Vote des Burkinabè de l’étranger : « J’accepte le sacrifice pour la stabilité de mon pays »
Un Burkinabè vivant au Sénégal, dans cette tribune, dit accepter de faire le sacrifice de son vote pour la stabilité du Burkina.
Depuis que Rock Marc Christian Kaboré le président du MPP, sur la RTB a donné sa position sur le vote des Burkinabè de l’étranger qui, à l’instar de nombreux responsables politiques et de la société civile est qu’il faut surseoir à rendre ce vote effectif cette année ; que n’avons-nous pas lu, vu et entendu ?
Certains dont on est droit de se demander s’ils ont un agenda autre que l’intérêt supérieur de notre patrie, ont vite fait de jeter l’opprobre et d’y voir mille et une autres choses qui en étonnent plus d’un. Et pourtant, Rock Marc Christian Kaboré a raison.
En tant que Burkinabè vivant à l’extérieur, il sied (puisque c’est de mon droit que l’on parle) de donner mon avis et ce, à travers le prisme de ce qu’il y a de mieux pour mon pays dans le contexte actuel.
Avant tout propos, précisons certains éléments qu’il sied de rappeler.
Rappelons en effet, que cette question avait en partie été traitée par toute la classe politique et la société civile au moment de la rédaction de la charte de la transition où il nous souviendra que la première mouture remise au Lieutenant-colonel Zida décidait de surseoir au vote des Burkinabè de l’étranger pour les élections devant mettre fin à la période transitoire. Si dans la dernière version de la charte finalement acceptée on laisse penser que ce vote aura lieu, Il n’aura pas échappé à ceux qui savent lire entre les lignes que tout présageait du contraire et qu’il ne s’agissait que de se donner le temps d’approfondir la question avant de décider.
Ceci étant dit, face à la position majoritaire aujourd’hui, la question doit être à mon sens entendue comme une invite à un sacrifice adressée à la diaspora dans l’intérêt supérieur de notre pays. Pour moi le choix est clair : J’accepte ce sacrifice au nom de la stabilité de mon pays, au nom de l’intérêt supérieur de mon pays et pour la bonne conduite du processus de transition.
Pour tous ceux qui prétendent aimer ce pays, un autre choix est-il objectivement possible ? Non !
S’il est vrai que plusieurs raisons ont été ou peuvent être invoquées pour justifier cette position majoritaire sur le vote de la diaspora, il faut retenir que la principale raison demeure la crainte que des complications pouvant provenir principalement de la Côte d’Ivoire ne viennent mettre à mal la transparence (que nous voulons imprimer à ces élections) et l’acceptabilité de leurs résultats. Peut-on objectivement penser le contraire ? Je pense que Non ; et ce, pour les raisons suivantes :
Premièrement, la Côte d’Ivoire accueille la plus importante communauté Burkinabè de la diaspora, laquelle est estimée à plusieurs millions de personnes et dont personne (y compris nos autorités) ne peut donner avec certitude le nombre exact de nos compatriotes en terre ivoirienne. Eu égard à cela, le moins que l’on puisse penser c’est que ce ne sera pas chose aisée que d’y mener une opération électorale.
Déjà, le recensement sur le fichier électoral des Burkinabè de l’extérieur ne se fait que sur la base de la carte consulaire (donc exclusion faite de la CNIB et du passeport). L’on sait pourtant que les Burkinabè de l’extérieur sont nombreux à n’être pas enregistrés au sein de leurs ambassades donc, à ne pas disposer de carte consulaire. Bien plus encore, pour le cas de la Côte d’Ivoire, cette carte consulaire a été remplacée par une carte consulaire biométrique dont la fourniture se fait à un rythme très lent et avec de nombreux couacs. Comment peut-on objectivement penser que l’on puisse dans le temps imparti y mener une opération électorale sans qu’à la fin nous n’ayons de nombreux problèmes quant à l’acceptabilité et la transparence des résultats ? Cela n’est simplement pas objectif et possible sauf à causer des entorses à la loi ; ce qui serait encore contraire à l’Etat de droit et à l’esprit de notre révolution.
Deuxièmement, s’il est vrai que les opérations électorales doivent se faire sous la direction des CEIAM (commissions électorales d’ambassades) installées depuis le mois de Juillet dernier, il n’en demeure pas moins vrai que les ambassadeurs à travers les ambassades y jouent un rôle non négligeable dans la mesure où les CEIAM n’ont pas de statut diplomatique, donc opèreront grâce à la facilitation de l’ambassade. Ceci étant, quand on sait que jusque là les ambassadeurs en poste, ont été nommés par l’ancien régime, ne peut-on pas craindre que certains des plus zélés soient tentés d’agir contre l’intérêt supérieur de la nation ?
Qui plus est, en Côte d’Ivoire, notre ambassadeur n’est autre que Justin Koutaba qui est un fidèle parmi les fidèles de Blaise Compaoré. Sommes-nous en droit d’ignorer qu’il y a, que l’on veuille ou non, un risque qu’il soit amené à jouer un rôle négatif dans l’organisation éventuelle des scrutins avenirs au sein de la diaspora Burkinabè en Côte d’Ivoire ? Non, nous n’avons pas le droit d’être naïf à ce point. La raison nous impose d’en tenir compte.
Troisièmement, il n’aura échappé à personne qu’après sa fuite c’est en Côte d’Ivoire que Blaise Compaoré a trouvé refuge. Nul part ailleurs ! Pourquoi a-t-il choisi la Côte d’Ivoire et pas un autre pays ?
Il est évident que c’est parce que c’est en Côte d’Ivoire qu’il se sent le plus en sécurité et ce, pour diverses raisons sur lesquels nous ne nous attarderons pas car n’étant pas l’objet de ce propos. S’il s’y sent en sécurité, il est sage et éclairé de supposer qu’il y dispose d’une certaine marge de manœuvre qui peut lui permettre d’interférer dans nos affaires si on lui en donnait l’occasion.
Je vois déjà certains crier à la paranoïa. Mais, ceci ne saurait être de la paranoïa, seulement de la lucidité, du réalisme et de la responsabilité. Bien sûr que notre pays est assez fort pour faire face à tout obstacle dans notre marche vers la félicité. Mais, cela ne saurait être une raison d’être naïf au point d’ajouter de la difficulté à ce qui n’est déjà pas facile.
Il est vrai que le porte-parole du gouvernement ivoirien a tenté de nous rassurer. Il est bien dans son rôle car, que pouvait-il dire d’autre ? Il a dit la seule chose qu’il pouvait dire. Et il nous appartient à nous Burkinabè, de savoir ne pas courir certains risques inutiles pour la stabilité de notre pays et la bonne marche de la phase de transition dans laquelle nous sommes engagés.
Quatrièmement, s’agissant toujours de la Côte d’Ivoire, force est de constater que ce pays, depuis la fin de la crise, connait des hauts et des bas en terme de sécurité ; toutes choses dont la dernière manifestation en date est l’attaque du camp militaire de la ville de Grabo dans la nuit du 9 au 10 Janvier et qui aurait fait 2 morts parmi les forces de défenses Ivoiriennes. Dans un tel contexte, quelle garantie véritable pouvons-nous avoir que d’éventuelles consultations électorales pourraient s’y mener dans des conditions optimales ?
Economie faite du rôle joué par des personnalités Ivoiriennes comme Guillaume Soro en faveur du maintien de Blaise Compaoré lorsque celui-ci voulait passer outre notre volonté populaire, il ressort de tout ce qui précède que, nul ne saurait en toute objectivité prétendre que surseoir au vote des Burkinabè de l’étranger pour cette année, n’est pas la bonne décision à prendre en ce moment.
L’on pourrait me reprocher de n’avoir traité que de la Côte-D’ivoire pour illustrer mon propos ; mais, peut-on parler de vote des Burkinabè de l’extérieur si la plus grande communauté de cette diaspora en est exclue ? NON !
Alors Oui Rock Marc Christian Kaboré a raison. Oui la classe politique et une bonne partie de la société civile a raison. Oui, il est sage d’y surseoir. C’est pourquoi, en tant que membre de cette diaspora, j’accepte cette année, de sacrifier mon droit de vote au profit de la stabilité de mon pays, au profit de l’intérêt supérieur de notre nation.
Youssouf Bâ
Juriste
Burkinabè résidant au Sénégal
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Une d?cision sage et r?fl?chi : Une analyse logique dont je confirme, car les achats de conscience de la diaspora par nos ambassadeurs pros Blaise Compaor?, mettront une bombe aux r?sultats des ?lections coupl?es au pays des hommes int?gres.