Des agents de la vie scolaire écrivent au ministre de l’enseignement secondaire
Ce groupe d’agents de la vie scolaire estiment que leur rôle et leur importance dans l’administration scolaire sont méconnus ou peu valorisés. Dans cette lettre ouverte adressée à leur ministre de tutelle, ils expliquent les difficultés qu’ils rencontrent et qui déteignent tant sur leur vie sociale que sur la vie des établissements scolaires dans lesquels ils officient et appellent leur ministère à se pencher sur ces problèmes auxquels ils proposent d’ailleurs des solutions.
Depuis 2008 votre ministère recrute des personnels d’encadrement de la vie scolaire (assistants, attachés et conseillers d’éducation) qui sont formés à l’école normale supérieure de l’université de Koudougou.
Ils sont au service de la vie scolaire dans les établissements d’enseignement secondaire. Ils ont la lourde tâche de gérer la discipline et de suivre la scolarité des élèves. Classés selon l’arrêté n°2008-373/PRES/PM/MESSRS du 2 juillet 2008 portant organisation de l’enseignement secondaire comme personnel d’encadrement, les agents de ce corps jouent un rôle également important dans l’administration.
Cependant, ils rencontrent d’énormes difficultés sur le terrain les empêchant d’accomplir efficacement la mission qui leur est assignée; des difficultés auxquelles il faut trouver des solutions pour l’épanouissement de ces agents et éviter certains problèmes dans les établissements.
I°) Difficultés rencontrées
*Le manque crucial d’agents sur le terrain.
C’est le problème majeur rencontré surtout en milieu rural où les élèves ont plus besoin de suivi et d’assistance. Il est très fréquent de voir que dans des lycées situés en zone rurale, un seul agent au service de la vie scolaire (jadis appelé surveillance) avec un effectif dépassant parfois 700 élèves.
Quelle magie fera-t-il pour offrir de meilleurs services aux élèves s’il doit aussi accomplir des tâches administratives ? Il est par conséquent souvent taxé d’incompétent pendant qu’il n’a pas le moindre temps de repos.
* L’absence de cadre d’échanges
Les agents d’encadrement de la vie scolaire rencontrent des problèmes aussi nombreux que divers nécessitant régulièrement des échanges non seulement entre eux mais aussi avec l’administration régionale en charge de l’enseignement secondaire.
Or, en aucun moment les autorités régionales n’ont jugé nécessaire de les rencontrer pour connaître leurs préoccupations. Elles se contentent d’échanger avec les chefs d’établissement qui ne font en rien ressortir les difficultés rencontrées par ces agents. Nous sommes persuadés qu’à cette allure les solutions à l’indiscipline ne seront pas trouvées.
* L’ignorance des attributions de ces agents par certains chefs d’établissements
Ces agents, une fois affectés ont, pour la plupart d’entre eux des problèmes avec leur chef d’établissement.
La raison dominante est que ces derniers ignorent les attributions de ces agents et veulent les gérer comme à l’époque où ils étaient appelés surveillants et n’avaient pas d’attributions précises. Parfois, ils se voient confiés des tâches qui ne relèvent en aucun cas de leurs attributions et qui sont loin du cadre réglementaire.
Ils refusent donc de se soumettre aveuglement et cela porte un coup dur à leur collaboration. Ce que les proviseurs oublient, c’est que bon nombre de ces agents ne sont pas recrutés au temps des surveillants et par conséquent ne sont pas habitués à travailler comme eux.
En plus, ils ont reçu une formation spécifique et travaillent sur la base de celle-ci. Ils ignorent les méthodes de travail archaïques et n’approuvent pas généralement les méthodes de gestion de leurs supérieurs.
*La non-participation de la vie scolaire aux instances de gestion
En référence de l’arrêté n°2014-351/MESS/SG/DGESG portant fonctionnement des établissements d’enseignement secondaire général, un conseiller attaché ou assistant d’éducation qui n’est pas nommé conseiller principal d’éducation ne participe qu’à trois instances, à savoir le conseil d’établissement, le conseil de discipline et le conseil de classes. Or il y a des établissements où l’agent est seul mais n’a pas été nommé conseiller principal.
Se référant à l’arrêté ci-dessus cité et compte tenu du fait que l’agent ne fait généralement pas l’affaire du proviseur, il est purement et simplement écarté des instances comme le conseil de gestion, la commission de recrutement, …
Il faut souligner que certains établissements n’ont pas de censeur. Si on ajoute à cela le fait que certains représentants de l’APE sont des illettrés et l’absence souvent des représentants des organisations syndicales on voit clairement que seuls le proviseur et son intendant sont les membres influents de ces instances.
Au meilleur des cas, les représentants du personnel participent. Imaginez comment fonctionnera un tel établissement.
*Problèmes de nominations
Revenons à la non nomination des assistants et attachés d’éducation comme conseillers principaux d’éducation (ou assistants et attachés principaux) malgré qu’ils sont seuls à leur poste. Nous nous demandons s’ils sont incompétents pour être nommés ou s’il s’agit d’autres raisons.
S’ils sont incompétents comment arrivent-ils à gérer toutes les classes à eux seuls? Cela s’apparente plus à une exploitation de ces agents puisqu’ils jouent tous les rôles à la fois (assistant, attaché, conseiller et conseiller principal). Au MENA, certains enseignants reconvertis en agents d’encadrement dans les CEG ont déjà été nommés alors qu’au MESS personne n’en parle.
*La non-participation à l’organisation des examens et concours
Le décret n°2006-423/PRES/PM/MFPRE/MESSRS/MFB portant organisation des emplois spécifiques du MESSRS dispose que l’assistant et l’attaché d’éducation ont entre autres pour attributions de traiter les dossiers d’examen des élèves candidats aux examens et concours et de participer à l’organisation des examens et concours ( surveillance, secrétariat).
Mais les réalités sont autrement. Certains chefs d’établissement traitent eux-mêmes les dossiers d’examens. Une fois de plus, nous nous demandons si c’est l’agent qui est incompétent ou si c’est parce que les dépôts desdits dossiers donnent lieu à des missions et que l’intéressé pourrait en profiter.
La deuxième raison nous semble probable puisque les agents de la vie scolaire, ayant reçu une formation en organisation des examens et concours ne seraient pas inefficaces jusqu’à ce point.
Pour ce qui concerne la participation aux examens, la raison généralement avancée est que les secrétaires de jury ne sont pas déplacés mais ce qui justifie cela n’est pas connu. Pourquoi ne serait-ce pas possible de les déplacer si l’on juge nécessaire leur participation?
Si dans certains jurys, par manque de personnel on fait recours à des agents qui ne sont même pas du MESS? Pourquoi des agents sont dans des établissements qui abritent des jurys d’examens mais n’y participent pas ? Pourquoi les correcteurs sont-ils déplacés sans inconvénients?
Les frais des secrétaires déplacés sont-ils plus élevés que ceux des correcteurs au point qu’on n’envisage pas leur déplacement? À quoi sert donc la formation en connaissance de l’organisation des examens et concours qu’ils ont reçue ? Ce serait mieux que cela soit revu.
*L’impossibilité de passer les concours professionnels après trois années d’ancienneté pour les agents titulaires d’au moins une licence.
Jusqu’à présent les assistants et attachés d’éducation titulaires d’au moins de la licence ne peuvent pas prendre part aux concours professionnels qu’après cinq années d’ancienneté.
Nous ignorons la raison qui prévaut mais nous pensons que cela pourrait être revu, pas seulement pour ces agents mais aussi pour les autres agents de la fonction publique si possible.
Monsieur le ministre, les problèmes sont si nombreux si bien que nous nous demandons si ce corps n’a pas été oublié immédiatement après sa création.
Nous avons l’impression qu’il n’a pas été créé pour répondre à un souci d’efficacité mais plutôt pour seulement trouver un corps auquel ces agents appartiendront désormais. Les autorités semblent ignorer leur importance dans la gestion de la discipline et dans l’administration.
On crie toujours à l’indiscipline mais les acteurs directs sont oubliés. Ni les chefs d’établissement, ni les autorités régionales ou nationales n’accordent de l’importance aux idées avancées par ces agents qui savent pourtant mieux le terrain que quiconque.
II°) Solutions suggérées
Pour palier ces difficultés nous proposons un certain nombre de solutions qui sont:
* la création d’un cadre périodique d’échanges (au moins deux fois l’année) entre les agents de la vie scolaire et les autorités régionales. Le problème d’indiscipline devient de plus en plus récurrent au point qu’il devient primordial pour les acteurs de se rencontrer afin de définir des stratégies communes de gestion.
* Accélérer le processus de création du corps des chefs d’établissement pour que ceux-ci soient mieux formés. Ainsi ils éviteront les méthodes anarchiques de gestion qui créent les dysfonctionnements dans les établissements.
* Créer un corps d’inspecteurs de la vie scolaire qui suivront et conseilleront les agents de terrain ou accélérer le processus s’il était enclenché;
* Nommer les assistants et attachés d’éducation comme assistants ou attachés principaux d’éducation dans les établissements où il manque de conseillers pour leur permettre de participer aux instances de gestion ou, au cas échéant revoir les textes afin qu’ils puissent participer sans être nommés. Si cela est impossible, affecter des conseillers d’éducation et les nommer;
* Recruter suffisamment d’agents et limiter le nombre de classes et/ ou d’élèves que chacun doit gérer. Une fois que ceci est fait, l’agent pourra appliquer les connaissances acquises pour mieux gérer la discipline, suivre les élèves et améliorer ainsi les résultats scolaires.
Certes, le recrutement supplémentaire nécessite aussi des dépenses supplémentaires mais si nous nous accordons sur la nécessité de compenser le vide résultant de l’échec de l’éducation familiale, le surplus de dépenses serait négligé;
* Permettre aux agents titulaires d’au moins la licence de prendre part aux concours professionnels après trois années d’ancienneté;
*Remplacer les appellations surveillance, surveillants et surveillant général respectivement par les termes « vie scolaire », « encadreur » ou « éducateur » et « conseiller principal d’éducation » dans tous les actes administratifs.
Des renseignements auprès des élèves, des parents d’élèves et de certains enseignants nous font constater que le nom surveillant est associé à un agent n’ayant pas avancé dans ses études et chargé d’exécuter les tâches moins importantes et de sanctionner les élèves . Cela dévalorise ces agents et rend difficile l’obtention de la confiance des élèves;
* Revoir les attributions des assistants d’éducation surtout celle relative à la surveillance des devoirs. Certains professeurs, voyant qu’il est inscrit que ces agents doivent surveiller les devoirs oublient qu’il est de leur devoir d’évaluer leurs élèves.
Ce serait donc préférable de préciser que l’assistant doit appuyer les professeurs en cas de besoin (par exemple en cas d’absence motivée du professeur ou au cas où le même devoir doit être évalué dans plusieurs classes);
* Élargir l’augmentation des 5000 F CFA d’indemnité de logement reçue par les enseignants à ces agents. Imaginez une seule personne qui, à la rentrée doit remplir des registres de notes, le registre matricule, les livrets scolaires (que les professeurs ne touchent même plus) pour plusieurs classes à la fois en plus des tâches quotidiennes.
Ne pensez- vous pas qu’il sera obligé de travailler chez lui les week-end ? Pourtant, les rares fois que ces agents réclameront une motivation de la part du COGES pour ces efforts sont source de malentendus. Refuser de leur donner ce surplus d’indemnité constitue non seulement une négligence de leurs efforts mais aussi une injustice qu’ils subissent impuissamment;
* Ramener, si possible la durée de la formation des attachés d’éducation recrutés sur concours professionnel à une année au lieu de deux. En réalité, il n’y a pas une grande différence entre les matières dispensées aux assistants d’éducation et celles reçues par les attachés d’éducation.
Une fois admis au concours professionnel, les assistants ne verront que ce qui leur avait été déjà enseigné. Ce qui constituera une perte pour l’agent et pour l’Etat à la fois.
* Prendre en compte les conseillers d’éducation dans la nomination des chefs d’établissement. En effet ces derniers sont recrutés parmi les candidats titulaires de licence et formés pendant deux ans à l’issue de quoi ils soutiennent.
Affectés dans la vie scolaire, ils acquièrent plus d’expériences en administration que les professeurs qui, eux sont généralement loin de l’administration. Nous pensons donc qu’ils sont aussi capables, tout comme les professeurs, d’assumer des fonctions de chef d’établissement.
* Fixer clairement le montant des frais d’accompagnement des élèves candidats aux examens scolaires;
* Élaborer un texte fixant les horaires de travail de ces agents. La circulaire n°2014-452/MESS /SG/DRH du 16 décembre 2014 portant rappel des jours et horaires du travail en vigueur dans le secteur public dispose que les enseignants et les agents d’encadrement de la vie scolaire sont soumis à des règlements spécifiques mais nous n’avons aucun texte qui puisse nous situer sur ces horaires spécifiques. Il serait mieux de clarifier ces aspects.
Hormis le recrutement supplémentaire d’agents, les autres solutions proposées ne nécessitent que l’engagement des autorités. Pourtant, mises en œuvre, ces mesures amélioreront substantiellement le fonctionnement de l’administration en général et particulièrement la vie scolaire. Elles permettront également l’épanouissement des agents de la vie scolaire.
Monsieur le ministre, nous sommes convaincus que vous faites de la réduction de l’indiscipline et l’amélioration des résultats scolaires des priorités. Nous vous prions donc de vous pencher sur le problème afin d’apporter des solutions convenables.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre profonde gratitude.
Un groupe d’agents de la vie scolaire
NDLR : Le titre est de la Rédaction B24
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