Banfora : Du cinéma contre les grossesses à l’école

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Le Cinéma numérique ambulant dans sa campagne de sensibilisation sur l’abandon scolaire et les grossesses en milieu scolaire s’est déployé dans la région des Cascades, l’une des régions où le phénomène a encore la peau dure. Une centaine de grossesses a été enregistrée dans la région l’année dernière dans les écoles primaires. Pendant 30 jours, il a sillonné 10 localités de la région pour échanger avec les populations sur les causes et les conséquences du phénomène.

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La région des Cascades est l’une des régions du Burkina Faso à fort taux d’abandon scolaire et de grossesses en milieu scolaire.  Parmi les données de l’année scolaire 2014-2015 au primaire, Mariam Bonkoungou Sawadogo, représentante régionale de la promotion de l’éducation des filles et du genre dans la région des Cascades donne quelques chiffres. Sidéradougou a enregistré 45 cas de grossesses,  Noumana 30 cas et Mangodara, 12 cas.

 «De façon globale on avait près d’une centaine de grossesses au niveau des écoles primaires de la région dont la plus jeune avait 12 ans », dit-elle.

Mariam Bonkoungou Sawadogo, représentante régionale de la promotion de l’éducation des filles et du genre dans la région des Cascades - © Burkina24
Mariam Bonkoungou Sawadogo, représentante régionale de la promotion de l’éducation des filles et du genre dans la région des Cascades – © Burkina24

Mais une baisse du phénomène se fait ressentir déjà, selon toujours Mariam Bonkoungou Sawadogo. « Avant qu’on ait même les données de cette année scolaire, on a constaté que le phénomène est en baisse. Par exemple, à Noumana, on a pour le moment zéro grossesse alors qu’on en avait 30 l’année passée,  à Sidéradougou 3 contre 45 ».

Pour elle,  cette baisse s’explique par de fortes actions de sensibilisation entreprises par les différents services de la région, notamment la direction régionale de la promotion de l’éducation des filles et du genre dans la région des Cascades.

« On a fait deux grandes mobilisations sociales en décembre 2015 dans les départements où le taux était élevé. Nous avons préparé un module que nous donnons aux écoles. Quand nous arrivons dans une école primaire, on regroupe les élèves du CE2, CM1 et CM2 parce que l’enfant à partir de 10, 11, 12 ans déjà fait les menstruations, donc il faut prévenir la chose », s’est –elle expliquée.

La direction régionale de l’éducation nationale, elle, a initié une journée de mobilisation sociale dans les zones à fort taux « au cours de laquelle, nous présentons l’état des lieux, nous leur expliquons les causes et conséquences puis nous leur proposons des solutions pour éviter cela ».

Des femmes suivant une projection - © Burkina24
Des femmes suivant une projection – © Burkina24

A cela s’ajoutent les causeries éducatives de l’action sociale dans les écoles et lycées. « A ces échanges, toutes les couches sont associées  et sont amenées à prendre des engagements pour la lutte contre le fléau, les élèves filles et garçons, les responsables religieux et coutumiers, les parents, les mères éducatrices, les enseignants», indique toujours madame Bonkoungou.

Le Cinéma numérique ambulant vient lui aussi apporter sa pierre dans ce lot de sensibilisation mais s’y prend différemment. Comme son nom l’indique, il met l’accent sur l’image pour atteindre ses cibles, les parents et les enfants.

Comment l’équipe de cinéma numérique ambulant s’y prend ?

L’équipe du CNA  séjourne trois jours dans une localité. Dès le premier jour, une rencontre avec les responsables religieux et coutumiers et responsables d’association se tient en vue de les informer et de recueillir leur avis par rapport au phénomène.

Cette rencontre est filmée et projetée dans la soirée sur une place publique. Là aussi, après avoir visionné un court métrage sur les grossesses en milieu scolaire, des débats sont ouverts avec le public qui donne son avis, critique et propose des solutions.

Awa Fofana, animatrice principale de la caravane - © Burkina24
Awa Fofana, animatrice principale de la caravane – © Burkina24

Le deuxième jour, un micro trottoir et un court métrage sur les causes de l’abandon de l’école et les conséquences des grossesses en milieu scolaire sont réalisés avec la population et sont projetés sur la place publique puis suivis débats.

Le troisième  jour est consacré à la synthèse des travaux avec les différents responsables. A l’issue de ces campagnes, « un rapport est rédigé et envoyé aux différents  partenaires », confie Awa Fofana, animatrice principale de la caravane.

Les causes citées par les uns et les autres au cours des différentes rencontres à Banfora, sont multiples. Ce sont, entre autres, la mauvaise compagnie, la démission des parents dans l’éducation des enfants, la pauvreté, l’orpaillage, la télévision, le téléphone portable.

Arouna Drabo, un jeune de 18 ans, lors de l’une des soirées de projection,  a expliqué que « les jeunes filles sont coupables ». Il dit cela parce qu’elles « portent des habits sexy pour sortir. Nous sommes tentés en ce moment, nous ne pouvons pas les laisser ».

Un autre, Issaka Dao, lui accuse les parents qui donnent les téléphones portables aux enfants.

«C’est impossible d’éradiquer le phénomène.  Une fille à 13 ans a déjà un téléphone portable. Elle communique avec les garçons. Nous voyons ça à Banfora ici. (…) A cet âge, si les garçons ne l’ont pas enceintée, ils n’ont pas grouillé !».

Parmi ces causes, ce qui revient aussi fréquemment, dit madame Bonkoungou, « c’est le déplacement des enfants dans d’autres lieux pour étudier. Beaucoup de parents,  du fait que les enfants ont eu le CEP et doivent quitter le village pour le collège dans un département, prennent une maison où ils mettent les enfants filles et garçons confondus ».

Elle poursuit en citant le témoignage d’une fille de Sidéradougou.

«Souvent on leur donne une ration de maïs et de riz avec 5 000 F CFA et quand ça finit, on ne voit plus les parents. Elles n’ont pas de vivres. Elles peuvent s’abstenir des besoins mais il faut qu’elles mangent pour pouvoir étudier. Quelqu’un peut venir les flatter avec 1000 ou 2000 F CFA et elles cèdent».

Les conséquences qui en découlent sont souvent dramatiques. L’abandon de l’école, les fistules, le bannissement de la famille et même la mort s’inscrivent sur cette liste. Sur cet aspect, les témoignages foisonnent.

Ouattara Aboubacar, mécanicien :

mecano« On a vu plusieurs filles avoir des problèmes d’accouchements du fait de leur âge et entendu que plusieurs d’entre elles sont mortes en couche. Quand ce n’est pas le cas, elles finissent dans la pitié et la souffrance par manque de moyens».

Maimouna Kamouni Ouédraogo, mère de famille:  «Nous les parents, on souffre pour mettre nos enfants à l’école et un jour elle vous amène une grossesse. Je ne sais pas pourquoi les enfants sont devenus comme ça malgré l’éducation qu’on leur donne. C’est une honte de voir son enfant enceinte en étant à l’école,  pire encore en étant toujours chez toi. Si vous pouvez nous aider, faites-le ».

Qu’est-ce qui est fait en cas de grossesse de l’enfant ?

 Quels sont donc les mécanismes qui sont prévus en cas de grossesse de l’enfant ? « Il n’y a pas de loi qui condamne cet acte. Lorsque les parents portent plainte, on applique la loi sur le viol lorsque la fille est mineure », laisse entendre Mariam Bonkoungou Sawadogo.

Séance de sensibilisation avant la projection du soir - © Burkina24
Séance de sensibilisation avant la projection du soir – © Burkina24

En ce qui concerne l’action sociale, dit Fatimata Tiemonou, attachée d’éducation spécialisée à la direction provinciale de la femme et de la solidarité nationale et de la famille, la réponse est plutôt centrée sur la conscientisation.

« Quand un cas arrive, ce sont des conseils seulement que nous donnons, dit-elle, à la victime elle-même d’abord et aux parents ensuite. On s’est dit que chacun est responsable parce que quelque part, on se dit que l’éducation a failli au niveau des parents ».

« S’agissant de l’auteur de la grossesse, ajoute-t-elle, quand les parents viennent se plaindre, c’est généralement une convocation qu’on leur remet pour faire venir l’auteur de la grossesse. Mais la plupart du temps quand ils viennent, c’est pour nier. Mais on fait tout pour qu’ils assument la grossesse jusqu’à l’accouchement et prendre en charge l’enfant ».

Des recommandations

A l’issue de ces rencontres, des recommandations ont été formulées. Au niveau de l’Etat, il s’agirait de voter une loi spécifique aux hommes qui enceintent des mineures, intensifier les sensibilisations, insérer  dans les curricula l’éducation sexuelle,  construire des maisons communautaires au niveau des départements pour accueillir les enfants qui viennent des villages, lancer un prix de la meilleure école, celle qui tout au long de l’année scolaire aurait enregistré zéro grossesse  et  impliquer les responsables religieux et coutumiers dans la lutte.

En attendant,  l’initiative du cinéma numérique ambulant a été positivement appréciée.  Djénéba Zerbo, de l’association « Yèrèlon »,  promet déjà de continuer la sensibilisation après le passage du cinéma numérique ambulant.

« De retour dans mon association, dit-elle, je compte aller partager ce que je vais apprendre ici avec les membres de mon association.

projection une 2 Pourquoi pas ne pas inviter nos enfants à venir prendre part aux projections les soirs. J’ai beaucoup appris. Il y a des choses qui ont été dites que je ne savais pas. Je sais maintenant ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, comment commencer à sensibiliser nous-mêmes nos propres enfants, de quelle manière aborder ces choses-là avec les enfants, comment les approcher ».

Le Chef du secteur 8 de Banfora où s’est tenue la dernière étape de la campagne du cinéma numérique ambulant  a appelé la population à suivre les conseils donnés et avec les autres responsables, a pris l’engagement de continuer la lutte pour diminuer, voire éliminer le fléau.

Revelyn SOME

Burkina 24

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