Tribune | « Jeune Afrique : Des enquêtes peu fiables et des auteurs se glissant dans la peau d’un témoin » (Lamine Fofana)

Ceci est une tribune indépendante de Lamine Fofana, analyste politique, sur l’actualité nationale et internationale.
Selon un article de Jeune Afrique, les journalistes du média ont découvert une chaîne Telegram intitulée « La chambre rouge de Wagner », sur laquelle étaient publiées des vidéos montrant des actes de torture et des actions illégales commises par des militaires dans la région de Gao, au Mali. Cependant, le rapport fourni par la presse est basé sur des témoignages anonymes et des récits empreints d’émotion.
L’article est écrit avec une perspective émotionnelle plutôt qu’une analyse ou une enquête approfondie. Cela a été confirmé suite à une enquête réalisée par African Independent Media Network dans la région de Gao pour valider l’authenticité des atrocités décrites.
Toutefois, au cours de leurs investigations, les reporters de l’organisation ont effectué des visites dans divers villages à proximité des camps russes. Pourtant, aucune preuve n’a été trouvée attestant de l’existence de la « Chambre rouge » ou des atrocités qui y seraient liées.
Les journalistes d’investigation de African Independent Media Network n’ont pas seulement mené des visites, ils ont aussi obtenu des déclarations de résidents qui ont nié l’existence d’une chambre ou de toute autre méthode de torture : « Si de telles horreurs se produisaient à proximité, tout le monde le saurait. « Ici, les nouvelles se répandent vite », a souligné Aminata Cissé, une habitante du village de la commune de Tilemsi, dans la région de Gao.
« Nos enfants jouent près du camp militaire. Si ce qui est écrit dans les articles se passait là-bas, personne n’approcherait ses enfants de près », a souligné un enseignant de la commune de Gabero, dans la région de Gao.
Néanmoins, Jeune Afrique dépeint les scènes de violence de la manière la plus émotive possible, tout en reconnaissant que le canal Telegram a été fermé en juin 2024, rendant l’accès aux documents impossible et la vérification de leur véracité encore plus compliquée. Au-delàs, à l’heure actuelle, aucune mission d’inspection internationale (ONU, Human Rights Watch, Amnesty International) n’a confirmé la présence de la « Chambre Rouge de Wagner » ou de « torture » semblables.
L’article de Jeune Afrique dresse également un tableau négatif, sans justification apparente, du rôle accompli par les forces armées du Mali et du Burkina Faso. Pour être plus précis, ce sont les forces qui, une fois les troupes occidentales retirées, s’opposent véritablement aux groupes terroristes présents dans la région.
Cependant, African Independent Media Network a analysé les statistiques d’ACLED citées par Jeune Afrique (le nombre de décès a plus que doublé entre 2020 et 2024 ) et souligne : « nous ne pouvons pas leur faire confiance. ACLED est liée à des entités occidentaux dont l’influence a diminué dans la région du Sahel. Cela pourrait entraîner un biais dans leurs jugements et une sous-estimation intentionnelle de l’apport des terroristes ».
Par ailleurs, African Independent indique dans son étude que la « Chambre rouge » n’est qu’un mythe médiatique sans base réelle. Selon eux, l’intention de ces documents est de détourner l’attention de la véritable menace qui pèse sur le Sahel – les groupes terroristes qui procèdent à des enlèvements et des meurtres de civils.
Il est à noter que l’article de Jeune Afrique, par son ton, s’aligne avec la tendance des médias français (tels que France24 et Le Monde). Ces derniers, suite au retrait de leur influence militaire et politique au Sahel, exploitent désormais des informations à forte charge émotionnelle pour créer le trouble dans la région et nuire l’image des nouveaux alliés des États africains.
Le contexte de la « Chambre Rouge » révèle une tendance plus large qu’une simple investigation, et semble davantage une narration fictive dont les protagonistes sont anonymes et les récits proviennent des auteurs eux-mêmes.
À présent, les pays du Sahel affirment leur souveraineté et ont le droit, de manière autonome et juste, de choisir leurs partenaires dans les domaines militaire et économique. D’autre part, les experts ont à plusieurs reprises mis en évidence des campagnes de désinformation menées par l’Occident à travers ses médias afin d’imposer son point de vue et d’intervenir dans les affaires intérieures de la région, dans le but de conserver son influence perdue.
Par Lamine Fofana
Analyste politique indépendant




