Afrique: mythes, traditions et croyances … et développement
En Afrique, les croyances mysthiques sont vivaces et rythment le quotidien des populations. Aperçu.
‘ ‘En plus, je le savais’’ dit SIEMBOU en tâtant à la hâte le pneu de sa moto qui avait crevé… ‘ ‘C’est toujours mauvais signe de croiser un peulh sur son chemin le matin de bonne heure…c’est chaque fois l’annonce d’une journée pénible ou ratée’’ s’empresse t’il d’ajouter. Or, ce matin sur la route de Yé ne l’avait-il pas justement croisé ce petit ‘‘rouquin africain’’ ?…SIEMBOU devient tout d’un coup pâle. Il reste persuadé qu’il n’est qu’au début de ses peines. Il pense à tous les malheurs qu’il rencontrera tout au long de la journée. Mais pourquoi bon sang se morfondre quand on sait qu’ici dans ‘ ‘l’Afrique des villages’’, une noix de kola sur une termitière ou simplement une pièce d’argent à un pauvre mendiant; avec la récitation : ‘ ‘ que tous mes malheurs suivent cette pièce’’; simplement ça et vous êtes épargnés des accidents, des maladies, de la mort et tous les mauvais sorts qui vous guettaient tout au long de la journée.
Difficile à croire dira-t-on. Mais c’est l’Homme qui est sourd, aveugle et impénétrable sinon la nature semble lui indiquer la voie à suivre :
‘‘Écoutes souvent dans le silence de la nuit, les martyrs africains, chanter, raconter le bonheur de leur jeunesse; leurs convictions ébranlées.
Écoutes plus souvent le bruit nocturne des feuillages, ils parlent et ils racontent les danses de DJENE et du FOUTA; les danses de nos ancêtres’’…
L’échec de nombre de projets au Burkina demeure simplement dans la non considération des traditions et cultures des riverains. On a construit par exemple des latrines à Fada que les gens n’utilisaient pas et des Centres de santé maternelle et infantile mais nos mamans ont toujours continué de donner la vie à la maison. Si donc les sociologues et certains penseurs ont défini le développement sous l’angle participatif; en tenant compte des dimensions culturelles et des considérations religieuses, doit-on toujours convenir que la richesse culturelle de l’Afrique reste un des freins à son éclosion? Comment le vieux continent peut-il se hisser en ‘ ‘puisant dans l’imaginaire africain que nous ont légué nos ancêtres’’?
Autant d’interrogations que nous poserons pour mieux cerner le sujet; mais au préalable nous tenterons d’identifier quelques traits et attitudes culturels au Burkina Faso.
ETAT DES LIEUX
Le Burkina Faso est riche de sa diversité ethnique…la parenté à plaisanterie vient embellir ce peuple, défavorisé tant par le climat que le relief. Même si les burkinabé sont réputés battants et fiers, ils doivent toutefois compter sur les ancêtres. Le succès n’est jamais une source d’émancipation personnelle. Le jeune diplômé en Afrique doit généralement sa réussite au recours des féticheurs qui l’aident et le protègent contre les jaloux. Le paysan, avant toute activité aux champs doit toujours multiplier ses visites chez le marabout qui lui délivre des mauvais sorts, lui donne l’assurance de la pluviométrie et les prescriptions nécessaires…le commerçant y va pour fleurir son entreprise et le fonctionnaire y retrouve sa promotion. Nul ne peut se fier uniquement à soi. Tout repose sur le féticheur et sur DIEU. ‘ ‘ La santé, c’est Dieu qui donne, le travail aussi’’. Le chômeur ne voit jamais un échec individuel dans sa situation mais plutôt un échec social. Il ne dit jamais : ‘ ‘ les autres ont du travail et moi pas’’ mais plutôt : ‘ ‘c’est parce qu’il n’y a pas suffisamment d’emplois que je ne suis pas employé. L’État devrait donc créer plus d’opportunités d’emplois’’.
Mais si la parenté à plaisanterie permet au Mossi de se sentir à l’aise chez le Samo et aux Yadsés de dire droit dans les yeux la vérité aux gourmantchés, elle ne permet toutefois pas aux uns d’entreprendre chez les autres. Il existe des mythes dans certaines régions stipulant que le succès de toute initiative repose uniquement sur les bras des fils de la région. On voit tantôt des infrastructures inachevées dans la ville de Koudougou, des entreprises solidement construites qui tombent subitement comme un château de cartes. On voit des bâtiments érigés vigoureusement le matin mais qui s’effondrent la nuit et leurs entrepreneurs qui s’affolent (non pas par dépression). L’effort, l’ardeur au travail et le courage sont insignifiants dans certaines activités dites maudites. Tout cela possède une explication traditionnelle : les anciens n’ayant pas été consultés dans ces initiatives, montrent leur mécontentement.
On a souvent pensé qu’il était irrationnel que dans certaines zones du pays, il soit interdit d’utiliser le tracteur parce que ‘ ‘cela creusait le ventre de la terre’’…aujourd’hui beaucoup comprennent fort heureusement que le paysan est avant tout un terrien; dans le sens où il partage une certaine intimité avec la terre qu’il cultive. Il connait ainsi toutes ses particularités et communie avec elle. La terre lui indique la spéculation favorable de l’année en cours, elle lui signifie également ses besoins (souvent un poulet). Seule une réponse favorable de la terre met le paysan en confiance et lui permet d’entreprendre sereinement sa saison. Il est donc facile de comprendre que : matériels, appui technique et ressources restent encore superflus dans la vision de l’entreprenant agricole. Les gens ont souvent pensé qu’il suffisait d’apporter le matériel de production pour booster le développement. Illusion?
Au niveau des familles, l’ainé est la pierre angulaire. Il décide des rites et sacrifices exigés par les ancêtres. C’est le garant de la tradition. Il veille sur le bien être du lignage. Il voit tout en songe et sa parole est d’évangile. Ne permets-t’il de se prémunir des attaques sorcières? N’assure t’il pas le bon déroulement des funérailles?…l’ainé comme un roi parle peu mais agit beaucoup. Aujourd’hui le monde scientifique tout comme religieux est bouleversé par un fait : l’efficacité de la magie et de la sorcellerie. Un exemple d’opposition: dans beaucoup de familles au Burkina, on continue toujours de ne pas permettre les œufs dans l’alimentation des petits enfants(en effet ils deviennent dit-on des voleurs s’ils en consomment); cela les expose par contre au redoutable kwashiorkor et ils connaissent des problèmes de croissance. Dans l’optique traditionnelle, ces enfants chétifs sont victimes de sortilèges; et si les dépositaires de la tradition demandent aux ancêtres la santé, alors ces enfants redeviennent grands et forts comme du roc. Sous l’œil scientifique, c’est l’amélioration des carences alimentaires qui a permis un retour physiologique normal tandis que les religieux voient uniquement ‘‘la main de Dieu’’…des siècles bien avant semble t’il, sans science ni hygiène, nos grands parents mourraient vieux en Afrique. Quel paradoxe aujourd’hui.
L’Afrique a-t-elle simplement perdue sa voie en voulant s’identifier au modèle de développement occidental? Pouvait-elle se bâtir sur ses contes, ses mythologies et ses rites pour : (comme le dirait l’autre) ‘‘s’inventer un avenir qui lui soit propre’’?
Des faits et actes authentiques
La tradition orale (qui malheureusement se dégrade au fil des années) a permis de constater toute la force et les valeurs culturelles du peuple africain. Nous nous permettons d’en énumérer quelques unes (avec l’aimable autorisation et l’indulgence des ancêtres):
La communication avec les morts : avant de mourir, l’esprit du mourant se promène chez tous les êtres qui lui sont chers. Il leur parle franchement et dans les détails de son projet de mourir les jours à venir. S’il ne part pas de mort naturelle, il explique et accuse. Il fait des promesses et maintient la communication avec les vivants; même à l’au-delà. Tout cela est physique…vous pouvez vous serez la main ou vous embrasser. L’esprit du mort exprime à cette occasion ses dernières volontés. Dans cette richesse culturelle, nul ne mourrait à l’étranger. Au soir de sa vie, le mourant prenait la route, rentrait sans prévenir la famille, arrivait jusque dans sa demeure et pleurait. La famille ainsi réalisait ce qui devrait arriver. Si les rites n’étaient pas bien suivis et que la mort intervenait à l’insu. Il existait encore des possibilités de rencontrer la personne décédée. Cela se passe au marché des morts où le mort apparait physiquement. il parle; il prêche.
(Certaines familles entretiennent encore aujourd’hui ce mythe de communication avec leurs regrettés qui reviennent chaque fois en famille quand on a besoin d’eux)
La sorcellerie : considérée de nos jours sous un angle péjoratif, les grands sorciers noirs ont marqué pourtant l’histoire en Afrique. Simplement, n’ont-ils pas permis à des femmes stériles de procréer? N’ont-ils pas chassé la maladie, la famine et les malédictions?…les grands sorciers ont en outre permis de démasquer les voleurs, les menteurs et les faussaires par la magie de l’esprit. Ils ont toujours donné les explications à nos rêves et nos grandes peurs. ils ont toujours su veillé sur le bien être de nos familles.
L’enthousiasme : la chaleur africaine, ses joies, ses danses… les récits, les contes, les jeux, la poésie, les vertus, le respect des anciens et de la vie humaine, l’altruisme…ont été une identité forte de l’Afrique…Qui se dégrade toutefois…au contact de la mondialisation assurément.
Riche de ses mythes et de sa culture, l’Afrique aurait certainement excellé dans la médecine, les arts, la communication, les lettres, les découvertes… si elle n’avait pas tenté d’imiter le modèle de développement occidental.
Certes l’honnêteté intellectuelle nous amène à reconnaitre que tout n’est pas que positif dans la culture et les croyances africaines. L’Afrique a assurément beaucoup péché par sa culture. Toutefois si l’on convient que la culture demeure l’essence de tout peuple, il est inimaginable qu’un peuple puisse grandir et demeurer sans identité. La dimension du bien être économique repose aussi sur une branche sociale et culturelle. C’est pourquoi est-il tentant de déclamer : celui qui perd une fortune a beaucoup perdu, celui qui perd un ami a davantage perdu mais celui qui perd sa culture a tout perdu.
Nacambo Idrissa
Burkina 24
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