Burkina : Les trois syndicats de magistrats écrivent à l’ONU
Ceci est une lettre ouverte des trois syndicats de magistrats du Burkina adressée à plusieurs institutions sur la situation qui prévaut au Burkina Faso.
- A Monsieur le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ;
- A Monsieur le Président du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies ;
- A Monsieur le Président en exercice de l’Union Africaine (UA);
- A Madame la Présidente de la Commission de l’Union Africaine ;
- A Monsieur le Président du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine ;
- A Monsieur le Président en exercice de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ;
- A Monsieur le Président en exercice de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine ;
- Au Groupe International de Soutien et d’Accompagnement de la Transition au Burkina (GISAT-BF) ;
- A Madame le Procureur près la Cour pénale Internationale ;
- A tous les Ambassadeurs ou Représentants diplomatiques accrédités au Burkina Faso ;
- A Madame la Présidente de l’Union Internationale des Magistrats ;
- A Monsieur le Président du Réseau Francophone des Conseils supérieurs de la Magistrature judiciaire ;
- A tous les Responsables des Syndicats ou Associations de magistrats de tous les autres pays du monde ;
- A toutes autres Organisations ou structures attachées au respect de l’État de droit, à l’indépendance de la magistrature, au respect de l’intégrité des personnes et des biens ainsi qu’à celui des libertés individuelles.
Le Syndicat Autonome des Magistrats du Burkina (SAMAB), le Syndicat des Magistrats Burkinabè (SMB) et le Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM) auraient voulu emprunter des canaux plus convenables qu’une lettre ouverte pour s’adresser à tous.
Mais les circonstances particulières qui sont celles du Burkina Faso depuis quelques jours les autorisent à penser que vous ferez preuve d’indulgence pour le canal choisi afin de vous associer à leurs inquiétudes, à leurs préoccupations, à leur incompréhension prononcée face à la situation du moment, et surtout, aux solutions de sortie de crise proposées par les médiateurs de la CEDEAO, leurs Excellences Macky Sall et Yayi Boni, respectivement Président de la République du Sénégal et Président de la République du Bénin, deux pays qui, par leur justice, enseignent merveilleusement l’égalité de tous devant la loi ainsi que l’indépendance et l’impartialité de la magistrature.
Revenant sur les faits, il apparaît opportun de rappeler que le 16 septembre 2015, le Syndicat Autonome des Magistrats du Burkina (SAMAB), le Syndicat des Magistrats Burkinabè (SMB) et le Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM) ont appris l’interruption du Conseil des Ministres du même jour, suivie de la prise en otage du Président de la Transition, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, du Premier Ministre et des autres membres du gouvernement par des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), et finalement de l’annonce plus tard de la prise du pouvoir par lesdits éléments.
En raison de leur infaillible attachement à l’État de droit, les trois syndicats ont, par deux déclarations datées respectivement des 17 et 19 septembre 2015 :
- condamné avec la dernière énergie possible cette prise d’otage et cette interruption de l’ordre légal, surtout à un mois de la tenue des élections présidentielles et législatives ;
- condamné avec la même énergie les atteintes multiformes au droit à la vie, aux libertés individuelles ainsi qu’au droit de propriété dont la protection et la défense ont été confiées en dernier ressort par la loi fondamentale burkinabè au pouvoir judiciaire ;
- apporté leur pleine solidarité au Président de la Transition, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, au Premier Ministre et à tous les autres membres du gouvernement ;
- exigé leur libération immédiate et sans condition ainsi que le rétablissement de l’ordre constitutionnel ;
- ordonné la suspension dans les différentes juridictions et sur toute l’étendue du territoire de toutes les activités, exception faite de celles qui pourraient tendre au rétablissement de l’ordre constitutionnel rompu jusqu’à la satisfaction de ce que ci-dessus exigé ;
- affirmé leur refus ferme de collaborer de quelque manière que ce soit avec une autre autorité en dehors de celle dont le rétablissement sans condition est demandé.
Nul homme ou nulle entité ne pouvant à leurs yeux revendiquer le droit de vivre au dessus et en dehors des textes en vigueur, ils se sont réjouis lorsque le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine a, par décision prise à sa 544ème réunion tenue le 18 septembre 2015, condamné avec force le changement anticonstitutionnel entrepris, exigé entre autres, le retour au statut quo ante dans un délai de 96h sous peine de qualifier les auteurs de la rupture d’éléments terroristes avec les conséquences de droit, et demandé enfin à tous les États membres de mettre en œuvre les mesures prises.
Les trois syndicats de magistrats burkinabè ont accueilli avec le même enthousiasme la médiation entreprise par la CEDEAO dès les premières heures de la crise et sont restés dans cette ferme conviction que tout ce que les médiateurs pourraient être amenés à proposer ou à accepter ne pourrait ignorer les mesures éminemment pertinentes sus visées du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine.
Le 20 septembre 2015, ils ont appris que les médiateurs de la CEDEAO dépêchés au Burkina Faso ont fait les propositions suivantes:
« 1 – La Libération sans condition de toutes les personnalités détenues suite aux évènements du 17 septembre 2015 ;
2 – La restauration des institutions de la transition et du Président Michel Kafando dans ses fonctions de président de la transition ;
3 – Le retrait des militaires du gouvernement ;
4 – La poursuite du processus électoral et l’organisation des élections présidentielle et législatives, au plus tard le 22 novembre 2015 ;
5 – La Commission électorale nationale indépendante (CENI) devra prendre les dispositions nécessaires en tenant compte de la nouvelle date fixée pour les élections ;
6 – Le gouvernement s’attèlera activement à la préparation des élections durant la période restante de la transition ; 7 – Le Conseil national de la transition s’abstiendra de légiférer sur des sujets autres que ceux relatifs à l’organisation des élections et la mise en œuvre du présent accord ;
8 – Les personnes dont les candidatures ont été invalidées sur la base des articles 135 et 166 de la loi électorale du 7 avril 2015 seront autorisées à participer aux prochaines élections. A cet égard, les dispositions seront prises avant le 30 septembre 2015 ;
9- Toutes les questions nécessitant un traitement à long terme, tel que la réforme du secteur de la sécurité et de la défense, y compris le RSP, seront laissées à l’appréciation du président et du gouvernement issus des prochaines élections ;
10 – La cessation immédiate, de toutes les violences et autres violations des droits humains, notamment les entraves aux libertés de mouvement et d’expression ;
11- Les forces de défense et de sécurité assureront pleinement les missions de protection des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national ;
12 – L’acceptation du pardon et l’adoption d’une loi d’amnistie au plus tard le 30 septembre 2015 sur les évènements consécutifs au coup d’État du 17 septembre 2015 ;
13 – Les médiateurs nationaux auront pour mission de veiller à la bonne application du présent accord ».
Les syndicats de magistrats ne trouveraient pas motif à s’exprimer si de telles propositions n’avaient pas l’inconvénient majeur si elles devaient être toutes entérinées :
- de faire échec à la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine ;
- de faire du recours au RSP en violation flagrante du droit positif burkinabè une voie de recours contre les lois et les décisions de justice ;
- d’attenter gravement à l’indépendance du pouvoir judiciaire burkinabè ;
- d’encourager toute personne dont la responsabilité pénale peut être recherchée à créer des situations de trouble pour espérer être amnistié ;
- de légitimer les violations des droits humains ;
- de priver la justice burkinabè de toute force morale pour juger d’autres faits, d’autres actes ou d’autres personnes car elle ne se relèverait jamais du sentiment qu’elle n’est faite que pour les plus faibles.
C’est pour cette raison que les syndicats de magistrats burkinabè, fidèles à leurs déclarations de départ, voudraient rappeler à l’attention de tous :
- qu’ils n’entendent aucunement collaborer avec une autorité établie en violation des textes en vigueur ;
- que le besoin de paix n’est pas inconciliable avec le besoin de justice et que du reste, la meilleure paix, qui s’inscrit dans la durée, est celle qui ne laisse jamais inassouvi le besoin de justice. Ces tueries ont probablement eu lieu parce que d’autres tueries antérieures n’ont pas été sanctionnées, et si celles présentes ou en cours restent impunies, d’autres viendront encore s’ajouter pour revendiquer la même impunité. Le Burkina Faso ne se construira pas dans cette spirale d’impunités.
Les syndicats de magistrats en appellent donc au soutien de tous pour les aider au rayonnement de leur serment et à l’avènement d’une justice égale pour tous.
En tout état de cause, si leur cri de cœur devrait être ignoré, il faudrait qu’on se résolve alors à trouver des juges de circonstance, moins portés à l’honneur que ceux qui animent actuellement l’appareil judiciaire dans tous ses compartiments, et qu’on prenne sur soi le courage d’expliquer au peuple burkinabè pourquoi il doit être moins bien traité que les autres.
Non à l’interruption de l’ordre légal et à l’impunité !
Oui à l’État de droit !
Vive le Burkina Faso !
Ouagadougou, le 21 septembre 2015
Pour le SAMAB
Pour le SMB
Pour le SBM
Harouna KADIO
Christophe COMPAORÉ
Moriba TRAORÉ
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Merci mes fr?res! Vive la justice et la libert? des peuples africains. Nous Burkinab? notre ?me est profond?ment touch?e par cette injustice. Que Dieu b?nisse le Burkina Faso!
Merci mes freres. Enfin l’espoir d’une veritable justice. Malheur ? ceux qui baillonnent leur peuple.