SPÉCIAL 25 ANS THOMAS SANKARA- Mamadou Kabré: « Ne soyons pas des nécrophages »

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Mamadou Kabré, président du PRIT/Lannaya. (Ph.B24)

Il fait parti des nouveaux venus dans le grand cercle et divisé des partis sankaristes. La commémoration du 15 octobre, date anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara dont ils défendent l’idéal, sera encore le seul cadre d’unité ponctuelle de ces partis. A la veille de cette anniversaire, la 25e que les sankaristes s’apprêtent à commémorer, Burkina24 s’est entretenu avec Mamadou Kabré, président du Parti Républicain pour l’Indépendance Totale (PRIT/Lannaya). C’est un chef de parti épuisé en cette veille d’élections couplées, et surtout impatient de voir les sankaristes au pouvoir, qui a trouvé le temps de nous recevoir, sa fibre sankariste et son profil de communicateur oblige, pour parler de la Révolution, de ce qu’il en reste mais aussi de l’épineuse question de l’unité des sankariste.

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Burkina24: Nous sommes à la veille du 15 octobre et avant tout, dites nous si vous êtes encore Sankariste et, avec votre parti, solidaire de la commémoration du 15 octobre cette année.

Kabré Mamadou: Je suis et je serai toujours sankariste pour la simple raison que ce que le capitaine Thomas Sankara faisait c’était la voie progressiste, la voie de gauche, le communisme. C’est la forme la plus élaborée pour le développement, et je reste totalement dans cette voie. Du reste notre parti (PRIT/Lannaya) a affirmé cette ligne de gauche qui est le marxisme-léninisme. Pour l’anniversaire de la 25e année de l’assassinat de Thomas Sankara les sankaristes sont à pied d’œuvre. Déjà nous avons commémoré le 2 octobre qui est la date anniversaire du Discours d’Orientation Politique et le 15 octobre il y aura une cérémonie faste au niveau du cimetière de Dagnoen, cérémonie au cours de laquelle nous ferons l’historique de l’Homme et nous parlerons d’autres choses liées à la Révolution.

B24: Votre parti est donc solidaire de la commémoration du 15 octobre…

M.K: Nous, nous n’avions pas, à l’époque, mis ça dans notre programme, pour la seule raison qu’on risquait d’avoir un conflit avec d’autres personnes. Mais lorsque nous avons été conviés par la société civile sankariste pour que nous parlions d’une seule voix, nous nous sommes associés à cette dynamique de commémoration de cette 25e anniversaire de la mort du Capitaine Thomas Sankara.

B24: Qu’est-ce qui reste alors de l’idéal sankariste que vous tenez à défendre en tant que sankaristes et à travers cette commémoration?

M.K: Ne serait-ce que l’appellation des fils et filles de ce pays de Burkinabé, qui veut dire « des Hommes intègres ». L’Homme n’est pas seulement que des intérêts matériels. Il y a un certain nombre de valeurs morales qu’il doit incarner. Le fait même de s’appeler toujours Burkinabé, ce sont des vestiges de la Révolution qu’on ne saurait effacer. Ensuite il faut reconnaitre que le problème se pose en terme de comparaison. Lorsqu’on considère ce qui s’est fait pendant la Révolution et ce qui se fait actuellement, on en vient à regretter la période de la Révolution.  La question de l’autosuffisance alimentaire reste posée, la question de l’insécurité également alors que tous ces aspects étaient en passe d’être résolus au temps de la Révolution. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle en tant que parti nous nous sommes appelé Parti Républicain pour l’Indépendance Totale. Nous n’estimons pas qu’après 50 ans d’indépendance nous devrions être toujours au stade de balbutiements de développement, alors que d’autres pays qui ont connu la guerre, trente ans après ont atteint un stade que nous ne sommes pas en mesure d’atteindre 52 ans après. Les problèmes auxquels la révolution s’attaquait sont toujours d’actualité 25 ans après et nous envisageons dès que nous seront aux affaires réaliser ce que la Révolution avait voulu faire, l’autosuffisance sur tous les plans.

B24: Beaucoup d’acquis de la Révolution ne seraient pas toujours reconnus par ceux qui sont aux affaires. Selon vous, qu’est-ce qu’il coute à ces derniers de reconnaitre ces acquis et le pas fait avec la Révolution?

M.K: Le pouvoir actuel est abonné aux mensonges. Il va lui être difficile de reconnaitre les bienfaits des régimes passés pour la seule et simple raison que lorsqu’ils ont fait la proclamation du 15 octobre, ils ont dit que Sankara était un traitre, qu’il s’est glissé dans la Révolution pour mieux l’étouffer de l’intérieur et qu’eux ils sont venus pour approfondir la Révolution. Plus au contraire ils sont venus pour la noyer et on en parle plus aujourd’hui. Ensuite ils ont dit qu’on a fatigué longtemps le peuple en lui demandant des sacrifices, des efforts, et qu’on a besoin d’une pause. Si les mêmes reviennent pour reconnaitre le bien fait pendant la révolution et dire que la pause qu’ils ont demandée est terminée et qu’il faut retourner à la révolution, on va les discréditer au profit de ceux qui sont restés attachés à la Révolution. Voila pourquoi ils ne veulent pas reconnaitre les bienfaits de la Révolution alors qu’il était de bon ton que l’on reconnaisse ces acquis. L’avantage c’est quoi? Eux aussi ne seront pas un jour au pouvoir. Il faudra que quelqu’un reconnaisse leur mérite. Mais s’ils refusent de reconnaitre le mérite de la révolution, alors qu’ils reconnaissent l’action de certains chefs d’État qu’ils consultent, pour ceux qui sont encore vivants, c’est manquer de reconnaissance, c’est être ingrat par rapport à l’homme grâce à qui ils sont arrivés aux affaires.

B24: Personnellement, comment avez-vous connu Sankara et qu’est-ce qui vous a poussé à créer un parti sankariste?

M. K:  Ma rencontre avec la Révolution s’est faite au secondaire. Pour la petite histoire, en 84-85 j’étais en classe de 1ère et j’avais décidé de faire le Bac en 1ère. J’ai lu les classiques de philosophie seul et je suis tombé sur le cours de philosophie qui parlent du capitalisme et du communisme. Bien que le livre ne dise pas ce qui est bon et ce qui est mauvais, je me suis rendu compte que j’avais une sensibilité communiste et adhéré a cette idéologie. J’ai donc fais le pari d’être communiste. Et comme il y avait la Révolution en son temps, arrivé à l’université je me suis retrouvé dans le cercle anti-impérialiste avec des camarades. L’idéologie de gauche est restée mon idéologie que je ne saurait renier pour quelques raisons que ce soit malgré la conspiration internationale contre le mouvement de gauche. Pour ce qui est du parti, depuis 2006 on m’avait conseillé d’aller moi-même avec un parti, parce que j’étai avec des gens qui ne sont pas constants dans leurs positions. Quand des gens sont dans une certaine position et ils n’arrivent pas à envisager une certaine dynamique pour renverser l’ordre actuel établi, moi j’estime que ce sont des complicités qui ne disent pas leur nom. Il faut arriver à franchir le Rubicon pour aller vers le changement de pouvoir, par la forme démocratique ou par toute autre forme.

B24: Parlant d’unité des sankaristes, nous avons fait un trottoir le 15 octobre dernier et beaucoup estiment que l’unité des sankaristes rendraient mieux hommage à Sankara. Mais apparemment cette unité, ce n’est pas votre affaire…

M.K: Une chose est sure au moins: la commémoration du 15 octobre se fera de façon unitaire. Maintenant, en tant que partis, pour que nous fassions un seul parti ou deux partis forts, je pense qu’il ya des problèmes préalables qu’il faut résoudre. D’abord la question idéologique. Il y a des gens qui estiment que parler actuellement du sankarisme c’est une doctrine. Non. C’est en fait comme on cite Julius Nyerere, Kwame Nkrumah, Sékou Touré, Ben Bela et autres. Nous, nous avons eu un révolutionnaire qui a fait la voie progressiste et on ne peut pas citer les prophètes d’ailleurs et laisser le nôtre. L’idéologie de Sankara était celle de gauche. Si les gens estiment qu’avec la clameur anti-communiste, il ne faut pas dire qu’on est de gauche, socialiste ou progressiste, je pense qu’on ne pourra pas s’entendre. Le socialisme c’est quoi, c’est d’abord la révolution qu’on fait parce qu’à l’époque on ne pouvait pas avoir un changement de pouvoir par les urnes. Donc il fallait renverser par la révolution. Et ensuite, on est allé à une autre étape qui est le socialisme et on termine par le communisme. C’est parce que Sankara faisait la voie de la démocratie populaire que ses œuvres sont toujours adulées 25 ans après. Après l’aspect doctrinal, idéologique, il faut ensuite régler la question des hommes. Si on est ensemble, on ne doit pas se contredire au point d’arriver à des situations conflictuelles. Car Mao Tsé-Toung avait dit: dans la juste solution des contradictions au sein du peuple, il faut, lorsque vous êtes dans un même camps, privilégier la démocratie et le dialogue. Mais si vous êtes dans un groupe où les gens ne parlent pas de démocratie, de dialogue, on en peut pas faire chemin ensemble. Enfin, il faut reconnaitre le mérite. Il y a des gens qui croient que pour avoir été dans le gouvernement de Thomas Sankara, pour avoir été de la région de Thomas Sankara, ou CDR (comité de défense de la révolution), ils ont plus de droit que ceux qui adhèrent maintenant à la Révolution ou qui sont nés après la Révolution. Il n’y a pas de mainmise, de Politburo (Ndlr: organe suprême du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique qui définissait sa politique, sa ligne directrice) ou de forme de gestion où on privilégie un certain nombre d’ancien au détriment d’une certaine classe émergente. Tant qu’on aura pas résolu ces trois problèmes, la question idéologique, la question entre camarades qui se résout par le débat démocratique et le dialogue, et aussi la question du mérite, on ne pourra jamais s’entendre.

B24: Un souhait particulier à la veille de la commémoration des 25 ans d’assassinat de Thomas Sankara?

M.K: Mon souhait est que nous ne soyons pas des nécrophages. Nous allons chaque année et nous nous recueillons. On ne doit pas en rester là. Il faudrait que nous allions pour prendre un engagement. Sankara est arrivé aux affaires à la trentaine et bientôt on vivra les 30 ans de sa mort. Est-ce qu’après sa mort on peut se permettre d’attendre l’âge qu’il avait en devenant premier ministre sans prendre le pouvoir? Il faut qu’on se fixe un deadline pour se dire que dans deux ans, ou dans trois ans, nous devons être aux affaires. Ensuite nous mènerons la politique qu’il faut pour y arriver quelque soient les moyens. Tous les moyens sont bons. Comme le disait un philosophe italien, bien de chemin mène au sommet de la montagne, mais la haut la vue est toujours la même pour tous. Il faut qu’on se fixe l’objectif de conquérir le pouvoir urgemment et utilement pour que le peuple qui rêve de cet idéal sankariste nous voit arriver aux affaires.

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Justin Yarga

Journaliste web qui teste des outils de Webjournalisme et datajournalisme, Media strategy consultant.

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