Impunité et stigmatisation des communautés : Les Burkinabè s’opposent
Unis au-delà des entités auxquelles ils appartiennent, les Burkinabè de la capitale Ouagadougou sont sortis ce samedi 12 janvier 2019 pour « dire ensemble non à l’impunité, non à la stigmatisation des communautés ».
Dr Daouda Diallo, porte-parole du collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) né après le drame de Yirgou, croit que le maître de cérémonie à la marche de ce samedi, Adama Koné, est le symbole de l’union. Ce polyglotte (il manie avec dextérité Dioula, Mooré, Fulfulde) est né d’une « mère Tamashek, de père Samo, de grand-mère Tinto (mossi) de Goursi ».
Quant au septuagénaire Hassan Barry, président du comité de crise, la marche meeting qui a connu la participation de Burkinabè de tous les bords, est « une occasion offerte à tous les fils de la nation pour se parler franchement afin que l’avenir soit meilleur, que le Burkina puisse connaître un rayonnement radieux ».
Le patriarche préfère parler du Burkina Faso et des habitants que sont les Burkinabè, que d’ethnie. « Les soixante ethnies du Burkina Faso sont ici aujourd’hui. Je peux dire le Burkina Faso n’a pas d’ethnie. Le Burkina Faso a des Burkinabè », caricaturera-t-il.
Qu’à cela ne tienne! La parenté à plaisanterie n’a pas manqué à l’appel à la place de la Nation pour « apaiser les cœurs ». Là, Yacouba Sanou s’est présenté comme étant « chef des peuls du Burkina Faso ». « Là où nous sommes, nous sommes tous meurtris », a-t-il dit. « C’est tous les Burkinabè qui ont été touchés. Pourquoi ? Si quelque chose arrive à ton frère, c’est comme si cela t’était arrivé également », a-t-il justifié. Pour autant, oriente Yacouba Sanou, « on ne se rend pas justice ».
La marche-meeting, pour réclamer justice après le drame du jour de l’an, représente pour Alpha Omar Dissa, ancien ministre des mines et de l’énergie, « une prise de conscience » du risque de l’effritement du vivre-ensemble au même titre que celui de la nécessité pour le peuple burkinabè à s’unir contre le terrorisme.
« Ce même fléau est en train de créer des failles entre les différentes communautés pour fissurer le mur. Ce mur qu’est le Burkina Faso doit rester débout » et « les failles doivent être rapidement comblées de sorte que ces ennemis de notre pays n’utilisent pas le fait qu’on a une diversité culturelle pour nous diviser ».
Des Burkinabè, à l’image de cette vieille femme a secouru un rescapé en lui évitant le même sort que d’autres membres de sa communauté, « Yirgou n’a pas été que seulement massacre ». « Il y a eu également des actions de sauvetage, relèvera Me Ambroise Farama du collectif d’avocats constitués en attendant un éventuel procès. Il faut le reconnaître humblement. Beaucoup de victimes ont reconnu que des frères qui n’étaient pas peuls, des frères Mossi, leur sont venus en aide. C’est ce qui doit se passer dorénavant ».
L’après Yirgou inquiète le collectif laïc et apolitique, collectif au sein duquel, tous sont « déterminés pour dénoncer les crimes et les délits liés à l’identité ou à toute appartenance ethnique, géographique ou culturelle ». Les derniers chiffres font état de « beaucoup de pertes en vies humaines avec au moins soixante et dix morts et plus de 6 000 déplacés ».
Faut-il y voir une volonté expresse de contredire les chiffres du gouvernement ? Informé de l’évolution, le porte-parole du collectif répond par la négative : « Quand le gouvernement va actualiser, vous verrez les derniers chiffres. Les chiffres continuent d’évoluer sur le terrain ».
Les rescapés et les personnes épargnées sont recueillies à Barsalogho. Là, elles bénéficient de l’assistance de la part de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas du côté de Kelbo et Arbinda où l’assistance est « très défectueuse » avec des déplacés qui ont de « sérieux problèmes pour se nourrir ». Et c’est dit-il, sans compter « la prise en charge psychologique (qui) laisse à désirer ».
Se départir du délit de fasciés ethnique lorsque vient le moment de désigner ou de dresser le portrait-robot d’un terroriste
« Yirgou, s’indigne Abdoulaye Diallo, coordinateur du centre national de presse Norbert Zongo, n’est que la manifestation grandeur échelle de ce qui se passe depuis des années et qu’on ne disait rien. Les peuls ont été souvent massacrés ». Le collectif dénonce les « tergiversations » au sommet qu’il a été donné d’observer à l’issue des événements de Yirgou qui viennent démontrer que la cohésion sociale est mise à rude épreuve.
« Nous devons accepter de vivre ensemble en respectant les différences. Nous ne devons oublier en aucun moment que ce sont nos différences qui font la richesse de notre pays. Hamadou Hampaté Ba disait, que la beauté d’un tapis provient de la diversité de ses couleurs », rappelle le porte-parole du collectif contre la stigmatisation.
« Le chef de l’Etat ne peut pas se réfugier »
« Que la marche ait lieu, pour moi, c’est déjà un bon signal. Cela prouve que les citoyens se sentent concernés par le destin du pays », apprécie Youssouf Ba. Pour lui, tout comme pour Naibaga Barry de l’association Suudu Baaba (communauté, patrie), il était plus que temps.
« L’impunité est grandissante. La stigmatisation est fréquente et régulière. L’affaire de Yirgou, c’était de trop. La frustration est là y a longtemps. Mais c’est la dernière goutte qui a révolté. On ne pouvait pas rester indifférent », partage Nabiga Barry. A présent, lance Youssouf Ba, « la République se doit de s’affirmer, de primer au-dessus de tout ». Il est temps de l’avis d’Abdoulaye Diallo, d’aller au-delà des sensibilisations pour préserver le vivre-ensemble mis à mal par l’impunité, l’injustice.
Face au « dysfonctionnement » de l’appareil judiciaire, Me Ambroise Farama du collectif interpelle le Président du Faso à qui il demande de faire face à ses responsabilités. « Le chef de l’Etat ne peut pas se réfugier devant le principe de séparation des pouvoirs, a-t-il déclaré, car il ressort clairement de son serment qu’il a l’obligation de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les Burkinabè et à tous les habitants du Burkina Faso ».
La marche-meeting a été l’occasion pour le porte-parole du collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés de réitérer son « appel pressant » de voir la justice s’appliquer dans toute sa rigueur à tous pour les auteurs de l’assassinat du chef de Yirgou et sa famille ainsi qu’à tous les criminels auteurs des massacres contre la communauté peule. « Seule une justice rigoureuse et diligente peut nous épargner des affres d’un cycle de violence au conséquences imprévisibles et apaiser les cœurs des victimes », a réitéré Daouda Diallo.
Oui Koueta
Burkina24
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