L’UNIR/PS dans l’opposition : «Peut-être qu’aujourd’hui, le Burkina était dans une crise »

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L’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS) a reconduit, lors de son 2e congrès ordinaire qu’elle a tenu du 27 au 29 janvier 2017 à Ouagadougou, Me Bénéwendé Sankara à la tête du parti. Quand est-ce que l’homme à la barbichette va céder sa place à la jeunesse de son parti ? Burkina 24 a rencontré ce dernier le mardi 31 janvier 2017. Outre cette question, Me Sankara, qui a rattaché son parti à la majorité, a fait le bilan de ce choix et a également analysé la situation sécuritaire du Burkina et le comportement de l’opposition.

Burkina 24 (B24) : Votre parti vient tenir un congrès ordinaire. Que peut-on retenir en substance de cette rencontre ?

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Me Bénéwendé Sankara (Me BS) : Ce qu’il faut retenir en substance, ce sont les conclusions. On peut retenir cette recommandation qui impose au Bureau politique national (BPN) de revoir le Programme alternatif Sankariste (PAS), le relire pour prendre en compte les nouvelles mutations de notre société. Nous avons réaffirmé notre ligne idéologique, notre orientation politique.

L’innovation à ce congrès a été la journée du 28 (janvier 2017) qui a été consacrée à un certain nombre de panels, de débats autour du questionnement : est-ce que le Sankarisme est une idéologie, est-ce que c’est un mode de gouvernement ou simplement une orientation politique ? Ensuite, nous avons revisité notre apport, notre participation à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

Aussi, un des panels a permis à tous ceux qui se posent des questions  sur notre alliance avec le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, parti au pouvoir) de venir poser toutes les questions. Il n’y avait pas de sujet tabou. Nous avons aussi discuté en interne des textes du parti et procédé au renouvellement de l’organe dirigeant.

B24 : Vous avez été reconduit à la tête de l’UNIR/PS. Quand allez-vous passer la main à la nouvelle génération ?

Me BS : Quand elle sera prête et quand elle le voudra ! Même si c’est tout de suite, moi je suis prêt. Mais je veux savoir, je ne suis pas de la nouvelle génération,  moi ?

B24 : Vous êtes à la tête du parti il y a bien fort longtemps. N’y a-t-il pas de velléité de la jeunesse de vouloir prendre les devants et de s’affirmer ?

Me BS : C’est même pour cela que vous constaterez que dans le nouveau bureau, dans le nouveau Secrétariat exécutif national (SEN), il y a une émergence de la jeunesse.

Vidéo : « Quand on créait le parti Sankariste, vous ne trouvez même pas les gens pour mettre dans l’organe dirigeant »

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B24 : Mais cette émergence peut-elle influencer les décisions qui sont prises ?

Me BS : Si ! Quand vous regardez le taux de renouvellement du secrétariat exécutif, vous avez plus de sang neuf. Avant ce congrès, nous étions 18 (anciens membres du SEN). Sur les 29 membres du Secrétariat exécutif national, seulement 11 sont des anciens. Vous comprenez aisément que nous avons connu, dans l’organe dirigeant, une arrivée de nouvelles têtes, de nouvelles compétences.

Je vous rappelle que quand on parle de passer la main, n’oubliez pas d’où nous venons. Quand on créait le parti Sankariste, vous ne trouvez même pas les gens pour mettre dans l’organe dirigeant. Aujourd’hui, il y a une bataille. En tout cas, à l’UNIR/PS, il y a une émulation positive parce que pour arriver à proposer, dans le consensus, les différents organes que nous avons, souvent, ce n’était pas facile. Mais on est arrivé en toute camaraderie, dans le consensus qui est notre règle de conduite, à une équipe qui est attendue sur le résultat.  

A chaque fois je le dis, nous à l’UNIR/PS, nous préparons la relève. On ne fait pas de l’alternance pour de l’alternance. Nous souhaitons que ces Sankaristes qui n’ont pas connu le président Thomas Sankara du vivant puissent continuer avec le flambeau, porter haut le flambeau dans la formation politique que nous leur apportons, parce que l’UNIR/PS est avant tout une école. C’est une école où nous formons cette jeunesse. Je peux affirmer qu’elle est maintenant capable, elle est vraiment prête à continuer le combat. C’est avec fierté que je tire mon chapeau à cette jeunesse.  

B24 : Déjà plus d’une année que votre parti a rejoint la majorité présidentielle. Est-ce que le bilan reflète vos attentes ?

Me BS : L’ensemble des congressistes a prouvé à travers les débats que le bilan de l’alliance est positif. Le premier acquis fondamental à cette alliance, c’est la stabilité que l’UNIR/PS a apportée. Vous savez qu’avec nos 5 députés, si on n’avait basculé dans l’opposition, peut-être qu’aujourd’hui, le Burkina Faso était dans une crise institutionnelle et politique. Le Chef de l’Etat, Son Excellence Roch Marc Christian Kaboré n’allait pas pouvoir peut-être avoir un Premier ministre issu de la majorité. Et s’il y a une cohabitation, qui dit cohabitation dit crise. Nous avons dit, à l’UNIR/PS, que nous n’allons pas être comptables de cette crise.

Deuxièmement, nous n’avons pas voulu d’alliance contre-nature. Le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, parti de Blaise Compaoré, ndlr) que nous avons combattu pendant plus d’une décennie, je ne vois pas quel projet de société, quel programme politique l’UNIR/PS pouvait aller soutenir avec le CDP et l’ADF/RDA.

Par contre, le MPP a été le résultat de la prémonition du journaliste Norbert Zongo qui avait écrit pour dire qu’un méga parti comme le CDP qui a tout verrouillé, le changement viendra de l’intérieur. Effectivement, en 2014, des ténors du MPP ont quitté le CDP pour venir dans l’opposition et soutenir le programme que l’opposition à l’époque avait conçu dans sa lutte pour dire non à la modification de l’article 37 de la Constitution.

Vidéo –  « Souvent, il y en a qui nous ont taxés de tous les noms d’oiseaux » (Me Sankara)

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L’épilogue a été l’insurrection populaire. A l’UNIR/PS, nous sommes un parti de gauche comme le MPP  s’en réclame aussi. De ce point de vue, nous n’étions pas gênés à faire une alliance stratégique, structurelle avec un parti qui est aussi de la même sensibilité politique que nous. Le programme de gouvernement soutenu aujourd’hui par Son Excellence Monsieur le Premier ministre, l’UNIR/PS s’y retrouve en quelques points. Par exemple aujourd’hui, le gouvernement est en train de revenir sur des fondamentaux Sankaristes comme le mot d’ordre, produisons et consommons burkinabè.

Aujourd’hui, le président par intérim du MPP prône la rupture. Vous avez écouté les discours Sankaristes du président Salif Diallo à l’Assemblée (nationale). Je peux me résumer pour dire que le vrai problème qui reste et qui intéresse vraiment les Burkinabè, en dehors de la stabilité, c’est l’exécution du mandat pour lequel le président du Faso a été élu, c’est-à-dire, apporter aux Burkinabè des réponses aux aspirations, à savoir lutter contre la pauvreté, travailler à ce qu’il n’y ait plus de chômage dans ce pays, à refaire le système éducatif, de santé. Ce travail, nous avons estimé que le PNDES est un apport important.

Nous avons dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Si on n’arrive pas à satisfaire les attentes des Burkinabè, ils vont se sentir trahis et délaissés et une autre insurrection pourrait venir. Nous avons procédé à toutes ces analyses pour se dire, in fine, il faut qu’on se mobilise pour apporter plus d’espoir. Maintenant, passons aux actes. 

B24 : Actuellement, est-ce qu’il y a des germes qui puissent conduire éventuellement à une insurrection populaire ?

Me BS : Si ! Il y a des signes qui ne trompent pas. J’ai dit tout à l’heure que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Une insurrection est un soulèvement dû à un mécontentement. C’est une révolte. La révolution, c’est la transformation, c’est le couronnement de l’insurrection ou du soulèvement, parce qu’en ce moment, c’est la question de la gestion du pouvoir d’Etat qui peut être mise sur la table.

Les germes, c’est quoi ? Après l’insurrection, après la résistance au putsch (de septembre 2015), les Burkinabè s’attendent à des actions fortes. Pourquoi nous, nous avons réaffirmé notre Sankarisme ? Le Pr Barro Abdoulaye l’a démontré, Thomas Sankara était la pensée et en même temps l’action. Une action innovante. Par rapport à une situation, il avait une réponse. Et les Burkinabè s’attendent à cette systématisation. C’est pour cela que quelqu’un avait dit, qu’il n’y aura pas de trêve.

C’est pour cela moi je salue cette idée qui a consisté à mobiliser les ressources à travers le PNDES. Les temps ne sont plus les mêmes. Sous la révolution, entre 1983 et 1984, l’Effort populaire d’investissement, les sacrifices que le peuple faisait, aujourd’hui, vous ne pouvez plus l’obtenir parce qu’il y a eu plus de 27 ans de politique d’asservissement. Notre jeunesse aujourd’hui a une mentalité qu’il faut reconvertir. On attend tout. Les sacrifices, les gens, ils ne sont pas prêts parce qu’ils se disent que dès qu’on a un pouvoir, c’est lui qui doit régler les problèmes. Mais ça se fait avec des ressources et il faut les trouver.

Si vous regardez la fronde sociale, les différentes revendications syndicales, c’est de l’argent. Tout est fondé sur l’argent. C’est les salaires qu’il faut relever parce qu’on dit que la vie est chère et c’est dans tous les segments de la société. Mais n’oubliez pas que ceux qui ont la possibilité aujourd’hui d’aller en grève par rapport à ceux qui sont dans l’informel, c’est presque la moitié du budget de l’Etat qui va en termes de salaire entre les mains des gens qui ne sont pas plus de 200 000, alors que nous sommes 18 millions. Les 18 millions de Burkinabè ont aussi droit de vie.

Au regard de tout cela, je crois que le mécontentement sous-jacent à tous les niveaux est la première source. Je pense qu’avec 2017, il y aura plus d’actions fortes sur le terrain pour que les Burkinabè soient désormais convaincus, qu’ils aient confiance à l’autorité politique qui est en train de se battre pour se faire évaluer en fin de mandat.

B24 : De vos relations actuellement avec les autres partis Sankaristes, quels types de rapport entretenez-vous ?

Me BS : (Rire) Nous n’avons jamais eu de rapports houleux avec les partis. C’est vrai que souvent, il y en a qui nous ont taxés de tous les noms d’oiseaux, mais en toute humilité, on fait notre chemin. Ce qui fait que ni moi-même, ni les militants de l’UNIR/PS, je n’ai pas vu un camarade de l’UNIR/PS qui a une animosité avec un autre camarade qui se dit Sankariste.

D’ailleurs, j’ai dit après l’insurrection que le Sankarisme n’est plus l’apanage de l’UNIR/PS ou des partis politiques. Tout le monde maintenant se réclame Sankariste. Le Sankarisme appartient à tout le monde, au Burkina comme ailleurs. Il y a des partis politiques en dehors du Burkina qui sont Sankaristes. Nous souhaitons simplement entretenir les meilleures relations avec les hommes de bonne volonté qui prennent fait et cause pour notre peuple.

Nous nous n’avons de problèmes avec les partis politiques, même pas seulement les Sankaristes. Nous avons toujours eu de meilleurs rapports. Même quand nous étions dans l’opposition, nous respections nos adversaires politiques. Aujourd’hui encore, nous respectons les partis politiques qui sont dans l’opposition et à la majorité, nous n’avons certainement pas de difficultés.

B24 : Pour revenir à votre alliance avec le MPP, n’avez-vous pas l’impression d’avoir déçu des Burkinabè au regard des réactions de certaines personnes lors de vos sorties ?

Me BS : Je n’en sais rien. Ceux qui me jugent, c’est leur liberté de me juger. Mais je me remets chaque fois au jugement de ma conscience, à celui de Dieu et à celui du peuple. Aujourd’hui, est-ce vrai ou faux qu’en prenant une telle décision courageuse politiquement, nous avons fait en sorte que le Burkina Faso soit dans la stabilité ? C’est une évidence.

Maintenant, les calculs, les coups…si on est en politique, on accepte aussi ses conséquences. Quand on aime la rose, il faut savoir qu’elle a des épines.

Vidéo – Ce que Me Sankara pense de l’actuelle opposition

Burkina 24

B24 : Avec l’avènement du MPP au pouvoir et au regard du contexte politique, certains observateurs disent ne pas sentir l’opposition qu’ils qualifient de « molle ». Pensez-vous que l’opposition n’est pas assez incisive actuellement ?

Me BS : (Rire) Je ne vais pas faire l’insulte à l’opposition. L’opposition est respectable. Quand on regarde même l’Assemblée nationale, on voit que l’opposition a même émergé. Il y a une sorte d’équilibre des pouvoirs quand on prend toutes les tendances confondues et puis, ils ont un chef de file, même si à l’intérieur il y a des chapelles, nous on ne rentre pas dans ça.

Sous Blaise Compaoré, quand on fait l’analyse, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous avons combattu un régime et son système. Comme Salif Diallo l’a dit, nous avons eu l’impression qu’il y avait une patrimonialisation (du pouvoir). Tous les rapports, Crisis group, tout ce que vous voulez, le MAEP, en remontant même au Collège des sages, même ceux-là qui n’étaient pas des hommes politiques ont dit que sous Blaise Compaoré, la démocratie était verrouillée. A un moment donné, c’était devenu comme une sorte de cocotte-minute et ça a pété.

Aujourd’hui, à chaque fois, je demande à nos amis de l’opposition, quelle est votre plateforme ? Il me semble qu’ils n’ont même pas de siège pour le moment. Je ne sais pas s’ils en ont eu. Pourtant, les ressources au niveau du Chef de file de l’opposition sont grimpées. Quand j’étais chef de file de l’opposition politique, pour arriver même à créer l’institution, il a fallu faire des investissements, mais on était plus soudé autour de la feuille de route.

Après les élections, quelqu’un est élu avec un programme qu’il doit appliquer. L’opposition devrait maintenant jouer le rôle de contre-pouvoir. Contrôler l’action du gouvernement pour voir si effectivement tout ce qui a été promis sera réalisé.

B24 : Joue-t-elle ce rôle actuellement ?

Me BS : Elle essaie. Mais je pense que le problème, c’est arriver à fédérer tout le monde. C’est pour cela que je disais dès le début que l’UNIR/PS s’est démarquée de l’opposition immédiatement après les élections parce qu’il ne faut pas aller faire une opposition contre-nature. Aujourd’hui, nous estimons que les questions politiques ont été réglées, ce qui reste, ce sont les questions de développement. L’opposition est interpellée sur les questions de développement. Et je pense qu’elle fait aussi ce qu’elle peut.

B24 : Actualité oblige, le Nord du pays est menacé par le terrorisme. Les corps enseignant et judiciaire sont  menacés. Le gouvernement annonce des mesures. Quelle est votre analyse de la situation ?

Me BS : C’est quand même une situation extrêmement grave. Le terrorisme ce n’est pas seulement le Nord du Burkina, c’est avant tout un phénomène mondial qui frappe beaucoup de pays. Pendant le congrès, nous avons appelé les forces progressistes à une conférence autour de la question, parce qu’on estime que ces questions sécuritaires ne doivent pas seulement être laissées aux Forces de défense et de sécurité. Il faut mener une guerre généralisée et populaire contre le terrorisme. Et pour lutter contre un phénomène, il faut connaitre ses causes, ses origines et ses manifestations. En ce moment, on peut trouver les moyens opérationnels pour l’endiguer.

Mais quand vous suivez au Burkina de plus en plus, ça fait peur. Même le débat tout récemment sur la laïcité, vous avez vu une espèce de tollé autour d’un avant-projet de loi qui n’est même pas sur le bureau de l’Assemblée nationale ? Je veux parler du projet de loi sur les libertés religieuses. Quand vous écoutez certains résonnements, certaines radios, on se demande si au Burkina Faso, on n’est pas vraiment en train de s’enliser ? Ça fait peur !

Une fois de plus, je répète que les valeurs de la démocratie, les vertus de la démocratie, le vivre-ensemble, le respect de l’autre dans sa foi religieuse, dans ses convictions politiques, le pluralisme qu’on a dans la liberté de presse, c’est un tout qu’il faut fédérer pour former une nation, parce que nous visons tous en tant que Burkinabè, à vivre ensemble et à cheminer ensemble.

Mais si, à un moment donné, il y a des groupes de personnes qui réfléchissent autrement et qui veulent exclure les autres parce qu’ils ne pensent pas comme vous, parce qu’ils n’ont pas la même foi que vous, ça devient problématique. Le terrorisme se cache derrière ces terreaux qu’il exploite.

Le gouvernement est en train de prendre des mesures sécuritaires, de renforcer au niveau du Nord. Je reste convaincu que maintenant, les partis politiques doivent se jeter dans la danse avec leurs militants, les sensibiliser, les éduquer et travailler en synergie avec nos amis des autres pays pour que les peuples en fassent leur affaire.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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