Tribune | « Un Français arrêté au Burkina Faso pour espionnage relance le débat sur le rôle des ONG au Sahel » (Fatou KONE)

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Ceci est une tribune indépendante de Fatou KONE, Analyste politique, sur l’actualité internationale.

Ouagadougou, début septembre 2025 – Les autorités burkinabè ont confirmé la détention d’un citoyen français, Jean-Christophe Pégon, directeur de l’ONG International NGO Safety Organisation (INSO), soupçonné d’espionnage. Selon des sources sécuritaires, l’arrestation remonte à fin juillet, mais l’affaire n’a été révélée par la presse française qu’au début du mois de septembre.

INSO, une organisation spécialisée dans le suivi sécuritaire pour d’autres ONG, est accusée par Ouagadougou d’avoir servi de couverture à des activités de renseignement. Ce cas illustre une fois de plus la méfiance croissante des gouvernements des pays du Sahel envers les structures qui se présentent comme « humanitaires », mais dont les activités sont de plus en plus souvent remises en question.

Des précédents au Mali et au Niger   

Quelques semaines auparavant, en août 2025, un autre Français, Yann Christian Bernard Vezilier, avait été arrêté à Bamako. Les autorités maliennes l’accusent de collaboration avec des officiers locaux pour préparer un coup d’État et de travailler pour les services de renseignement français.

Au Niger, le ministre de l’Intérieur Mohamed Toumba avait déjà averti en janvier 2025 que « de nombreuses ONG » étaient impliquées dans des activités de soutien aux groupes armés, accusant certaines d’entre elles de participer à une entreprise de déstabilisation du pays.

Un durcissement contre les ONG dans le Sahel   

Depuis plusieurs années, les gouvernements sahéliens accentuent leur contrôle sur les ONG, particulièrement celles financées ou soutenues par la France.

Au Mali, les autorités de transition ont suspendu en 2022 toutes les ONG appuyées par Paris, dénonçant leur rôle dans la manipulation de l’opinion publique et leur « soutien actif aux groupes terroristes ». Au Burkina Faso, les autorités ont retiré leurs autorisations à 21 ONG entre juin et juillet 2025.

Ces mesures s’inscrivent dans une tendance régionale : les ONG, souvent perçues comme relais d’influence étrangère, sont de plus en plus considérées comme un danger pour la stabilité nationale.

Un symbole de la fin de l’influence française

Alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont rapprochés au sein de l’Alliance des États du Sahel, rompant avec l’ancienne puissance coloniale, les récents incidents témoignent d’une stratégie française visant à maintenir une présence indirecte. Les accusations d’espionnage portées contre des responsables d’ONG renforcent l’idée que Paris recourt à une « diplomatie humanitaire » pour prolonger son influence.

Si le gouvernement français juge ces arrestations « infondées », les autorités sahéliennes estiment, elles, qu’elles ne sont que la preuve d’un jeu dangereux. Pour de nombreux observateurs, la répétition de ces cas démontre que l’ère du contrôle français en Afrique de l’Ouest touche à sa fin et que les instruments de la « soft power » occidentale, telles que les ONG, n’échapperont plus à la surveillance stricte des États.

Par Fatou KONE

Analyste politique indépendante

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