Cimetière de Dagnoën : Mais où est donc la tombe de Thomas Sankara ?
Ce 15 octobre 2017 marque les trente ans de la disparition de Thomas Isidore Noël Sankara, le père de la révolution burkinabè. Mais tout comme ces deux derrières années, il n’y aura pas de cérémonie de recueillement et d’hommage sur la présumée tombe de Thomas Sankara, assassiné lors d’un coup d’Etat le 15 octobre 1987. Et cela depuis l’exhumation de la supposée tombe de Sankara le 26 mai 2015. Pourtant, à chaque 15 octobre, Dagnoën faisait l’attraction des sympathisants, héritiers de Sankara et même des touristes venus de tous les coins de la planète. Mais, il n’y a pas que la baisse d’attraction qui retient l’attention de ceux qui fréquentent ces cimetières. Sur les tombes exhumées, d’autres tombes y ont poussé. Comment cela a-t-il été possible ?
Reportage au cœur d’un cimetière jadis attractif.
Ce vendredi 13 octobre 2017, il est 9h au cimetière de Dagnoën. A l’intérieur du long mur qui sépare les cimetières des habitations, le décor est tout autre. Seul, un chemin disparait au milieu d’un espace de hautes herbes. Les tombes sont presque toutes recouvertes d’herbes. A quelques endroits, on retrouve de nouvelles tombes dont la taille ne laisse aucun doute que leurs occupants soient de nouveau-nés. Contrairement à d’autres cimetières, ici, il n’y a aucun vigile, les cimetières sont laissés à eux-mêmes. C’est à peine, si d’anciennes tombes ne sont pas déterrées pour enterrer de nouveaux corps.
Dieudonné Tapsoba, habite non loin du cimetière depuis très longtemps. Il a d’ailleurs été un témoin privilégié de l’évolution de ce vaste cimetière public et ce, bien avant l’assassinat du président Sankara. Il nous sert de guide.
« L’entretien du cimetière n’est confié à personne. Chacun vient faire ce qu’il a à faire et il disparait, sans que personne ne dise quoi que ce soit », nous raconte Monsieur Tapsoba, quelque peu mécontent de cet état de fait. « Un jour, raconte-t-il, des gens ont eu l’audace de venir creuser une tombe derrière le mur. J’ai été alerté par des jeunes du quartier et quand je suis arrivé, figurez-vous qu’ils m’ont même menacé. Je suis alors reparti à la maison amener mon fusil de chasse et j’étais prêt à abattre celui qui s’entêterait à creuser la tombe dehors ». Et ce désordre ne finira pas de sitôt tant que les autorités municipales ne veilleront pas à sécuriser les lieux.
Sur l’espace où étaient visibles les prétendues tombes du président Thomas Sankara et de ses compagnons, seuls les morceaux de gravats permettent aujourd’hui d’identifier les lieux. Juste à côté de ce tas de morceaux de béton concassé par les pelleteuses, deux morceaux se distinguent clairement avec des écriteaux et les couleurs nationales du Burkina. C’est en effet ce qui reste de la prétendue tombe du leader de la révolution d’août 1983. Et juste à côté, une petite tombe qui date de quelques mois. « Ce sont des tombes de nouveau-nés et même de fœtus », nous confie notre guide.
Erreur ?
L’exhumation de la tombe de Thomas Sankara a été une erreur monumentale, regrette notre guide. A en croire Dieudonné Tapsoba, en Afrique et particulièrement au Burkina, lorsque quelqu’un meurt de façon accidentelle, comme l’ont été le capitaine Sankara et ses compagnons, on ne doit plus le déterrer.
Aujourd’hui, le constat est là, les résultats de l’expertise menée sur les présumés restes de Thomas Sankara, n’ont rien révélé. Aujourd’hui plus qu’hier, la confusion reste totale et la tombe de Sankara a gardé tout son mystère. Mais Dieudonné Tapsoba, qui était au cimetière de Dagnoën le lendemain du coup d’Etat d’octobre 1987, lui, ne doute pas que Sankara ait bien été enterré là où ses prétendus restes ont été déterrés. Mieux, les morceaux de vêtement retrouvés sur la tombe étaient bien ceux portés par Thomas Sankara lors de son assassinat le 15 octobre 1987, selon des témoins.
En mars 2017, lors d’un levé topographique au Conseil de l’Entente où le capitaine Sankara a été tué, plusieurs tombes non encore identifiées ont été découvertes. La tombe du leader de la révolution se retrouverait-elle parmi elles ?
Le moins que l’on puisse dire est que 30 ans après la mort de Thomas Sankara, les espoirs de sa famille et de ses héritiers de savoir où se repose-t-il afin de faire le deuil sont en train de s’estomper. Au niveau de la justice pourtant, on assure que le dossier avance.
Maxime KABORE
Burkina24
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