Lutte contre la corruption: que d’engagements mais toujours rien sur les faits !

publicite
Le chef du Gouvernement devant les élus pour son discours sur la situation de la nation.
Le chef du Gouvernement devant les élus pour son discours sur la situation de la nation le 4 avril 2013.

Dans son discours sur la situation de la Nation le 4 avril dernier, le Premier Ministre a donné des informations sur le traitement réservé à certains dossiers de corruption relevés par l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat. Déjà le 30 janvier 2013, à l’occasion de sa Déclaration de politique générale, la corruption au Burkina Faso avait donné lieu à des débats à l’hémicycle. La dernière rencontre syndicats-gouvernement a abouti à un engagement du Gouvernement à mettre fin à l’impunité sur la mauvaise gestion des deniers publics. Le REN-LAC se réjouit de la cristallisation des débats sur l’épineuse question de la corruption ; toutefois, le Réseau suivra de près la concrétisation des  engagements du Gouvernement sur le terrain.

La suite après cette publicité

« La lutte contre la mauvaise gestion des finances publiques et la corruption doivent s’inscrire absolument dans les principes constitutionnels et les exigences de l’Etat de droit », avait conclu le Premier Ministre au chapitre du renforcement du contrôle, de la lutte contre la fraude, le faux et la corruption  dans son discours sur la situation de la Nation du 4 avril 2013. Au total plus de 367 personnes sont concernées par les rapports de l’ASCE avait affirmé Luc Adolphe TIAO devant la représentation nationale. Le Conseil des ministres du 13 mars 2013 a fait le point suivant de la mise en œuvre des décisions et recommandations du rapport de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat :

L’apurement d’un premier lot de dossiers dont les personnes concernées se sont acquittées des montants dus. Cette catégorie concerne 142 personnes.

La transmission du lot des dossiers non apurés au ministère de l’Economie et des finances en vue des ordres de recettes aux personnes concernées. Cette catégorie concerne 33 personnes.

Enfin, la situation de celles qui contestent absolument les fautes qui leurs sont reprochées ; leur dossier a été transmis à la fois au ministre de l’Economie et des Finances et au ministre de la justice. Elles sont au nombre de 92.

Le décompte fait état de 267 dossiers, il manque des informations sur 100 autres cas de malversations. « L’ensemble des dossiers a été transmis au ministre de la Justice qui à son tour saisira sans délai les instances compétentes pour la suite judiciaire à donner à ces affaires » dira le chef du Gouvernement. Pour l’instant, peu de choses ont été faites dans ce sens au niveau du Palais de Justice si l’on s’en tient aux informations en notre possession. Des signaux forts pour débusquer tous les coupables, c’est le souhait des burkinabé excédés de voir le gouvernement couvrir des agents qui ont dilapidé les deniers publics.

6 nouveaux engagements lors des négociations gouvernement-syndicats

Au sortir de cette rencontre devenue maintenant une habitude, le gouvernement a pris le 21 mars 2013 une demi-douzaine d’engagements pour lutter contre la corruption et les crimes économiques.

Au titre du point D, le Gouvernement a pris les engagements suivants :

–      La traduction effective devant les tribunaux des auteurs de crimes économiques et de sang.

–      La mise à la disposition de la justice des moyens nécessaires pour faire la lumière sur les crimes commis à l’occasion des manifestations de février 2011 à Koudougou et des tueries de Guenon.

–      La prise de mesures concrètes et efficaces contre la corruption et la fraude notamment par la mise en œuvre des recommandations pertinentes issues des assises nationales sur la corruption tenues à  Ouagadougou du 19 au 21 décembre 2012.

–      L’opérationnalisation des directoires et des cellules anti-corruption dont les syndicats sont membres, auprès de certains services sensibles du ministère de l’Economie et des Finances, et la soumission au Parlement d’un projet de loi anti-corruption, avant la fin de l’année 2013.

–      Le respect des textes réglementaires en vigueur en matière de procédure d’entente directe dans l’attribution des marchés publics et la reforme de la procédure de résiliation dans le cadre de la relecture des textes relatifs aux marchés publics.

–      La poursuite du recouvrement des créances de l’Etat en souffrance dues notamment par des responsables.

–      La poursuite judiciaire contre les contribuables coupables d’infractions fiscales graves.

Les récents mécanismes qui visent à lutter contre la corruption sont à saluer. Nous pouvons citer les assises nationales de la corruption organisées en décembre dernier, la création des comités anticorruption au ministère de l’Economie et des Finances et sans oublier les « 8 mesures » prises par le Premier Ministre lors de sa visite à l’ASCE en septembre 2012. Mais cela peut-il suffire sans une ferme volonté politique de punir les coupables de cas manifestes de corruption ? Depuis deux décennies, la stratégie du  gouvernement en la matière ne convainc pas. En réponse aux nombreux cas de détournement, il a multiplié les institutions et les ateliers pour éviter d’affronter le problème.

Où sont les gros poissons ?

Il y a eu beaucoup d’engagements en 2012, trop dira t-on. 2013 a commencé avec d’autres promesses, on ne sait pas ce que la fin de l’année nous réserve, cependant il y a lieu d’émettre de sérieuses réserves sur cette volonté politique de combattre la corruption en demandant des comptes à tous ceux qui se sont rendu coupables de malversation.

Après les « 8 mesures d’Hercule », c’est le nom donné par la presse aux engagements du Premier Ministre à l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat à endiguer la corruption au Burkina, sur le terrain les actes se font toujours attendre. Huit mois après, certains mis en cause se trouvent en activité et ne sont nullement inquiétés. « Certains ont commencé à se justifier » explique le Premier Ministre quand la question lui fut posée à l’Hémicycle le 30 janvier dernier. Il doit être le seul à être au courant, car le constat de la grande majorité des burkinabé est tout autre. Un des principaux concernés par les malversations selon le rapport 2011 de l’ASCE, l’ambassadeur du Burkina en France Pr Joseph PARE n’aurait reçu sa lettre de rappel que plusieurs mois après la publication des faits. Huit mois après avoir manifesté son souhait de se mettre à la disposition de la justice dit-on, on ne veut pas encore lui trouver un successeur.

Les scandales de détournement éclaboussent de plus belle l’Administration publique au 1er trimestre de l’année, un agent du Trésor aidé de plusieurs complices a tenté d’extorquer 57 millions à l’Etat. Il aurait réussi son forfait n’eût été la vigilance du service de contrôle. Au Fonds d’appui au secteur informel (FASI), Agence de Orodara, c’est un autre agent indélicat qui reprenait des dossiers de projets financés et les faisait de nouveau financer avec la complicité de certains de ses supérieurs à Ouaga. Environ 54 millions de FCFA ont été détournés. 15 personnes sont aux arrêts dans cette affaire nous apprend la presse. Pour les deux cas ci-dessus cités, les mis en cause sont aux arrêts. Mais ce ne sont que des petits poissons, où sont les gros poissons tant promis ? Nous pouvons émettre légitimement des interrogations sur ces pratiques récurrentes de vouloir rapidement s’approprier l’argent du contribuable. A priori les coupables ont été guidés par ce désir effréné de s’enrichir rapidement.

En réalité, c’est un comportement qui se nourrit de la règle de l’impunité dont bénéficient certains responsables épinglés dans les différents rapports sur la corruption au Burkina. Une impunité qui a fait des émules, les agents indélicats ont tenté leur chance parce que d’autres avant eux s’en sont tirés à bon compte. Il est temps que le gouvernement montre des signaux forts en traduisant avec diligence en actes concrets ses engagements sur le terrain et en traitant les dossiers de malversations avec impartialité. A quoi cela sert-il de prendre des engagements s’il faut toujours invoquer la séparation des pouvoirs pour justifier la lenteur et le déséquilibre réservés au traitement des dossiers de détournement devant les juridictions ? Les suspects doivent répondre devant la justice quel que soit leur poids politique ou économique.

Le Secrétariat Exécutif

Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC)

Tél : +226 50 43 32 83

www.renlac.org

[email protected]

Tél. Vert : 80 00 11 22

Photo d’illustration: Burkina 24

❤️ Invitation

Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Burkina 24 Suivre la chaine


Restez connectés pour toutes les dernières informations !

publicite


publicite

Justin Yarga

Journaliste web qui teste des outils de Webjournalisme et datajournalisme, Media strategy consultant.

Articles similaires

4 commentaires

  1. Comme d’habitude ce sont des discours d’un politicien et non d’un chef d’Etat.

  2. Bien vrai que le REN-LAC se bat pour mettre fin a la corruption mais au Faso ce sont les cas petites corruptions qui sont culpabilises et les gros dossiers sont couverts. Impossible de lutter contre ce fleau au Burkina car ce sont les hommes d’Etat eux-meme qui sont corrompus et se couvrent entre eux. La justice ne joue pas son role car elle meme est corrompue.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
×