Burkina : « La cote de popularité du Président Blaise Compaoré n’a été aussi élevée », selon le CDP
Dans cette déclaration, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ancien parti au pouvoir, dresse le bilan du parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).
2016, première année de la gestion du pouvoir d’Etat par le régime du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et ses alliés s’achève. C’est donc l’occasion pour notre formation, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) d’exprimer, à l’intention du peuple burkinabè, notre opinion sur le bilan de l’action qui a été conduite par ce régime au cours de l’année écoulée.
Nous formulons cette appréciation en tant que parti, engagé résolument dans une opposition républicaine. Cela veut dire que nous sommes un parti attaché au respect de la légalité constitutionnelle et de l’Etat de droit. C’est un fait que ce régime a accédé au pouvoir par effraction, en violant les droits et les libertés politiques de nombreux citoyens, au terme d’un processus électoral vicié par des mesures d’exclusion clairement condamnées par une décision sans équivoque de la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Nous nous sommes résignés à ce rapt électoral, parce que nous n’avons pas eu d’autre choix, parce que la construction de la démocratie dans nos jeunes Nations emprunte parfois des voies chaotiques et parce que la stabilité de notre pays commandait ce sacrifice. Depuis les élections générales de 2015 et 2016, notre parti a pris rang au sein de l’opposition politique, sans complexe, sans regret et sans nostalgie. C’est le propre de la vie d’un parti démocrate d’osciller entre le pouvoir et l’opposition. Cela dit, notre opposition au régime en place ne s’accompagne d’aucune concession, d’aucune complaisance, d’aucune crainte révérencielle envers les détenteurs du pouvoir actuel, malgré les mesures d’intimidation, d’oppression, de chasse aux sorcières qu’ils n’ont cessé de multiplier à l’égard des membres de notre parti et plus généralement de tous ceux qu’ils estiment réfractaires et nuisibles à leur volonté de mettre le pays sous coupe réglée.
Ce choix de l’intransigeance, raisonnée, ne nous empêche pas d’exprimer à l’occasion de ce bilan une opinion objective sur la gestion du MPP au terme d’une année de pouvoir. Celle-ci est fondée sur des données factuelles que tous les burkinabè ont pu observer, comme nous. Les défis auxquels notre pays est confronté, en cette année 2016, sont multiples et graves. Ils concernent la sécurité du Burkina, la restauration de l’autorité de l’Etat, le développement et l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens, le renforcement de la cohésion nationale, associé au triptyque « Vérité, Justice, Réconciliation », la révision constitutionnelle, l’état de la diplomatie burkinabè et des relations entre notre pays et ses voisins, pour ne citer que les sujets les plus importants.
1 – Le lancinant et angoissant défi sécuritaire
Malheureusement pour notre pays, l’année 2016 s’est achevée aussi tragiquement qu’elle a commencée, avec l’attaque terroriste meurtrière survenue le 16 décembre 2016, à Nassoumbou, qui a coûté la vie à 12 de nos valeureux soldats. Au-delà de la vive émotion que tous les burkinabè ont ressentie après les drames qui ont endeuillé notre Nation, en janvier, comme en décembre 2016, nous devons tirer les leçons de ces tragédies.
La première leçon qui s’impose à notre conscience nationale est que notre pays est en guerre. C’est sans doute une guerre inhabituelle, parce que notre ennemi n’est pas une armée conventionnelle, agissant au nom d’un Etat belligérant clairement identifié et localisable. Mais c’est bien une guerre féroce, qui par des escarmouches répétées, meurtrières et sauvages, vise à déstabiliser notre Etat et à détruire les fondements de notre société, en faisant peser la même menace sur l’ensemble de la sous-région ouest-africaine. Tout cela est connu des dirigeants des pays concernés et de l’ensemble des Etats du monde affectés par le péril terroriste.
Mais la question que l’on est en droit de se poser pour notre pays est la suivante : Certes, il n’est facile pour aucun Etat de lutter efficacement contre le terrorisme fanatique ; mais depuis le tragique coup de semonce de janvier 2016, avons- nous vraiment pris toutes les mesures qui étaient à notre portée pour prémunir notre pays contre l’ampleur, la permanence et le caractère insidieux de ce danger ?
Cette question, à vrai dire, est purement rhétorique. Nous n’en escomptons aucune réponse détaillée de la part du Gouvernement, car justement l’un des principaux travers des nouvelles autorités burkinabè est d’étaler sur la place publique les sujets de défense nationale et de sécurité publique, en offrant le loisir à toutes sortes d’activistes irresponsables de s’improviser comme stratèges de la protection de l’intégrité territoriale.
En posant cette question, ce que nous voulons mettre à nu, c’est la carence manifeste qu’ont montré, face à la menace terroriste, les autorités en charge de la défense et de la sécurité. Après un désastre comme celui qui vient de se produire à Nassoumbou, on se serait attendu à un réaménagement en profondeur de la hiérarchie militaire au plus haut niveau, de même que dans la dévolution des portefeuilles ministériels de la Défense et de la Sécurité. Le limogeage du Chef d’état-major des armées est une saine décision. Mais elle ne suffit pas. La gravité de cette situation appelle des mesures d’une plus large ampleur. Pour dire les choses franchement, en prenant la responsabilité d’assumer personnellement la fonction de Ministre de la Défense, le Chef de l’Etat s’est placé lui aussi en première ligne dans la gestion de cette crise. Si le ministre avait été une autre personne, celle-ci aurait dû rendre sa démission face à une telle situation. La raison et le sens des responsabilités commandent que le Chef de l’Etat prenne d’autres dispositions concernant la gestion de ce département, au titre de la place qu’il y occupe lui-même, comme à l’égard de ses collaborateurs immédiats. Cette question relève évidemment de son pouvoir discrétionnaire, mais nous sommes parfaitement fondés, en tant que parti politique, à émettre une opinion à ce sujet, en raison de la gravité des circonstances.
Le Ministre de la Sécurité, trop bavard comme à son habitude, a cru bon d’imputer le résultat désastreux de cette attaque au fait que les assaillants disposaient d’un armement supérieur à celui de nos forces armées sur place. Outre que cet aveu public est incongru, est-il pensable que nous ayons positionné des troupes pour prévenir des attaques terroristes dans cette zone, en ignorant le type d’armement que leurs assaillants éventuels pourraient utiliser ? Le moins que l’on puisse dire est que tout cela montre hélas un amateurisme criard de la part des responsables de notre dispositif de défense et de sécurité.
Il faut avoir l’honnêteté et le courage de dire les choses telles qu’elles sont. En dissolvant l’ancien Régiment de sécurité présidentielle (RSP), par démagogie et pour assouvir des rivalités au sein de la hiérarchie militaire, le régime de la transition a, du même coup, affaibli le système de renseignement de notre pays et détruit la seule unité opérationnelle de lutte anti-terroriste, entraînée et aguerrie dont disposait notre armée.
Dans la situation de guerre anti-terroriste larvée que connait notre pays, le Gouvernement gagnerait à réexaminer avec discernement la question de la réintégration des membres de l’ex RSP dans le service opérationnel de l’armée, en procédant aux évaluations et aux réaffectations qu’il jugera opportunes. Dans la tradition de délire paranoïaque qui lui est coutumière, le MPP a cru bon d’indexer à nouveau les membres de l’ancienne majorité et de l’ex Front républicain comme instigateurs de l’attaque terroriste de décembre 2016. Cette allégation grotesque et stupide ne mérite même pas d’être démentie. Nous choisissons d’y répondre par le mépris.
Nous en appelons à la vigilance de nos compatriotes pour apporter leur pleine et entière collaboration à ce combat contre les forces obscurantistes, qui est celui de notre liberté en tant que Nation laïque, regroupant des adeptes de confessions religieuses diverses, aspirant à vivre ensemble dans une communauté démocratique et fraternelle.
Nous exhortons le Gouvernement à prendre courageusement les mesures énergiques qu’exige la situation, du point de vue de la gestion du dispositif de défense et de sécurité. Nous l’invitons, s’il ne l’a déjà fait, à engager les actions nécessaires pour revigorer le moral de nos troupes combattantes, en les plaçant dans des conditions optimales pour affronter cette guerre asymétrique, qui a déjà coûté à notre pays le sacrifice de plusieurs de ses fils les plus dignes.
2 – L’abaissement continu de l’autorité de l’Etat
Ce n’est un secret pour personne : l’autorité de l’Etat burkinabè a été constamment bafouée tout au long de l’année 2016. Les exemples de cette dérive qui mine profondément la gestion publique et la vie citoyenne foisonnent et restent présents à l’esprit de la plupart des burkinabè : actes d’indiscipline notoires et violences répétées dans les écoles, incidents multiples occasionnés par les dernières élections municipales, contestations récurrentes des décisions prises par des autorités administratives, propension des citoyens à se rendre justice eux-mêmes dans les circonstances les plus diverses, etc. … Nous ne relèverons ici que deux manifestations, parmi les plus symboliques, de cet abaissement de l’autorité de l’Etat sous le règne du MPP.
Première illustration symptomatique de ce phénomène : la défiance permanente que les groupements d’auto-défense créés spontanément par certaines communautés n’ont eu de cesse d’exercer à l’égard de la puissance publique. Le principe de la contribution des citoyens à la préservation de la sécurité et de la tranquillité dans l’agglomération où ils résident n’est pas une mauvaise chose en soi, surtout lorsqu’il s’appuie sur des pratiques coutumières mettant en jeu l’entraide et la solidarité communautaires. Mais les dérapages auxquels nous avons assisté, des mois durant, avec l’exercice de violences corporelles et l’exigence de rançons de la part de certains « kogleweogo », en violation flagrante des lois de la république, ne sont pas dignes d’un Etat de droit. La réponse apportée jusqu’ici par le Gouvernement à cette question demeure ambiguë. La sécurité des burkinabè est-elle encore de la responsabilité de l’Etat, ou dépend-elle, dans certaines zones hors-la-loi, de milices privées agissant pour leur propre compte, en toute indépendance et impunité ? Il est plus que temps que cette question soit réglée avec clarté et rigueur, même si nous comprenons parfaitement le souci des populations de voir apporter une solution efficace et de proximité à la défaillance de l’autorité publique en matière de sécurité.
Deuxième illustration de l’affaissement de l’autorité de l’Etat : l’humiliation qui est faite au Chef de l’Etat lui-même par le refus du « général » Zida d’obéir à ses injonctions. Il y a plusieurs mois, c’est par la voix du Chef de l’Etat lui-même que nous apprenions, avec force détails, que le « général » Zida qui avait bénéficié d’une autorisation pour se rendre à l’étranger se trouvait désormais en situation irrégulière au regard de la discipline militaire, le délai de sa permission d’absence ayant largement expiré et l’intéressé refusant d’obtempérer à l’ordre qui lui était donné de rejoindre les rangs de l’armée. Il faut bien se rendre à l’évidence que la désertion de cet officier de l’armée est maintenant largement consommée et établie. Depuis lors, les autorités burkinabè qui se sont montrées promptes, dans d’autres circonstances, à lancer des mandats d’arrêt internationaux à hue et à dia, semblent être saisies subitement d’un mutisme inexplicable. Le Chef de l’Etat, qui prenait un plaisir manifeste à nous conter par le menu ses échanges épistolaires (par sms et par lettre) avec l’officier fugitif pour l’inciter à rentrer au pays, est devenu lui aussi silencieux sur ce sujet, nous laissant dans un suspense insoutenable.
C’est seulement le 29 décembre 2016 que le Président du Faso reviendra sur ce sujet au cours d’une interview, pour annoncer que « Le général Isaac Zida sera rayé des forces armées nationales ». Cette information est loin de suffire à éclairer l’opinion sur toute l’étrangeté de cette affaire. L’on est en droit, par exemple de se demander pourquoi le chef suprême de l’armée et de la justice militaire ne réclame pas l’extradition de Zida, comme il le fait avec zèle à l’égard d’autres burkinabè poursuivis pour des faits moins graves que ceux qu’il a lui-même relevés à l’encontre de l’ancien Premier Ministre.
Nous en sommes réduits à faire le constat simple que M. Zida a choisi de bafouer impunément l’autorité de son supérieur hiérarchique direct, le Ministre de la Défense, de surcroît Chef de l’Etat et chef suprême des armées. Et le régime du MPP qui prétend donner des leçons de gouvernance vertueuse et rigoureuse à tout le monde jette un voile impudique sur cet acte d’indiscipline et d’impunité notoire.
Est-il besoin de faire d’autres commentaires sur cette pantalonnade qui est à l’image de la république bananière qu’est devenu le Burkina Faso ? Pas vraiment. Il ne nous reste qu’à attendre patiemment l’épilogue ou le nouvel épisode de cette bouffonnerie, en nous interrogeant, comme tous les burkinabè, sur la raison qui justifie l’extrême complaisance du pouvoir à l’égard du « général » Zida. Le régime a-t-il peur que Zida une fois revenu au Burkina dévoile des secrets inavouables sur ses connivences avec le pouvoir ?
3 – Mythes et réalités concernant le développement de l’économie nationale et l’amélioration des conditions de vie des burkinabè
Une réalité éclate aux yeux de tous : les burkinabè sont fatigués ! Les promesses mirobolantes du régime du MPP, les annonces démagogiques associées au PNDES ne changent rien à cette dure réalité du vécu quotidien de nos concitoyens. Les conditions de vie de la population se sont dégradées, dans tous les milieux. Pas besoin de statistiques pour mesurer ce marasme. Il suffit d’aller au marché, dans n’importe quelle localité du pays. Il suffit de parler aux commerçants, aux artisans, aux ouvriers, aux paysans, aux membres des professions libérales, à ceux qui gèrent des activités de services : hôtellerie, tourisme, secteur bancaire, assurances, etc.
Le slogan « plus rien ne sera comme avant », qui exprimait l’espoir des citoyens en des lendemains meilleurs après l’insurrection, recèle aujourd’hui des relents d’amertume. Il fait place désormais à un sentiment de dépit, de regret, de trahison. A présent, l’opinion dominante est que « avant, c’était mieux ». Nous suggérons aux dirigeants du MPP, s’ils ne l’ont déjà fait, d’organiser un sondage pour leur propre gouverne. Ils constateront, comme le font de nombreux burkinabè à travers le pays, que jamais la cote de popularité du Président Blaise Compaoré n’a été aussi élevée.
Nous invitons nos compatriotes à ne pas se bercer d’illusions sur les promesses mirifiques que le gouvernement se glorifie d’avoir soutiré des bailleurs de fonds lors de la récente table ronde de Paris. Oui, il y a certainement eu des « promesses» prometteuses de la part de certains bailleurs. Mais c’est la loi du genre. Des bailleurs se sont déclarés intéressés à participer au financement des projets de développement de notre pays, comme ils le font avec tous les pays qui organisent de telles rencontres. Il faut ensuite traduire ces manifestations d’intérêt en projets concrets, aptes à mobiliser de véritables partenariats. Peut-être devrions-nous commencer déjà par enrayer la fuite des investisseurs étrangers et nationaux qui, à cause de la morosité économique et de la dégradation du climat des investissements, choisissent de quitter le Burkina pour délocaliser leur activité à l’étranger.
En tout état de cause, notre souhait est que le Gouvernement parvienne à lever effectivement ces ressources et à mettre en œuvre son programme économique, parce qu’il y va de l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens, même si nous devons faire preuve de lucidité dans cette matière et garder présent à l’esprit qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Peut-être est-il bon de rappeler que sous la présidence de Blaise Compaoré, de l’aveu unanime des institutions financières internationales, notre pays a réalisé des performances exceptionnelles, aussi bien en matière de croissance économique, que sur le plan du développement humain, sans avoir besoin d’organiser une grande messe de mendicité internationale.
Pour ne pas donner le sentiment de nourrir une polémique politique par des affirmations gratuites, citons juste quelques données chiffrées tirées de l’ouvrage de Jean Michel Sévérino et Olivier Ray, intitulé « Le temps de l’Afrique », édité en 2010. Citant le Burkina parmi les pays africains « à l’avant-garde du développement », ces deux anciens responsables de l’Agence française de développement (AFD) rappellent que le taux de croissance de l’économie burkinabè s’est établi depuis 1995 à plus de 6% de moyenne annuelle. Dans le secteur de la santé, le pays a connu une chute significative de la mortalité maternelle et infantile, comme de la prévalence du sida, passée de 7% à 2% de la
population entre 1997 et 2006. Le taux de scolarisation a plus que doublé passant de 30% à 68% entre 1990 et 2007. Tandis que la proportion de la population vivant sous le seuil de de la pauvreté, de l’ordre de 45% diminuait d’année en année. Tout cela pour dire que notre pays était engagé sur une trajectoire de progrès et que le véritable défi qui se pose aux dirigeants actuels est de faire au moins aussi bien que le régime auquel ils ont succédé. Pour l’heure, ce pari semble loin d’être gagné.
4 – Le défi du renforcement de la cohésion nationale sous l’influence du triptyque « Vérité, Justice et Réconciliation »
La cohésion de la Nation burkinabè a été largement ébranlée par les crises politiques que notre pays a connu depuis près de trois décennies et singulièrement au cours des deux dernières années. L’histoire politique récente de certains pays africains (Afrique du sud et Rwanda) montre que lorsqu’une nation est confrontée à une crise sociale profonde et douloureuse, qui met à mal son unité, la meilleure voie pour retrouver le chemin de la réconciliation consiste parfois à recourir à une justice transitionnelle, en marge des procédures judiciaires ordinaires, afin de nouer un dialogue, franc, fécond, destiné non seulement à établir la vérité sur les blessures réciproques des parties en conflit, mais aussi et surtout à favoriser le pardon mutuel.
De toute évidence, le pouvoir en place au Burkina Faso, empêtré dans ses propres rivalités et obsédé par une soif de revanche à l’égard de tous ceux qu’il associe à l’ancien régime, n’a ni l’ouverture d’esprit, ni le sens de l’intérêt national, ni la hauteur de vue, ni la volonté politique nécessaires pour engager un tel processus. Chaque fois qu’on lui pose la question sur ce qu’il compte faire dans ce domaine, le Chef de l’Etat se borne à répéter que la réconciliation doit être précédée de la vérité et de la justice. Dans les cas d’espèce, cette justice est, pour l’essentiel, celle qui doit être rendue par des juridictions d’exception : Tribunal militaire et Haute cour de justice. Quand bien même ces juridictions ont largement démontré, dans le cadre des instructions ouvertes en leur sein, combien elles sont peu soucieuses du respect de la légalité, de l’équité, des droits de la défense, en somme de la vraie justice.
Le CDP prône la réconciliation nationale, parce qu’après les déchirements que notre pays a connus, cette voie est celle de la raison, de la sagesse, si nous voulons tourner la page des divisions pour ouvrir un avenir de paix, de stabilité, de liberté, de démocratie et de progrès pour tous les burkinabè. Comme nous n’avons eu de cesse de le répéter, nous n’avons pas peur de la justice. Même si nous avons de bonnes raisons d’être méfiants devant le parti pris évident et les dérives arbitraires des juridictions d’exception qui sont à l’œuvre au service du MPP.
S’il faut en passer par la justice, alors nous disons tout net au régime du MPP : « Chiche ! Ouvrons tous les procès, une fois pour toutes ! ». Pour nous, les implications de cette option sont claires et pratiques :
– Cela veut dire que dans l’instruction du dossier de l’assassinat de Thomas Sankara, nous exigeons que tous les protagonistes de la crise politique de 1987 qui étaient à la manœuvre pour justifier le mouvement de rectification, rédiger des communiqués insultants et incendiaires sur le défunt président soient inculpés des mêmes chefs d’accusation que M. Gabriel Tamini. Si l’équilibre du traitement judiciaire de cette affaire ne peut être établi à l’égard de toutes les personnes concernées, alors l’équité et l’égalité de tous devant la justice commandent que M. Tamini soit libéré et les poursuites contre lui levées.
– Cela veut dire que l’affaire Dabo Boukary doit être instruite sérieusement et jugée dans la plus grande transparence, avec une comparution publique de toutes les personnes mises en cause dans ce drame, à un titre ou à un autre et, notamment celle de M. Salifou Diallo.
– Cela veut dire qu’après la levée de l’immunité parlementaire du député Salifou Sawadogo, à qui il serait reproché d’avoir joué un rôle dans l’incendie de biens privés à l’occasion du putsch de septembre 2015 ( ce que l’intéressé n’a cessé de démentir), des enquêtes et des poursuites judiciaires doivent être engagées de même contre les commanditaires, auteurs et complices des multiples incendies de biens privés et publics qui ont eu lieu en octobre 2014 et septembre 2015.
– Cela veut dire que le député Bissiri Sirima qui, à en croire la presse, aurait été pris en flagrant délit d’une fraude sur l’acquisition, le dédouanement et l’immatriculation d’un véhicule, devrait voir son immunité parlementaire levée pour répondre de ces faits devant la justice.
– Cela veut dire que les enquêtes parlementaires sur les transactions foncières présumées irrégulières commises par certaines personnalités choisies de façon sélective au sein des membres de l’ancien régime devraient être étendues à d’autres anciens élus municipaux, notamment à ceux qui ont fait l’objet de sanctions administratives pour des faits de cette nature (cas de M. Seydou Zagré) ;
– Cela veut dire qu’une instruction judiciaire doit être formellement ouverte contre l’ancien Premier ministre Yacouba Isaac Zida, à la fois pour les faits de malversations foncières et financières dénoncées publiquement par le Chef de l’Etat et pour les faits de désertion dont il s’est rendu coupable. Des soldats croupissent dans les geôles de la MACA pour des délits moindres.
– Cela veut dire que les patrimoines immobiliers acquis par les présidents d’institution et les ministres de la transition doivent être audités. - Cela veut dire que les officiers de l’état-major de l’armée et les membres du cabinet du ministère de la Défense qui auraient approuvé, formellement ou par leur silence, le putsch de septembre 2015, devraient subir la même inculpation que les dizaines de militaires qui se sont trouvés poursuivis dans cette affaire, sans avoir le même niveau d’implication et de responsabilité que les officiers précités.
Oui notre parti n’a pas peur de la justice, pourvu qu’elle soit la même pour tous, pour peu qu’elle soit rendue dans des conditions équitables, transparentes, sur la seule base des règles de droit et dans le strict respect des droits de la défense. Ni la justice militaire, ni la Haute cour de justice n’offrent actuellement ces garanties. C’est pourquoi nous militons ardemment pour la suppression de ces juridictions d’un autre âge. Et nous nous réjouissons que la commission constitutionnelle ait pris cette option salutaire, au stade actuel de ses travaux.
5 – Les enjeux confus de la révision constitutionnelle
Le régime du MPP tient à marquer son accession au pouvoir par l’adoption d’une nouvelle constitution, consacrant l’ouverture d’une cinquième république. Les travaux préparatoires de la Commission constitutionnelle sont en cours et nous jugerons sur pièce si ses conclusions justifient les proclamations du MPP tendant à faire croire qu’il va refonder la démocratie burkinabè.
Certains esprits tendancieux ont reproché à la Constitution de la quatrième république d’avoir été taillée sur mesure pour Blaise Compaoré. A écouter les polémiques ouvertes qui opposent les deux tendances significatives du MPP, tout l’enjeu de la nouvelle constitution semble être de savoir si elle sera taillée au gabarit de Roch Kaboré ou à celui de Salif Diallo. Tout cela est affligeant et nous ne pouvons que nous en remettre à la sagesse des membres de la Commission constitutionnelle pour que le destin de nos institutions ne soit pas réduit à cette rivalité subalterne.
Là aussi quelques rappels sont utiles pour mesurer les progrès accomplis en matière de démocratie sous le régime passé :
- – Mise en place d’un statut du chef de file de l’opposition, doté d’un budget adéquat ;
- – Renforcement du rôle du Parlement à travers l’obligation faite au Premier Ministre de présenter à l’Assemblée Nationale une Déclaration de Politique Générale, sanctionnée par un vote de confiance ;
– Adoption du mode de scrutin de la proportionnelle au plus fort reste pour les élections législatives, ce qui a permis à certains partis d’opposition peu représentatifs d’accéder à l’Assemblée Nationale ; - Adoption d’une législation empêchant le « nomadisme politique ». D’autres avancées sont possibles, pour donner davantage de vigueur à notre système démocratique, notamment en matière de protection des droits et des libertés des citoyens.
6 – Le déclin de la diplomatie burkinabè
Sous Blaise Compaoré, notre pays était un acteur majeur de la diplomatie, de la paix et de la stabilité sous – régionale. Par dépit, les esprits envieux et chagrins du MPP s’ingénient en vain à dévaloriser cette influence, en prêtant à l’ancien Chef de l’Etat, contre toute vraisemblance, de supposées connexions coupables avec les mouvances djihadistes. Ce faisant, ils s’obstinent à prendre leurs désirs pour des réalités, en refusant tout simplement d’admettre la réalité en face. C’est parce qu’il jouissait de cette influence diplomatique indéniable que Blaise Compaoré a joué un rôle central dans la résolution de la plupart des crises qui ont affecté les pays de la sous-région : en Côte d’Ivoire, au Mali, au Togo, en Guinée. C’est parce qu’il bénéficiait de cette aura internationale, appuyée sur des capacités adéquates en matière de renseignement militaire que plusieurs puissances occidentales ont eu recours à ses bons offices pour trouver une issue aux prises d’otages concernant leurs ressortissants. S’il entretenait la moindre connivence avec les groupes de ravisseurs, cela serait de notoriété publique et les puissances concernées en auraient tiré les conséquences. Maintenant, que dire de l’action diplomatique du régime du MPP ?
Après sa prise de fonction, on se serait attendu à ce que le Président Roch Kaboré effectuât une visite dans les pays voisins pour perpétuer une tradition bien établie et renforcer les liens d’amitié qui unissent le Burkina à ces Nations sœurs. Au lieu de cela, il n’a rien eu de plus pressé que de se précipiter à Paris, précédé par tout un tintamarre, qui donnait à penser que c’est cette visite au palais de l’Elysée qui consacrerait son adoubement comme membre du club des dirigeants reconnus sur la scène internationale. Il y reçut l’accueil désinvolte que la France réserve aux Chefs d’Etat africains qui forcent son hospitalité et les burkinabè en ressentirent une humiliation parfaitement justifiée.
Jusqu’à ce jour, nous attendons toujours la tournée qu’il s’était promis, publiquement, d’effectuer dans les pays voisins après son investiture. Ce déplacement n’a sans doute plus aucune utilité, puisqu’il s’est tout de même rendu dans toutes les capitales du voisinage, au gré des conférences internationales de la sous-région. Mais cela n’a évidemment pas la même signification qu’une visite d’amitié en bonne et due forme.
Certes, il y eut la visite à Yamoussoukro, chez notre voisin le plus proche, pour la traditionnelle réunion du Conseil des ministres conjoint du Traité d’amitié et de coopération entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Ce traité est un instrument majeur pour donner une substance concrète à la relation de solidarité et de fraternité qui doit unir nos deux pays, au-delà des aléas des changements de régime qui peuvent survenir de part et d’autre de notre frontière commune. Les projets de développement communs et structurants qui ont été engagés dans le cadre de cet accord ont survécu à la chute du Président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, comme à celle du Président Compaoré au Burkina Faso. Ils ont une importance vitale pour les populations des deux pays, qu’il s’agisse de l’autoroute entre Abidjan et Ouagadougou, de la réhabilitation du chemin de fer, de la fourniture d’électricité, des questions portuaires, de la situation de nos compatriotes résidant en Côte d’Ivoire, etc. Ils constituent en eux-mêmes, par ailleurs, un moteur de l’intégration régionale et tracent les prémisses d’un renforcement progressif de la communauté de destin qui n’a cessé d’unir les deux pays tout au long de leur histoire.
Cela montre clairement que ce qui prime dans cette relation, c’est l’intérêt commun et la solidarité des deux Nations, davantage que les affinités personnelles contingentes entre leurs dirigeants, qui peuvent connaître des hauts et des bas, au gré des circonstances. Comme ont pu le constater tous les familiers du climat fraternel qui préside habituellement aux rencontres qui se tiennent dans le cadre du Traité d’amitié, celle de 2016 s’est déroulée dans une atmosphère peu chaleureuse, comme si les deux parties souhaitaient se débarrasser au plus vite d’une formalité encombrante. Nos compatriotes résidant en Côte d’Ivoire, qui ont observé ce refroidissement manifeste des relations d’amitié entre nos deux pays en ont gardé un sentiment de déception et d’inquiétude.
C’est un fait que les autorités ivoiriennes ont montré de nombreux signes de bonne volonté pour rétablir un climat de confiance entre les deux pays, notamment en consentant à l’extradition de plusieurs ressortissants burkinabè recherchés pour leur implication présumée dans des faits délictueux liés à des évènements militaro-politiques au Burkina. Une partie de l’opinion publique ivoirienne commence à manifester une certaine lassitude devant la réticence que semble manifester la partie burkinabè à tourner la page des incompréhensions passées et à renouer des relations simples, confiantes, fraternelles.
En résumé, sous le régime du MPP, notre rôle diplomatique dans la sous-région est devenu inexistant et nos relations avec notre voisin le plus proche peinent à retrouver leur proximité et leur lustre d’antan. Alors, ce bilan est-il largement positif, comme le prétend le Chef de l’Etat ? Les burkinabè jugeront. Mais le début d’une année nouvelle est aussi l’occasion d’aborder l’avenir avec espoir, en formant le vœu que celle-ci soit meilleure que celle qui s’achève.
C’est ce souhait ardent que nous formulons, au seuil du Nouvel An, pour tous nos compatriotes, résidant sur le territoire national, comme au-delà de nos frontières, pour les hôtes étrangers qui vivent parmi nous. Que 2017 soit pour nous tous une année de paix, de sécurité, de santé, de concorde, de progrès.
Dieu bénisse le Burkina Faso.
Démocratie Progrès Justice
Pour le service communication
De la commission Ad’ hoc du CDP
Hamadou Amadou MAIGA
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