Me Bénéwendé Sankara : « La soupe ? Elle est bien pimentée ! »

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Après les élections couplées du 29 novembre dernier qui a vu l’institution d’un pouvoir légal et légitime, ce dernier peine à s’asseoir convenablement. Des Koglweogo aux autres actes d’incivisme, d’aucuns estiment que l’autorité de l’Etat burkinabè est bafoué. Dans cette interview avec Me Benewendé Sankara, président de l’UNIR/PS et premier vice-président de l’Assemblée nationale, ces questions ont été abordées, sans oublier son alliance avec le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) parti au pourvoir. C’est l’Invité du Jeudi.

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Burkina 24 (B24) : D’aucuns disent que vous êtes allés à la soupe en vous ralliant au MPP. Est-elle bonne ?

Me Benewendé Sankara (Me B.S) : Vraiment c’est une très bonne question. Est-ce qu’elle est bonne ? D’abord soupe s’il y en a. Nous avons été une alliance combattante, une alliance pour relever avec le MPP, tous les défis post-insurrectionnels de notre peuple.

Nous avons d’abord mesuré notre très grande responsabilité en tant qu’UNIR/PS ayant eu après les élections couplées, 5 députés qui avaient son importance en termes de pesant d’or parce que nos voix comptaient pour déterminer dans notre pays, qui pouvait venir véritablement gouverner.

Si nous faisions alliance avec cette opposition-là, ce qui allait être contre-nature, on risquait inexorablement d’aller vers une crise institutionnelle. Et ce n’était pas évident que le président Roch Marc Christian Kaboré, avec sa courte majorité, puisse disposer de l’Assemblée nationale avec une majorité acquise pour avoir un Premier ministre, chef du gouvernement et gouverner tranquillement.

Au regard de toutes ces analyses, nous avons choisi de soutenir l’action gouvernementale parce qu’après l’insurrection et le coup d’Etat, il est clair que les Burkinabè veulent la stabilité politique, économique pour reconstruire ce pays.

Je ne sais pas s’il faut parler de soupe. Mais nous avons trouvé dans cette alliance, du dur labeur, où il y a beaucoup de travail, une vision qui consiste à refaire tous les fondamentaux de ce pays pour lui apporter plutôt une alternative  d’une démocratie sociale.

Est-ce cela la soupe ? Je ne crois pas ! C’est du boulot. Si c’est cela la soupe, elle est bien pimentée parce qu’il faut travailler dur pour relever tous ces défis.

B24 : Opposant depuis plus d’une dizaine d’années, aujourd’hui vous vous retrouvez à diriger le pays avec une partie du système que vous combattiez. Comment vous sentez-vous avec le MPP ?

Me B.S : J’apprends à les découvrir. J’apprends à les découvrir et ce, d’autant puisqu’aujourd’hui, les ténors du MPP comme vous le dites eux-mêmes,  ont fait leur apprentissage à l’opposition. Nous avons eu l’occasion de nous côtoyer déjà au niveau du chef de file de l’opposition politique et je n’ai pas connu, je n’ai pas découvert le président Roch Marc Christian Kaboré à la faveur seulement de l’insurrection.

" Il n’y a pas meilleur vent pour celui qui ne sait pas où il va" Me Sankara
« Il n’y a pas de meilleur vent pour celui qui ne sait pas où il va »

Je l’ai connu quand il était président de l’Assemblée nationale puisque moi-même j’ai été élu pour la première fois député depuis 2002.

J’ai été cinquième vice-président de l’assemblée nationale quand il était là. J’ai été chef de file de l’opposition politique contre Roch Marc Christian Kaboré qui a ouvert le siège de chef de file de l’opposition politique.

Je dois dire que ce qui nous unit est plus fort que ce que vous voyez. Nous défendons tous la démocratie sociale. Et je pense que c’est moins les hommes que les actes qu’il faut apprécier.

B24 : Est-ce vous qui avez changé ou ce sont les ténors du MPP qui ont changé ?

Me B.S : C’est le peuple qui a choisi.

B24 : Nous parlons de changement…

Me B.S : C’est le peuple qui a choisi son changement,  si vous voulez. Pas un pas sans le peuple, disons-nous à l’UNIR/PS !

B24 : Me Gilbert Noel Ouédraogo de l’ADF/RDA a fait le parallèle entre son alliance avec CDP et la vôtre avec le MPP. Que répondez-vous ?

Me B.S : Ce n’est pas la même réalité politique parce qu’à l’époque, ce qui était absurde, c’est de vouloir s’entêter à aller contre la volonté du peuple qui ne voulait pas qu’on modifie l’article 37 de la Constitution. Nous, avec nos cinq députés, nous avons plutôt choisi d’aller dans le sens du mouvement de notre peuple qui a choisi une direction. Il n’y a pas de meilleur vent pour celui qui ne sait pas où il va.

B24 : Après votre ralliement à la majorité, votre parti a-t-il sondé de nouveau la base pour recueillir son jugement ?

Me B.S : En adhérant à l’action gouvernementale, nous n’avons pas décidé en dehors des structures. Je dois vous le dire et dire à l’opinion que nous n’avons jamais posé des actes en dehors des organes de base.

C’est le bureau politique national de l’UNIR/PS qui a décidé de cette alliance. La base est intimement associée à toutes les décisions qui seront prises au niveau de l’organe dirigeant de l’UNIR/PS. L’UNIR/PS n’est pas dirigée exclusivement par Me Sankara.

B24 : Depuis quelques mois, les Koglweogo sont sur toutes les langues. Quelle analyse faites-vous des derniers évènements, notamment ceux de Fada ?

Me B.S : D’abord, je condamne tout acte de nature à porter atteinte à l’intégrité physique, morale d’un citoyen, quelle que soit sa forme. Je condamne les dérives qu’on a pu constater çà et là. J’ai eu déjà à m’exprimer en disant que les Koglweogo étaient un mal nécessaire en ce sens qu’on ne peut pas condamner la communauté à la base de s’organiser pour défendre ses intérêts.

Même en Europe, même dans les Amériques, la communauté joue un rôle important. C’est pourquoi d’ailleurs on fait des élections de proximité pour avoir des conseillers municipaux, avoir des maires. Nous avons eu, en tout cas quand j’étais député sous la troisième ou la quatrième législature, à connaitre la loi sur la police de proximité.

A l’époque, c’est des inquiétudes que nous autres avons soulevées  pour dire « faites très attention parce que la sécurité est un élément complexe qu’on ne peut pas laisser entre les mains de n’importe quel quidam« .


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La nature a horreur du vide. Ce qui a justifié effectivement qu’il y ait eu ces initiatives à la base et c’est devenu plus tard des Koglweogo. Ce qui est inadmissible et qui est intolérable, c’est qu’aujourd’hui on les présente comme des hors la loi, des milices à la limite qui défient l’autorité de l’Etat. Et cela devient un danger. Si vous avez des individus qui peuvent s’organiser avec des armes pour aller s’attaquer à une gendarmerie, à une police, à une douane, je pense qu’en ce moment-là, l’autorité n’existe pas.

Ce n’est pas en tout cas le sens noble qu’on a vu au départ et que l’on attribuait aux Koglweogo qui se voulaient purement et simplement une organisation à la base de la communauté pour lutter contre le banditisme, contre la criminalité et appuyer même les services réguliers de gendarmerie et de sécurité.

Je ne sais pas si je me fais comprendre. Mais si ces même initiatives, ces mêmes Koglweogo sont à même de s’ériger en tribunaux pour juger des citoyens, les enfermer, les bastonner et ôter la vie, là il y a un problème. L’Etat doit prendre ses responsabilités.

B24 : En quoi faisant ?

Me B.S : L’Etat doit maintenant s’assumer en les encadrant, en leur donnant soi la légalité ou en les dissolvant.

B24 : Mais quelle est votre position ?

Me B.S : Ma position était qu’il fallait les encadrer. C’est un constat, ces structures existent partout. Mais nous avons maintenant l’impression, et c’est là où il y a le danger, qu’à la limite, ces structures sont instrumentalisées par une main invisible. Quand on regarde à peu près le comportement, la conjonction des faits, moi je me pose beaucoup de questions.

B24 : Une main invisible. Vous pensez à qui ?

Me B.S : On dit AQMI aussi quand les djihadistes frappent. On ne sait pas qui, à moins que quelque part cela soit réclamé et revendiqué.

B24 : Au vu de ces dérives et de ces peurs, ne faut-il pas simplement les dissoudre ?

Me B.S : C’est pourquoi je dis qu’il y a deux situations qui se présentent. Ce sont des structures de fait. On ne dissout, comme quelqu’un l’a dit,  que ce qui est légal. Ce sont des structures qui n’ont pas de légalité. C’est pourquoi j’ai parlé de hors la loi.

B24 : Pourtant, le ministre Simon Compaoré a brandi un récépissé d’existence de Koglweogo la dernière fois…

Me B.S : Oui ! Là ce sont des structures associatives. L’organisation des Koglweogo varie d’une commune à une autre, d’une province à une autre. Les Dozo sont organisés, ils ont des récépissés ? Quand vous prenez une commune qui crée une initiative dans ce domaine avec un récépissé, on connait qui est responsable, qui est dirigeant et qui peut répondre devant la loi.

 

Alliance avec le MPP : « Si c’est cela la soupe, elle est bien pimentée », Me Sankara
Alliance avec le MPP : « Si c’est cela la soupe, elle est bien pimentée », Me Sankara

Mais si vous passez dans une commune X où pour un oui ou pour un non, des gens sortent avec des gourdins, des fusils et se disent Koglweogo sans reconnaissance, il y a problème.  

B24 : Le ministre de la sécurité, Simon Compaoré  propose de recadrer les Koglweogo en leur octroyant une existence légale. Vous voyez-vous voter une loi dans ce sens à l’Assemblée nationale ?

Me B.S : L’Assemblée nationale doit se saisir de ce dossier et même légiférer. En ce moment, le débat va revenir. Les députés qui sont une représentation du peuple vont émettre leur point de vue et ça nous permettra d’ailleurs de pouvoir rattraper et corriger. En termes d’encadrement, il n’y pas meilleur cadrage que la loi.

B24 : Ces derniers jours, il y a eu beaucoup d’évènements, une gendarmerie saccagée, des élèves qui attaquent une maison d’arrêt pour libérer un présumé violeur, des Koglweogo qui donnent un ultimatum aux forces de l’ordre etc. Est-ce une défiance de l’autorité de l’Etat ?

Me B.S : A la limite. Soit une défiance, soit du mépris. Là, c’est extrêmement grave. Une république comme le Burkina Faso ? C’est très grave ! Ces Koglweogo étaient où quand on attaquait Cappuccino ? Ils étaient où quand on tuait des Burkinabè ? Ces Koglweogo étaient où quand la démocratie était confisquée ?

Maintenant qu’on a fait des élections propres, saluées, applaudies par le monde entier, Ban Ki-Moon au nom de l’ONU est venu féliciter le Burkina Faso, ces structures sont en train de ternir l’image de notre démocratie. Je me pose beaucoup de questions !

B24 : Blaise Compaoré peut-il être jugé sans être extradé ?  

Me B.S : Oui ! Par contumace, il peut être jugé. Et la question de nationalité ne fait pas échec à la poursuite judiciaire. Ce n’est pas parce qu’on est Français, Chinois, Ivoirien qu’on ne peut pas être poursuivi pour avoir commis des crimes au Burkina.

Blaise (Compaoré) peut prendre 20 nationalités, s’il a commis un crime au Burkina Faso, la justice burkinabè va le poursuivre. Maintenant, s’il ne comparait pas, c’est autre chose. Ce n’est pas pour autant que les charges qui pèsent sur lui, que la justice ne tirera pas les conséquences.


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B24 : Les affaires de deal de parcelle impliquant Isaac Zida, des blanchiments d’argent en 2015. Quelle lecture en faites-vous ?

Me B.S : J’ai suivi cela dans l’actualité. J’ai aussi noté que la SONATUR a réagi en donnant certaines explications. J’attends aussi la réaction du général Zida pour mieux apprécier.

B24 : En tant que membre de la Haute cour de justice, si ces accusation s’avéraient, quelle suite allez-vous donner à ces dossiers ?

Me B.S : Dura lex sed lex ! (La loi est dure, mais c’est la loi, ndlr). La loi sera appliquée dans toute sa rigueur. Même moi qui vous parle, si je passe sous le coup de la loi, dura lex sed lex. Même le chef de l’Etat n’est pas au-dessus de la loi.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE et Mariam OUEDRAOGO (Stagiaire)

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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