration qui vient de suspendre la Constitution devra très vite décider du régime dans lequel le Burkina Faso devra continuer d’exister. Le coup d’Etat n’étant pas reconnu par la Constitution du Burkina Faso, l’adage qui dit que « la force reste à la loi » vient d’être bousculé. On constate depuis quelques jours que c’est « la loi qui reste à la force ».

Avant de nous jeter dans des propositions, nous partageons le constat de Newton Ahmed Barry qui dans une tribune récente avertissait : Et si le problème n’était pas les Présidents ? Ne faut-il pas interroger notre système de gouvernance, nous interroger profondément sur l’identité de notre nation et sur nos réelles aspirations, notamment celles de la majorité muette ?

La démocratie telle que nous l’avons inventée a fait certes ses preuves. Mais elle ne survit pas aux crises profondes (crises politiques, crises sécuritaires, conflits communautaires, crises syndicales, paupérisation de la population, etc.). Le système politique échoue, il nous semble, à sécréter les élites qu’il faut et les mécanismes qu’il faut pour surmonter nos défis et nos contradictions.

Le système démocratique actuel est le terreau de sa propre fragilité. Il est bâti sur le principe de la corruption. Nul ne peut accéder au pouvoir au Burkina Faso s’il n’est riche ou militaire. Telle est notre réalité. La vitesse de l’ascension des hommes et des femmes dans la sphère politique et administrative est souvent proportionnelle à la compétence qu’ont ces derniers à  capter les ressources publics et à l’efficacité avec laquelle ils redistribuent une infime part de ces biens bien mal acquis à une population maintenue dans la pauvreté et la précarité.

Voici dans les lignes qui suivent quelques propositions versées dans le débat national pour orienter la Sauvegarde et la Restauration du Burkina

  • Au titre de la Sauvegarde :

Maintenir le principe du dialogue et de la concertation dans toutes les décisions touchant à l’intérêt supérieur de la Nation. Cela suppose la mise en place de cadres de concertation larges, inclusives.

De la question des institutions de la république : l’expérience de la Transition de 2014 a permis d’aboutir, dans un délai relativement raisonnable, à un retour à un ordre conforme à la Constitution. Cependant, la pertinence d’un Conseil National de la Transition, équivalent d’une assemblée nationale peut être questionnée. On a pu observer au cours de la transition précédente, la politisation de ce CNT et l’influence de l’exécutif sur celui-ci par des voies décriées.

L’idée d’une charte de la transition s’invite donc. Sa rédaction devra se faire avec les forces vives de notre nation avec pour vision de sauvegarder les fondements de notre vivre-ensemble (Etat de droit, indépendance de la justice, intégrité territoriale, libertés fondamentales, etc.).

Sauvegarder les acquis du régime déchu : l’Etat est une continuité, et on n’arrête pas un moteur diesel comme on arrête un vélomoteur essence. Il y avait du bon chez Roch à prendre. Il faudra regarder froidement les choses qui marchaient sous le régime Kaboré.

Le format du gouvernement resserré en est un exemple. Sur le plan du développement, le deuxième Plan National de Développement Economique et Social a été le fruit d’un long travail de techniciens et de moults interactions entre l’Etat et les partenaires techniques et financiers du Burkina Faso.

Plusieurs projets et programmes sont en cours ou en négociation. Il faudra à ce niveau agir avec discernement et non chercher à réinventer une roue qui existe ou s’aventurer vers un programme d’urgence de la Transition…

  • Au titre de la restauration

Il faudra coute que coute rétablir l’intégrité du territoire. C’est ce que le régime déchu peinait à faire. En changeant surtout de logiciel, en osant inventer. La guerre telle que l’avons faite jusqu’à présent n’a pas donné les résultats escomptés. Nous nous risquons à dire que même si tout le budget de l’Etat y était consacré, cette guerre ne finirait pas de sitôt.

Il faudra restaurer l’intégrité morale au Burkina Faso en donnant l’exemple. Le pouvoir est un piège.

Il faudra coute que coute restaurer la paix entre voisins, entre familles, entre communautés, poser les bases du dialogue et de la cohésion nationale qui sont les gages d’un retour à un Burkina Faso où il fait bon vivre. Notre pays a des plaies que nous soignons par des bandages sans oser  les nettoyer aux désinfectants.

Dieu bénisse le Burkina Faso !

Martin Alira

[email protected] 

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