Pascal Zaïda : « Il faut que Blaise rentre témoigner de sa gestion avec ses anciens amis»
Le coordonnateur national du Cadre d’expression démocratique (CED), Pascal Zaïda, surtout connu pour ne pas avoir sa langue dans la poche, estime que « la Haute cour de justice et le tribunal militaire doivent disparaître ». Par ailleurs, selon lui, pour une véritable réconciliation nationale au Burkina Faso, il faut forcément le retour de Blaise Compaoré. Lisez plutôt.
Burkina24 (B24) : Vous avez tenu le samedi 17 juin dernier votre assemblée générale à Bobo-Dioulasso. Quelles ont été les conclusions de cette rencontre ?
Zaida Pascal (Z.P) : Effectivement, la coordination régionale de Bobo-Dioulasso a organisé une AG avec la participation d’une délégation de la province de la Comoé, du Kénédougou et même une délégation venue de Bama. Cette activité entre dans le cadre de délocalisation du CED, pour permettre à nos camarades et l’ensemble des jeunes du pays d’être au même niveau d’information.
Les travaux ont conduit à la production d’un certain nombre d’appels et de motions comme: l’appel à la suppression de la Haute cour de justice et du tribunal militaire, l’appel pour la réconciliation nationale et le retour de tous les exilés avec Blaise Compaoré en tête.
B24 : La veille de l’AG, vous avez rendu visite aux autorités coutumières et administratives de Bobo-Dioulasso. De quoi était-il question ?
Z.P : Les autorités religieuses et coutumières ont toujours été des interlocuteurs pour nous. Quand le temps nous le permet et selon leur disponibilité, nous leur rendons visite.
Cette visite aux notabilités de la ville de Sya entrait dans le cadre de l’AG. Il s’agissait de partager nos préoccupations avec eux et recevoir leurs précieux et sages conseils et bénédictions. Contrairement à ce qui peut être pensé, nous avons au Burkina des notables véritablement sensibilisés sur les questions majeures comme l’incivisme, la sécurité, le chômage et la réconciliation.
B24 : Lors de cette assemblée générale, vous avez évoqué la question de la relance économique de Bobo-Dioulasso. Que dites-vous au juste ?
Z.P : Bobo, depuis plusieurs années, a du mal à décoller vraiment. Pour une capitale économique, beaucoup d’investissements et davantage de présence de l’Etat central manquent. Le chef des bobos mandarè nous disait par exemple que l’argent d’un seul échangeur pouvait faire beaucoup de choses à Bobo.
B24 : L’actualité ces derniers temps, c’est l’affaire de la suspension du jugement de l’ancien gouvernement Luc Adolphe Tiao, suite au verdict du Conseil constitutionnel. Quelle lecture en faites- vous ?
T.P : Nous avions depuis l’ouverture de ce procès appelé à la suppression de cette juridiction politique et permettre qu’une juridiction indépendante et professionnelle se saisisse du dossier. Le travail des politiciens députés, c’est au parlement et pas à la justice. Ils n’en ont ni les compétences ni l’indépendance requises. Où est donc la séparation des pouvoirs ? On pensait même que le Conseil constitutionnel allait trancher définitivement le problème. Mais souvenez-vous que ce sont les mêmes qui ont torpillé notre loi fondamentale et s’étaient déclarés incompétents sur la requête de l’ex-majorité sur la légalité de cette loi.
Souvenez-vous que ce sont les mêmes qui ont validé la candidature de Roch (Marc Christian Kaboré, ndlr) malgré les preuves de son inéligibilité. Et comme dans sa composition, vous connaissez toutes les têtes, leur vrai visage et leur intention.
Le Conseil constitutionnel ouvre encore un boulevard au gouvernement qui a introduit un projet de loi à l’assemblée pour permettre à la Haute cour de justice de juger leurs amis devenus ennemis à cause du pouvoir. Mais comme la loi n’est pas rétroactive, elle va juger qui ? Peut-être le gouvernement Thiéba, sinon pas le gouvernement Tiao en tout cas. Et j’ai foi aux avocats de la défense. Conclusion, cette Haute cour de justice et le tribunal militaire doivent disparaitre.
B24 : Pensez-vous que ce procès aboutisse un jour ?
Z.P : Il faut au moins qu’un jour on sache la vérité, si oui ou non l’article 37 était légalement modifiable, si oui ou non un gouvernement a le droit de délibérer sur les questions relatives aux troubles à l’ordre public et enfin si oui ou non c’est Mr Zida qui était chef des opérations du RSP les 30 et 31 octobre !
Pour nous, non seulement il faut que ce procès aboutisse mais il faut que tous les dossiers le soient aussi. Une justice qui choisit des dossiers pour être plus efficace et courageuse, nous n’en voulons pas.
B24 : Vous affirmez avec vigueur que la réconciliation nationale passe par le retour des exilés politiques, plus précisément de l’ancien président du Faso Blaise Compoaré. Pourquoi cette insistance ?
Z.P : Vous pensez vraiment que pour un État démocratique, un citoyen soit obligé de vivre hors de son pays ? Vous pensez que la réconciliation dont on parle pourrait être viable et durable en ayant des exilés hors du pays?
Après avoir dirigé le Burkina Faso avec Salif (plus de 17 ans ministre), Roch (10 ans président de l’Assemblée nationale, Premier ministre, ministre de l’économie et des finances, président du CDP plus de 10 ans), Simon Compaoré (17 ans maire central de Ouagadougou) pendant 27 ans, vous pensez qu’il est acceptable que cet homme reste dehors pour avoir respecté la Constitution de son pays ?
Il faut que Blaise rentre pour témoigner de sa gestion avec ses anciens amis. Ceci non pas pour plaire à quelqu’un, mais pour l’histoire de tout un peuple.
B24 : N’est-ce pas parce que votre proximité avec l’ancien pouvoir, comme le disent certaines langues, qui vous oblige à prôner le retour des anciens barons ?
Z.P : (Rires) Vous plaisantez ! Je ne possède pas de carte politique. Au contraire ! Il me semble loin d’avoir été un proche de l’ancien pouvoir. Les plus proches de l’ancien régime ne sont autres que les tenants actuels du pouvoir. J’ai officiellement nommé Roch, Salif, Simon… et j’en passe.
Les OSC, véritables contre-pouvoir ont pour vocation de se battre pour les faibles face aux forts et actuellement, c’est notre posture : exiger du pouvoir la bonne gouvernance, une justice indépendante, la sécurité, et un partage juste des fruits de la croissance du pays. Et cet engagement, n’en déplaise aux soi-disant vertueux, je l’aurai tant que j’en aurai la force !
B24 : Djibril Bassolé, le dernier ministre des affaires étrangères de Blaise Compaoré, et d’autres qui sont incarcérés à la MACA attendent toujours leur procès. Vous et votre organisation prônez leur libération sans condition. Pourquoi ?
Z.P : Entendons-nous bien. Nous n’avons jamais demandé d’impunité pour qui que ce soit. Depuis deux ans, des personnes sont incarcérées sans procès pour une affaire de coup d’État, sans être jugées, alors même qu’ils sont malades!
Dans le cadre de la défense de la démocratie, la promotion des valeurs humaines, nous disons, qu’il faut être objectif, honnête et sincère ! Ceux qui nous gouvernent aujourd’hui ne sont pas des extra-terrestres et la roue tourne.
Jugez-les ou libérez-les. Comme ils disent eux-mêmes, le principe c’est la liberté !
B24 : Il se dit que vous avez rendu visite à Djibril Bassolé à la MACA. Peut-on en savoir les raisons ?
Z.P : (Rires). Je n’ai jamais rencontré le Général Bassolé de ma vie ! Que soit avant son arrestation ou maintenant! Vous savez pourquoi ? Quelqu’un que tu n’as jamais rencontré, tu vas aller lui dire quoi puisque vous n’avez jamais eu de relation? Et comme je suis égal à moi-même, je préfère rester dans mon coin que d’aller me ridiculiser. Cela est vérifiable.
Allez- y à la justice militaire voir si un jour je suis passé là-bas demander une autorisation. Ils ont les archives de tous ceux qui se rendent à la MACA.
B24 : Comme la CODER, vous prônez la renonciation nationale et le pardon. Quel est le lien entre votre organisation et la CODER ?
Z.P : Aucun lien avec ce regroupement politique qui fait comme nous le pari sur la réconciliation comme seule option pour le pays.
B24 : Quel contenu donnez-vous aux termes « réconciliation » et « pardon » ? Pensez-vous que les Burkinabè sont vraiment divisés ?
Z.P : Ce n’est pas le fruit d’une pensée, ce sont des faits, les Burkinabè sont divisés en citoyens dignes ou indignes. Les artisans de cette division sont bien entendu le président de la transition et son gouvernement et le Conseil national de mon ami Sy Cherif et validé par le Conseil constitutionnel qui a torpillé notre Loi fondamentale pour permettre la transmission du pouvoir.
Aujourd’hui, que tu penses que Zida a détourné de l’argent public avec ses copains insurgés, ou que tu penses que dans une démocratie les élections sont ouvertes, des spécialistes en « gouvernance » te donnent la qualité de citoyen ou pas. Pour régler cette anomalie, une réconciliation s’impose et son processus devrait permettre de répondre sans faux-fuyant aux questions du moment.
Propos recueillis par Lassina Fabrice SANOU
Correspondant Burkina24 à Bobo-Dioulasso
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