Burkina : La société civile lance l’appel du 11 juillet
Ceci est une déclaration de la Coordination des organisations de la société civile sur la situation nationale, déclaration produite après une assemblée générale.
Neuf mois après l’historique insurrection populaire d’Octobre 2014, la Transition politique enfantée par le génie du peuple burkinabé, installée et cimentée dans un large consensus national, saluée et adoubée par l’ensemble de la communauté africaine et internationale est en danger.
La Coordination d’organisations de la société civile, née d’un sursaut patriotique contre la prise en otage de la République et de la démocratie par le Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) le 4 février 2015, s’est réunie en Assemblée générale nationale élargie à des organisations partenaires et sympathisantes le 11 juillet 2015 à la salle de conférence de l’Institut Supérieur des Sciences de la Population, à l’Université de Ouagadougou. Les délégations d’organisations et regroupements d’associations venues des provinces du Burkina Faso et de l’extérieur ont établi une analyse diagnostique de la situation nationale et pris des résolutions conséquentes.
De l’analyse de la situation nationale
L’approfondissement de la crise de la Transition, née des agissements du RSP, a connu une aggravation depuis fin juin. Elle est consécutive à l’audition de trois officiers du RSP par la Gendarmerie nationale suite aux rumeurs de complot contre le Premier ministre. Des coups de feu ont été entendus dans l’enceinte de la caserne du RSP située derrière le palais présidentiel dans la nuit du 30 juin.
Des arrestations auraient été opérées suite à cet incident. Au fil des jours, des accusations de « faux complots » et de velléités de liquidation de certains officiers du RSP par les autorités de la Transition sont formulées pendant que la revendication de la démission des ministres militaires avec à leur tête le chef du gouvernement est faite par le RSP.
La diffusion d’informations contradictoires, des manœuvres de désinformation et d’intoxication ainsi qu’une communication gouvernementale mal articulée et bégayante ont semé le doute et jeté le désarroi dans le corps social.
Mais les récents faits clarifient la situation à souhait. L’alliance stratégique RSP-CDP-Front-Républicain est aujourd’hui une réalité risible avec le soutien explicite et publique apporté par les partis de l’ex-majorité regroupés dans le Front dit républicain au RSP. La revendication de la démission du gouvernement est également clairement une plateforme commune du RSP-CDP-Front-républicain.
Et cela se comprend. Affolés par la justice politique installée par le nouveau code électoral explicitement soutenu par l’Union africaine et la communauté internationale, désabusés par la marche inexorable vers des élections de sortie de la Transition en Octobre, les artisans de l’agenda de la modification de l’article 37, les auteurs du péril national, tentent leur va-tout à travers leur levier le plus puissant, le RSP, pour semer le chaos et remettre en cause la Transition, ses acquis et ses promesses. Il ne faut pas se tromper, la crise RSP-Zida qu’on tente de nous vendre est un paravent d’une tentative de restauration de l’ancien régime.
Par ailleurs, des chefs et d’anciens chefs militaires, instrumentalisent le RSP et nos frères soldats du RSP pour se protéger contre la machine judiciaire en marche dans des cas emblématiques de crime de sang notamment les dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo.
A ce titre, il faut explicitement citer le général Gilbert Diendéré, le maitre-chanteur dans l’ombre, le déstabilisateur à l’œuvre, autour duquel l’étau judiciaire se resserre et qui complique sa situation en se rapprochant avec Blaise Compaoré lui-même de la Cour Pénal International (CPI).
Le message à la Nation du Chef de l’Etat acte la gravité de la situation et sonne comme un appel au secours, face à des forces tapies dans l’ombre qui le prennent en otage. Le Président Kafando indique clairement que des acteurs mus par « les forces du mal » pourraient arrêter le processus.
Son message ne laisse aucun doute sur ces acteurs à savoir Blaise Compaoré, le Général Gilbert Diendéré, le CDP et leurs alliés. La médiation engagée par le Chef de l’Etat et la mise en place d’un cadre de concertation de sages témoignent de l’engagement du Président pour la résolution de la crise mais montrent également que les signataires de la charte ne sont pas au cœur de la stratégie.
Dans ces conditions, les partis politiques, à l’exception de quelques uns, restent dans des positions molles, dans le louvoiement et les tergiversations. Sans doute, que la crainte d’égratigner le RSP est en cause. Mais il faut clairement comprendre que les positions électoralistes peuvent être surprises et déçues par une remise en cause des élections et de la Transition qui constitue l’agenda réel de l’alliance RSP-CDP-Front-Républicain.
Par ailleurs, des acteurs constitués de la société, notamment les syndicats et des organisations citoyennes se tiennent à distance du débat public, restent muets et inactifs dans une situation gravissime. Là également, une plus grande lucidité doit prévaloir et un engagement patriotique est attendu de tous.
A trois mois des élections, quelle justification de la démission d’un gouvernement ? Quels intérêts serviraient une telle entreprise ? Quelles sont les forces tapies dans l’ombre qui ont intérêt à l’arrêt du processus ?
Il est clair que l’intérêt supérieur du Burkina Faso est contraire à une telle décision.
Des résolutions pour la poursuite de la Transition et la marche vers le renouveau
L’Assemblée générale :
- Constate que depuis le 28 juin 2015, une tentative de coup d’état est en cours de perpétration dans notre pays. Elle vise la liquidation de la Transition, des acquis et promesses de l’insurrection avec, et la restauration de l’ancien système mafieux, militaro-politique qui a sévi pendant 27 ans.
- Lance un appel patriotique et historique au Président du Faso et à tous les chefs d’institutions de la Transition à se tenir fermement au consensus national et à la Charte qui soutiennent la Transition et à rester coute que coute aux côtés du peuple et des intérêts supérieurs du Burkina Faso. C’est à cette condition qu’ils continueront à bénéficier du soutien inconditionnel de la société civile pour la démocratie et le renouveau.
- Interpelle également de façon pressante les partis politiques, les syndicats et les différentes forces vives à se déterminer de façon non équivoque sur le défi lancé à la Nation par l’attelage RSP-CDP-Front républicain et à rejoindre les positions de défense sans concession de la Transition et de la démocratie.
- Lance un appel aux autorités coutumières et religieuses à continuer d’assumer leur rôle de sage dans la vérité, le courage et l’intérêt bien compris du Burkina Faso.
- Lance un appel solennel à la communauté africaine et internationale et à tous les amis du Burkina Faso à rester aux côtés de notre peuple et de ses intérêts et à se démarquer des aventuristes du passé dépassé.
- Exige la dissolution pure et simple du RSP et rappelle que cette revendication est une nécessité impérieuse et non négociable. Les modalités pratiques sont à envisager de façon sage, professionnelle, mais rigoureuse et sans compromission. Nos organisations restent convaincues que cette dissolution est la seule et unique condition pour réconcilier l’armée burkinabé avec elle-même d’une part et les militaires de ce régiment avec le peuple d’autre part.
Nos organisations n’en veulent pas au nos frères du RSP dont la majorité a les mains propres, mais s’opposent à leur instrumentalisation par ceux qui ont les mains tachées de sang pour assouvir leurs intérêts personnels contraires aux aspirations du peuple.
- Recommande la reforme de l’armée en vue d’en faire une armée républicaine au service du peuple, du Burkina Faso et de la paix en Afrique et dans le monde.
- Appelle les forces du changement, les patriotes convaincus et l’ensemble du peuple à se tenir prêts pour les activités populaires imminentes notamment des meetings, des sit-in, des marches et des assemblées générales sur toute l’étendue du pays pour faire face à la situation durant les 3 mois qui restent pour l’achèvement de la Transition.
- Prévient que l’ensemble des organisations qui la composent, en alliance avec leurs partenaires réagiront sans préavis, de façon ferme et radicale à toute initiative et décision contraire au consensus qui fonde la Transition.
- La démilitarisation du pouvoir est un chantier historique prioritaire pour le renouveau démocratique au Burkina Faso.
« Si nous traversons la marre en rang serré, nous ne risquons rien du crocodile »
NAN LAARA AN SARA
La patrie ou la mort nous vaincrons
Fait à Ouagadougou le 11 juillet 2015
NDLR : Le titre est de la Rédaction B24
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