Chroniques de Ramadan : Bénéficier du paradis et échapper à l’enfer
Chaque jour, pendant le mois de Ramadan, l’imam Alidou Ilboudo développe un aspect important à savoir sur le jeûne musulman.
Dès le début de cette chronique j’avais promis de parler du paradis et l’enfer. J’y arrive aujourd’hui. Tout d’abord il faut savoir que l’affaire n’est pas aisée. D’habitude les théologiens font l’économie de certaines questions et épargnent aux fidèles les discussions autour.
Quoi de plus normal quand on sait que le fidèle n’a pas souvent besoin de ces arguties. Il en est ainsi du paradis et de l’enfer. La première difficulté était de trancher s’ils étaient des lieux ou des états. La seconde de savoir s’ils sont vécus ou situés ici-bas ou dans un autre monde.
Le paradis (tout comme l’enfer) est-il un lieu défini dans un espace donné ? Ce lieu se trouve-t-il ici-bas ou dans un autre espace ?
Ou sont-ils juste des états de félicité (paradis) et d’infortune (enfer) ?
Les gens y seront-ils avec leurs corps physiques ou seulement avec leurs âmes ?
S’agit-il pour le paradis, du même jardin où vécurent nos aïeux Adam et Eve ?
Voilà bien des questions qui ont alimenté la pensée islamique médiévale tant au niveau du fiqh (jurisprudence), de la théologie (alkalam) que de la philosophie (falsafa).
La pensée sunnite à laquelle nous adhérons nous recommande « la foi des vieilles femmes » sans poser trop de questions. C’est ce que nous tentons d’enseigner : le paradis et l’enfer appartiennent à l’autre monde, l’au-delà ; les choses peuvent avoir les mêmes noms que celles d’ici, mais les réalités sont différentes. Point barre. Ça peut être suffisant pour les paysans de mon village mais loin d’être satisfaisant pour des élèves de terminale A4.
Le sujet est très intéressant et ceux qui sont intéressés peuvent lire Mohammad Al Gazali(le frère de l’autre), Alfarabi, Badawi , Henri Corbin, Tariq ramadan… mais là n’est pas l’objet de mon écrit.
Mon propos du jour est que le fidèle semble agir juste pour avoir le paradis et échapper à l’enfer. Cela se comprend quand nous sommes dans « l’adoration pure » où l’intérêt d’une personne humaine n’est pas à prendre en compte. Ce qui est difficile à trouver ; nous avons déjà évoqué le caractère social des actes d’adoration. Chaque fois qu’Allah nous prescrit une adoration, il y a un bénéfice pour les créatures, car l’adoration n’ajoute rien à Allah et la négation ne lui enlève rien non plus. Nous adorons Allah pour nous bonifier en caractère et être utile.
Ainsi donc, la profession de foi renforce notre confiance à Allah, nous fait comprendre que tout est contingent et que seul Allah est absolu.
La prière nous éloigne des actes blâmables
La zakat purifie nos cœurs, notre esprit, nos biens et nous éloigne de l’avarice et de l’égoïsme .
Le jeûne augmente notre piété et cultive l’endurance, la maitrise de soi et le partage avec le prochain.
Quand on regarde les finalités supérieures de ces actes, on voit bien que l’adoration sert la famille d’Allah comme le dit le hadith : « toutes les créatures constituent la famille de Dieu et le plus aimé de Dieu est celui est utile à la famille d’Allah »
D’où vient donc que le croyant limite son bien à l’acquisition du paradis et à l’affranchissement de l’enfer ?
Les récits sont nombreux où l’enfer et le paradis sont évoqués et à les lire superficiellement, on peut passer à côté de la bonne compréhension. Le prophète a dit : « Celui qui jeûne un jour dans le sentier d’Allah, Allah éloigne son visage de l’enfer d’une distance de 70 ans (*) »(Rapporté par Boukhari dans son Sahih n°2840 et Mouslim dans son Sahih n°1153)
Et aussi : « Il y a certes dans le paradis une porte que l’on appelle Ar Rayan. C’est par cette porte que les jeûneurs vont rentrer le jour de la résurrection et personne d’autre qu’eux ne va rentrer par cette porte. Il sera dit : Où sont les jeûneurs ? Alors ils se lèveront et personne d’autre qu’eux n’entrera par cette porte. Une fois qu’ils seront rentrés cette porte sera fermée et plus personne ne rentrera par cette porte » Rapporté par Boukhari dans son Sahih n°1896 et Mouslim dans son Sahih n°1
152)
Si on prend littéralement ces textes, le fidèle sera tenter de croire que faire le bien, c’est juste pour gagner le paradis et se préserver du châtiment alors que c’est tout le contraire ; ce qui est recherché, c’est l’utilité et le paradis est une motivation pour nous y conduire, une récompense. On ne peut pas agir juste pour la récompense, mais pour la finalité. La récompense est une émulation ; elle introduit la notion de compétition : » devancez-vous vers le pardon d’Allah et son paradis qui dépasse en surface les cieux et la terre », dit le coran.
Le texte suivant nous ramène à une juste perception des choses : « alors qu’un homme cheminait, il fut pris d’une grande soif. Il trouva un puits dans lequel il descendit et but. Quand il en sortit, il vit un chien haletant qui mangeait de la boue sous l’effet de la soif. L’homme se dit : « Ce chien est en proie à une soif semblable à celle que je viens d’éprouver il y a peu. » Il descendit alors dans le puits et remplit d’eau sa chaussure qu’il tint entre ses dents jusqu’à ce qu’il se hissât en dehors du puits. Ainsi, il donna à boire au chien. Dieu lui en fut reconnaissant de sorte qu’il lui pardonna, et le fit entrer au paradis. » Les compagnons du Prophète lui demandèrent (surpris) : « Ô Messager de Dieu, nous serions récompensés pour (avoir été compatissants envers) des animaux ? » Le Prophète dit : « Pour tout foie humide (c’est-à-dire tout être vivant), il y a une récompense.» (Al-Bukhârî, Muslim)
On voit ici la sincérité de l’homme. Son acte est totalement désintéressé. Il a eu pitié du chien assoiffé et l’a abreuvé. En ce moment précis de son acte, il n’attendait ni récompense ni compliment, alors Allah lui donne le paradis. C’est cela la piété. Faire ce qui est juste et bien en tout temps sans plus.
Les mystiques du 8ème et 9ème avaient atteint des degrés pareils. Rabia disait dans ses élégies : » O Seigneur, si je t’adore pour ton paradis ne me le donne pas. Et si je t’adore par crainte de l’enfer, jette-moi dedans la tête en première. Je t’adore pour ton amour et juste parce que tu l’as commandé. »
Je me suis laissé dire par exemple que si des gens construisent des mosquées, c’est parce qu’ils ont lu ou entendu ce texte : « D’après ibn Abbas qu’Allah l’agrée, le prophète -que les éloges et le salut d’Allah soient sur lui- a dit: Celui qui a construit une mosquée pour Allah, Ne serait-ce que de la taille d’un nid d’oiseau, Allah lui construit une maison au Paradis.
Et comme ils n’ont pas entendu de textes parlant d’écoles, de dispensaires ou d’usines, ils n’en construisent pas. Mais que vaut, une mosquée remplie d’ignorants, d’affamés et de malades ?
Je parle souvent du paradis, très souvent même, mais pour ceux qui me connaissent c’est à la colonie des enfants. Non pas que je crois que c’est des légendes pour enfants, mais parce que pour la motivation des adultes, c’est la recherche du mieux-être de l’humanité. Le paradis et l’enfer viennent en 2ème position, comme bonus, mais pas comme objectifs. Bonne suite de ramadan à tous!
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Bonjour, il faudrait peut-être afficher l’e-mail de l’Imam pour qu’on puisse lui poser des poser et approfondir nos connaissances! Il est édifiant et ce serait passé à côté de quelques savoirs que de ne pas pouvoir lui poser des questions.