Ici Au Faso : Karim Bandaogo, le « vagabond de la charité »
Au Burkina Faso, le phénomène des enfants en rupture familiale s’est accentué ces derniers temps, surtout avec la dégradation de la situation sécuritaire. La plupart de ces enfants ont un âge qui varie entre 5 et 15 ans. Abandonnés à leur propre sort, ils prennent d’assaut les rues de plusieurs artères de la capitale et même certaines grandes villes du pays, et font de la mendicité pour survivre. Au-delà du soutien passager que leur apportent certaines personnes, il y a d’autres bonnes volontés qui décident de les retirer de la rue. C’est le cas avec Karim Bandaogo, jeune burkinabè, qui, par générosité, donne à manger à certains de ces enfants et leur propose un petit fonds pour démarrer une activité afin d’arrêter de mendier.
Karim Bandaogo alias « le Vagabond de la Charité », est un ancien footballeur qui a évolué avec l’équipe nationale junior du Burkina. Il a été rapidement contraint de mettre fin à son rêve de taper dans le ballon rond à cause d’une maladie qui lui a valu une intervention chirurgicale.
Aujourd’hui, il gagne sa vie en travaillant dans un restaurant de la place comme superviseur et en faisant un peu de cinéma.
Sa particularité, c’est son altruisme envers les personnes en difficulté en l’occurrence les enfants de la rue et les vieilles personnes vivant dans la précarité. Le vagabond de la charité a confié qu’il a lui-même été enfant de la rue dans le passé, raison pour laquelle il ne reste pas insensible à la vulnérabilité de ces enfants.
Ce dernier avoue aussi avoir été inspiré par un Ivoirien nommé Hassan Hayek qui fait aussi dans le social en Côte d’Ivoire. Il ajoute qu’ils sont donc en partenariat et interviennent l’un pour l’autre lorsque le besoin se fait sentir.
Que faire alors pour les enfants en situation de rue ? Telle est la question qu’il s’est posé à la vue de ses moyens financiers très limités. Pour lui, une personne n’a pas besoin d’avoir beaucoup d’argent pour aider son prochain. Alors commence son aventure de vagabond de la charité au Burkina Faso avec des campagnes de sensibilisation et d’aide au profit des enfants de la rue.
« J’ai fait un peu la rue donc je connais un peu tout ce qui y est rattaché. Je me suis demandé ce que je peux faire pour mon pays en aidant ces mamans et ces enfants qui sont dans les rues. J’ai commencé, ce n’est pas facile mais je le fais avec amour.
Aujourd’hui mon objectif c’est comment arriver à enlever ses enfants de la rue, les amener peut-être à avoir du boulot. Je ne donne pas seulement qu’à manger. Le problème c’est qu’on ne peut pas aller parler à quelqu’un qui a le ventre vide. J’essaye de discuter avec eux pour voir ce que je peux faire », explique-t-il.
Karim révèle qu’il a une manière bien à lui d’approcher les enfants de la rue après le repas communautaire pour passer son message, d’autant plus que ces enfants ont, pour la plupart du temps, du mal à parler et se confier. Son action ne s’arrête pas seulement au don de la nourriture. Il va au-delà en essayant de leur trouver un petit travail et les convaincre de retourner chez eux lorsqu’ils ont une famille.
« Avec les enfants, j’essaye de discuter. Je leur fais comprendre que j’étais comme eux mais j’ai refusé de rester là. La rue n’est pas faite pour y rester. Il y a un temps pour se lever et se battre. La rue c’est la rue ! Il n’y a pas d’éducation. Les enfants font des bêtises car ils sont seuls mais lorsqu’ils me voient ils arrêtent tout.
C’est la preuve que mes efforts ne sont pas vains. Les gens sont parfois étonnés du fait que ces enfants acceptent se confier à moi. J’ai ramené des enfants de rue chez eux à la maison. Pour que ces enfants restent à la maison, il faut leur trouver un petit boulot et les suivre. Quand tu vas dans certaines familles et tu vois les conditions, tu comprends directement pourquoi ces enfants sont dans les rues », confie-t-il, l’air calme. Le vagabond de la charité a sa manière propre et passe par des étapes pour atteindre ses objectifs.
« Je demande d’abord à l’enfant ce qu’il veut ou sait faire en lui précisant que je n’ai pas les moyens. Ils disent qu’ils veulent faire des petits commerces, etc. Je leur achète alors des assiettes ou du lotus et je leur dis de commencer avec. Cela me permet aussi de savoir si l’enfant a vraiment envie de travailler. Ce sont leurs parents qui me font le retour en disant que l’enfant fait des efforts ».
Les actions posées par Karim Bandaogo sont perceptibles auprès des enfants de la rue. En effet, lorsque notre équipe de reportage a eu à montrer la photo du « vagabond de la charité » à certains enfants, ils l’ont tous reconnu en disant que c’est leur grand frère. Ils sont contents des efforts que Karim consent envers eux et ils lui en sont très reconnaissants. Ils invitent par ailleurs ceux qui peuvent de les aider à sortir de cette situation.
A propos des moyens, Karim laisse entendre que ce combat est le sien et rien ne pourra l’arrêter même le manque de moyens car c’est sa volonté d’aider. Il a aussi ajouté qu’il bénéficie par moment de l’accompagnement de certaines bonnes volontés.
« Moi je veux dire à cette jeunesse là qu’avec le peu qu’on a, on peut faire quelque chose. On n’a pas besoin d’avoir des millions pour aider quelqu’un. Donner à quelqu’un c’est un don. Je n’ai pas de banque derrière. C’est avec le peu que je gagne que je le fais. Je travaille dans un restaurant et il y a des tontons qui donnent des pourboires quelques fois et grâce à ça, nous arrivons à payer.
Mes sorties, je ne les fais pas en un coup. Je peux programmer pour une semaine, je peux programmer pour un mois. C’est-à-dire que j’achète le nécessaire tout doucement et je dépose. Au début je peux dire que c’était très difficile mais aujourd’hui il y a certaines personnes qui ont compris.
Il y a des tontons et des mamans qui disent : « mon petit, viens prendre ça, viens prendre un sac de riz, viens prendre des oignons »… » a-t-il détaillé.
« Franchement aller vers des gens pour demander je ne suis pas encore à là. Moi je préfère rester dans ma coquille et faire avec le peu que j’ai et avec les gens qui m’accompagnent. Je me dis que si c’est un combat noble, Dieu fera le reste », ajoute-il plus loin.
Karim Bandaogo rêve grand pour son pays, le pays des Hommes intègres. Il connait très bien ses rêves et compte se battre pour y parvenir. Néanmoins, il reconnait qu’il n’est pas à mesure d’y parvenir tout seul. Pour cette raison, le « vagabond de la charité » demande à tout un chacun de poursuivre le combat où qu’il soit. Si plusieurs actions sont menées simultanément, il est certain que les résultats seront perceptibles.
« J’invite tous ceux qui ont envie de se lancer dans cette action, qu’ils se lancent. Ceux qui veulent s’ajouter à moi, qu’ils viennent. Je suis ouvert. Allons ensemble, ensemble on va plus loin et ensemble on peut le faire. Mon rêve, c’est d’avoir Zéro enfant de rue au Burkina Faso. Je veux avoir un centre de formation où il y plusieurs métiers en même temps pour ces enfants, où ils apprendront beaucoup. Même si cela ne viendra pas forcément de moi », dit-il avec une lueur d’espoir.
Karim Bandaogo intervient dans plusieurs localités du Burkina, en plus de Ouagadougou. Il est régulier dans les villes de Kaya, Dori, Bobo-Dioulasso, Koudougou, dans les orphelinats et même au niveau de l’action sociale. Il explique que dans certaines villes comme Bobo-Dioulasso, des jeunes ont pris le relai en menant des activités sans sa présence.
Même si ses actions sont beaucoup appréciées par les populations, de nombreuses personnes, dit-il, lui envoie des messages pour le dissuader de continuer. Il soutient qu’il ne se laisserait jamais influencer.
Notons, que dans cette période de jeûne et de pénitence, le vagabond de la charité a entamé une caravane de rupture de jeûne collective durant laquelle il sillonne les marchés et yaars en distribuant des vivres aux femmes nécessiteuses qui s’y trouvent. Ce dimanche 17 avril 2022, le jeune généreux compte donner à manger aux enfants de la rue pour la fête de Pâques…
Flora KARAMBIRI et Aminata Catherine SANOU
Burkina 24
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