Le regard de Monica – « Bébés non désirés »

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Le Regard de Monica est une chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina.monica-rinaldi Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.

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Le 9 août 2017, une fillette a été retrouvée sur un tas de poubelle à Pissy, tremblante de froid, son placenta étant en train d’être dévoré par les porcs. Sauvée par une femme qui a entendu ses pleurs et qui l’a emmenée au centre social du quartier, elle se trouve aujourd’hui à l’orphelinat de la Patte d’Oie, où elle a été baptisée Helena.

L’information, relayée par l’un des Burkinabè les plus suivis sur les réseaux sociaux, Alain Christophe Traoré alias Alino Faso, interpelle la conscience collective sur l’abandon des nouveau-nés. Des bébés à peine venus au monde, souvent encore avec leur placenta, sont jetés dans des toilettes, des caniveaux, des tas de poubelle, destinés à une mort atroce sans même connaître la douceur de l’amour maternel.

 Pourtant, au Burkina comme ailleurs, il est possible de laisser son bébé devant une église ou un orphelinat, de façon anonyme, pour au moins lui donner la chance de survivre, de trouver une famille d’adoption et de grandir entourés par l’amour que chaque enfant mérite. Mais qu’est-ce qui pousse une femme – une mère – à abandonner son enfant, le fruit de ses entrailles, tandis que d’autres femmes parcourent cliniques, lieux de culte et cases de féticheurs pour connaître la joie d’enfanter ? Plus loin, comment est-il possible qu’en 2017 il y ait toujours des grossesses non désirées ?


Une prévalence contraceptive insuffisante

Bintou a 21 ans. Après avoir échoué deux fois au BEPC, ses parents l’ont retirée de l’école. Elle a donc commencé à vendre des boissons fraîches dans les rues de son quartier. Bintou est Burkinabè : elle vient d’un Pays où le taux de prévalence contraceptive est l’un de plus bas au monde, à peine 24,6%. Ainsi les femmes en âge fertile (de 15 à 49 ans) sont exposées au risque de grossesses non désirées. Pourtant, les produits anticonceptionnels sont disponibles dans toutes les formations sanitaires du Pays, à des prix fortement subventionnés. Mais Bintou ne s’y intéresse pas. Elle ne va au CSPS que quand elle est malade.

Comme elle, la majorité des filles et des femmes n’en utilisent pas, n’en veulent même pas, et cela est motivé principalement par des idées reçues, mais aussi par l’environnement familial et social dans lequel évoluent les femmes, qui les décourage à demander des services de planification familiale. Ainsi les statistiques, qui parlent de moins de 10% de besoins en contraception non satisfaits, cachent une réalité inquiétante : les besoins non satisfaits sont bas tout simplement parce que les besoins exprimés sont bas !

Le résultat est escompté : des taux d’avortement (clandestin au vu de son illégalité) élevés et, quand l’avortement ne marche pas ou n’est pas à la portée de la mère, des abandons de nouveau-nés. Mais qu’est-ce qui motive la réticence des femmes à utiliser des contraceptifs modernes ?

Des craintes immotivées… et beaucoup de « bouche-à-oreille » nuisible

Depuis quelques semaines, Bintou a entamé une relation avec un homme qu’elle a connu durant ses promenades dans le quartier pour vendre ses boissons fraîches. Elle ne le sait pas, mais cet homme est marié. Elle n’est que l’une de ses copines, qu’il fréquente quand sa mauvaise volonté l’emmène à tromper sa femme. Mais il ne se protège pas, et Bintou non plus.

Si elle avait eu accès à Internet, elle aurait peut-être posté une question du genre « J’ai un cycle de 30 jours et j’ai eu des rapports non protégés le 12e et le 14e jour. Est-ce que je risque de tomber enceinte ? ». Ce genre de questions reviennent régulièrement dans les groupes de femmes dans les réseaux sociaux, et toute une panoplie de réponses sont données, dont certaines curieuses voire carrément comiques : « Oui mais bois deux cocas avec deux paracétamol et tu ne risques rien » (ce qui causera probablement une tachycardie et une hausse de la tension artérielle… mais qui n’empêchera certainement pas à une grossesse de s’implanter !!).

Mais Bintou n’a pas un smartphone, elle ne bénéficie donc pas de ces « conseils », ni elle risque de tomber sur des conseils plus avisés.  Elle compte les jours de son cycle, comme une voisine lui a conseillé de faire. Or parmi les méthodes contraceptives, celle du calcul des jours fertiles est certainement la moins fiable (environ 60% de succès) à cause de la difficulté de maîtriser le cycle menstruel et les facteurs qui peuvent influencer la fertilité : des imperceptibles variations hormonales peuvent faire avancer ou reculer l’ovulation de quelques heures, en faussant les calculs et en exposant celle qui s’y confie au risque de grossesse. Pourtant, cette méthode si peu fiable est la plus répandue !

L’une des causes de cela sont les (fausses) idées reçues sur les méthodes contraceptives modernes : Bintou en a peur, elle a entendu plein d’histoires aux contours très vagues sur des femmes qui étaient sous contraception et qui, par la suite, soit ont eu des problèmes pour tomber enceinte, soit ont eu des problèmes de santé.  Bien que les produits contraceptifs ne soient pas sans danger, l’incidence des effets indésirables est infiniment plus basse que ce que les rumeurs courantes ne feraient croire. Malheureusement, trop de filles se fient à ces « on-dit », se laissent décourager, et finissent par contracter une grossesse dont elles ne veulent pas.

Une société stigmatisante

Les jeux sont faits. Quelques mois après avoir entamé sa relation avec l’homme marié, Bintou a un retard. Alarmée, elle en parle à son partenaire, qui lui dit simplement de se débrouiller, et disparaît. Elle en parle alors à ses amies, qui lui conseillent d’avorter.  Mais l’avortement coûte près de 500.000 FCFA, une somme que Bintou ne rêve même pas, alors que son ex-copain est désormais injoignable.

 Désespérée, elle essaie d’avorter par des méthodes plus économiques, forcément plus dangereuses… Heureusement (ou malheureusement, selon elle), elle n’arrive qu’à se créer une infection, que l’on réussit à soigner sans qu’elle ne perde sa grossesse.

Mais sa famille est scandalisée : leur fille est enceinte d’un homme qui a pris la fuite ! Son père la chasse du domicile familial, la sommant de ne pas y mettre pieds avec un enfant sans père, et Bintou trouve refuge chez une tante, qui néanmoins s’occupe à peine d’elle et lui fait comprendre qu’elle ne pourra pas la garder avec son bébé.

 Les mois passent, Bintou ne sort pas de la maison de sa tante de crainte de se faire voir enceinte, et le jour de l’accouchement, est seule. Elle ne veut pas aller à la maternité, alors elle traverse seule les longues heures de travail et donne naissance à une fillette… dont elle ne veut pas. Avec la faveur des ténèbres, le cœur meurtri, elle sort donc du domicile de sa tante pour se rendre dans l’espace vide peu loin. Et y laisser le nouveau-né, marque de sa honte, l’être à cause duquel son père l’a chassée. Le destin du bébé la tourmentera toute sa vie, mais elle ne s’en rend pas compte. Elle veut tout oublier, rentrer chez elle, reprendre sa vie et regarder au futur…

 Combien de Bintou sont parmi nous ?

L’histoire de Bintou est une œuvre de fantaisie, mais elle est tristement proche de celle qui se trouve derrière bon nombre d’abandons de nouveau-nés. La méconnaissance des méthodes contraceptives et la stigmatisation sociale sont les principaux éléments en cause de ce triste phénomène. Tant que des filles seront chassées par leurs familles, indexées et marginalisées par la société en tant que filles-mères.

Tant que des idées fausses seront répandues sur les méthodes pour prévenir des grossesses, les histoires comme celle de Bintou, les retrouvailles comme celle de la petite Helena – souvent à l’épilogue tragique, car beaucoup plus nombreux sont les bébés qui ne survivent pas – continueront de hanter nos consciences…

Monica RINALDI

Chroniqueuse pour Burkina 24

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Rédaction B24

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Un commentaire

  1. bonjour je désire adopté un nouveau né oubien la petite Héléna.

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