FESPACO 2025 : Entre deuil et espoir, le cinéma africain célèbre sa résilience

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La 29e édition du FESPACO s’est ouverte sous le choc de la disparition de Souleymane Cissé, figure emblématique du cinéma africain. Malgré le deuil, la ferveur et l’espoir ont rythmé les premiers jours de cette biennale, qui célèbre la richesse et la diversité du 7e art africain. Gaston Kaboré, cinéaste, Étalon d’or de Yennenga 1997, salue la longévité du festival et son rôle essentiel dans la promotion du cinéma africain. Il encourage la jeune génération de cinéastes à trouver ses propres chemins et à faire vibrer l’Afrique à travers leurs films. Entretien ! 

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Burkina 24 : Quel sentiment vous anime en participant à cette édition du FESPACO ?

Gaston Kaboré : Moi je suis heureux qu’on en soit à la 56ème année de ce festival. C’est ça qui me paraît important, c’est sa longévité, c’est le fait que les gens continuent à venir avec ferveur. Qu’à la fois les professionnels soient là, mais que le public aussi soit toujours dans la volonté d’accompagner l’aventure du cinéma de ce continent.

Un cinéma qui déborde largement des frontières du continent parce qu’il est de plus en plus vu à l’extérieur et beaucoup de départements par exemple d’études cinématographiques dans des universités américaines ont maintenant des pôles d’études du cinéma africain.

Tout cela contribue à l’élargissement de notre base et c’est de cette manière qu’il y aura un retour de la réflexion sur le cinéma africain qui peut aussi irradier de l’énergie, de la force et plus de convictions et d’idéaux aux cinéastes africains.

Burkina 24 : Quel regard portez-vous sur le thème de cette édition ?

Gaston Kaboré :  Le thème du festival, ce n’est pas pour indiquer que les films doivent porter sur ce thème. Mais c’est simplement pour dire que le festival est là aussi pour rappeler qu’il y a des terrains de réflexion qui doivent être explorés. Et dans ce sens-là, c’est important qu’on puisse avoir des thèmes de ce type-là.

Mais ce n’est pas une injonction pour faire des films de telle ou telle facture ou de tel ou tel contenu, mais, c’est simplement mettre en arrière-plan certaines préoccupations de connexion et d’intérêt, de destin entre le cinéma africain et la vie de nos peuples et de notre continent.

Burkina 24 : Comment est-ce que vous percevez l’évolution du cinéma africain ?

Gaston Kaboré : Je pense que chaque époque parvient à trouver les réponses aux questions du moment. Et ça ne se fait pas à une seule fois, c’est au travers de tous les films qui se font. Peut-être c’est à l’intérieur d’une période de dix années, on va voir émerger de nouveaux auteurs avec des talents, des préoccupations différentes. Et bien sûr, comme vous voyez, il y a très peu de cinéastes sur le continent qui font des dizaines de films.

Ailleurs, ça se rencontre. Parce que la production n’est pas facile. Je me dis qu’on assiste à l’arrivée de vagues de cinéastes qui expriment des choses, on entend des sonorités, on voit des vibrations nouvelles, etc. Et ce qu’il faut souhaiter, c’est que ces gens qui sont à leur premier film ou deuxième film puissent avoir la chance de continuer. Parce que c’est en faisant beaucoup de films qu’on se fortifie dans sa façon de voir, de regarder et de mettre en scène.

Burkina 24 : Quels sont les défis majeurs que vous avez rencontrés ?

Gaston Kaboré : Les défis n’ont jamais changé réellement. Ce sont les réponses qu’on peut y apporter qui peuvent induire des avancées nouvelles. Donc aujourd’hui, le numérique est venu apporter plus d’accessibilité à la création. Mais il faut qu’on fasse attention. Parce que si c’est facile de tourner un film grâce au numérique, le travail de conceptualisation que ça demande et tout, demeure le même.

Donc il ne faut pas se précipiter pour faire des films sans avoir réfléchi à son sujet, à la manière dont on va cadrer, dont on va monter depuis l’écriture du scénario. Il y a énormément de travail à faire. Donc le défi, c’est un défi pour aller vers la qualité. Puisque l’accès à la création aujourd’hui, à la production, elle est plus facile qu’avant.

Mais comment concevoir les films que nous faisons, ça demeure un défi créatif, toujours permanent. Donc je pense qu’il faut que les cinéastes, jeunes comme non-jeunes, comprennent qu’il n’y a rien de plus que le travail, que l’exigence, la discipline. Et c’est le respect du public, qui peut amener à faire des œuvres qui ne seront pas parfaites, certes, mais qui auront une certaine teneur, une certaine densité, une certaine consistance au point d’intéresser les journalistes, les critiques, le public, etc.

Burkina 24 : Comment vous voyez le rôle du FESPACO dans la promotion du cinéma africain à l’échelle internationale ?

Gaston Kaboré : Regardez ce qui se passe autour de vous. Remarquez toutes les presses, les pays, les films qui sont montrés. Donc, c’est un rôle de vitrine du cinéma africain. Le festival est une presse d’amplification de l’écho du cinéma africain. Il y aura toujours plus à faire, bien entendu. Mais déjà là, je trouve que c’est quelque chose qui est réellement à prendre en considération.

Le festival de Ouagadougou a contribué beaucoup à essayer d’amener vers une résolution, vers une capacité d’affronter ces défis avec la chance d’obtenir des résultats positifs. Donc, je pense que c’est un festival qui accomplit complètement son rôle et même que souvent, on a le sentiment que les cinéastes africains demandent au festival de remplacer ce qui n’existe pas dans chacun des pays.

Être à la fois un lieu de rencontre, mais aussi à la limite d’aider à résoudre le problème de distribution, de production, de création. Vous imaginez tous les masters class qui se donnent. Là, actuellement, il y a un master class donné par Aziz Diallo qui est un ancien élève de l’école de cinéma à Ouagadougou qui vient distribuer ce qu’il sait déjà.

Il vient partager. Ça, c’est le festival qui permet ça. Donc, je pense que c’est des choses, ça paraît naturel, normal aujourd’hui, mais en réalité, ça ne l’est pas tout à fait. Et il faut se féliciter que le festival soit capable de le faire.

Burkina 24 : Quel message adressez-vous à la génération actuelle de cinéastes africains ? 

Gaston Kaboré : La génération actuelle trouvera ses propres chemins pour arriver à faire des films qui les représentent. Des films dans lesquels ils investissent leur désir d’Afrique, leur envie de contribuer à l’éclosion d’une expression cinématographique forte et comprenant toutes les qualités culturelles de l’Afrique à travers sa musique, à travers ses récits, à travers ses couleurs, ses rythmes, etc. Il faut que chaque film fasse vibrer, selon des notes particulières, l’Afrique.

Burkina 24 : Comment vous avez accueilli le décès de Souleymane Cissé ?

Gaston Kaboré : J’avoue que j’étais complètement assommé. Parce que je n’ai jamais appris qu’il était malade et je savais qu’il devait être président du jury et qu’il était à un jour de son voyage au Burkina. Il y a deux ans, nous avions passé beaucoup de temps ensemble, on a fait même un master class ensemble. Je me suis dit, mais ce n’est pas possible, il a fallu que j’appelle un membre de sa famille, sa fille, Fatou, qui m’a dit, tonton, c’est vrai, il n’est plus.

Et à chaque fois je me disais, mais ce n’est pas possible. En plus, pour ceux qui connaissent Souleymane Cissé, c’est quelqu’un qui avait énormément d’énergie et on avait le sentiment qu’il vivrait encore 10, 15 ans, 20 ans. Apprendre qu’il est parti comme ça, soudainement il y a un sentiment d’impuissance et de gâchis pour tout ce qu’il pouvait encore apporter par ses films, par ses témoignages, par son charisme.

Il n’était pas seulement un réalisateur malien, il était un réalisateur du cinéma mondial tout court. Africain bien sûr, parce qu’on a toujours plein d’appartenances, l’appartenance malinké, peut-être, puis malienne, puis africaine et l’appartenance par rapport à la création du cinéma dans le monde. Et c’est un homme de cette stature que nous avons perdu, malheureusement.

A lire aussi⇒ Décès du Malien Souleymane Cissé : « Je perds la personne qui a tracé mon chemin dans le cinéma » (Dani Kouyaté)

Mais il faut accepter que la seule chose dont nous soyons certains quand nous naissons, c’est que nous mourrons. On l’oublie parfois, ce n’est même pas pour soi seulement, mais on l’oublie pour les gens qu’on aime, qu’on respecte, qu’on affectionne. Mais on a le sentiment que Souleymane Cissé ne devait pas partir.

Mais nous sommes tous des croyants, il faut respecter ce que Dieu décide. Et quand j’ai parlé à sa fille, le calme avec lequel elle m’a répondu, en définitive, c’est en y repensant que je me suis dit que c’est elle qui m’a donné la force d’accepter à mon tour quelque part.

Akim KY

Burkina 24

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