Burkina : Les éléments clés du malaise au sein des forces armées nationales
La logistique, « le clivage générationnel [qui] nuit à la cohésion », les « frustrations en matière d’avancement » caractérisée par l’inversion de la pyramide des grades et « la rivalité historique entre police et gendarmerie nuit à leur efficacité ». Ce sont là les conclusions de l’International crisis group (ICG) qui vient de publier son dernier rapport en date intitulé « Nord du Burkina Faso : que cache le jihad » et ce qui complique la lutte engagée par les forces de défense et de sécurité burkinabè contre les terroristes sur le terrain.
Les faits : « à part les deux brefs épisodes de conflit armé avec le Mali en 1974 et 1985 », le Burkina Faso n’a « jamais mené de guerre contre un autre pays, ni connu de conflit civil ». Un historique qui a priori pourrait justifier la difficulté à venir à bout des groupes terroristes qui font la pluie et le beau temps dans le Nord du pays. Conséquence immédiate, « favoriser une culture de combat et de sacrifice, aux antipodes d’une « armée d’apparat », prendra forcément du temps », selon un diplomate en place à Ouagadougou.
Mais cette perception est battue en brèche par « l’expérience du combat » acquise par les soldats lors de déploiements en opérations extérieures « dans des terrains parfois difficiles » à l’exemple des théâtres d’opérations au Darfour et au Nord-Mali.
Des résultats de l’enquête menée par Crisis Group, il ressort que « deux éléments indispensables » font défaut à la lutte engagée par les forces burkinabè contre les groupes armés. Ce sont les moyens aériens et le renseignement. Face à un ennemi, fin connaisseur du terrain, l’armée de l’air use pour l’instant des avions de reconnaissance, « non armés » dont elle dispose et qui servent uniquement à signaler une menace. Et avec un ennemi en perpétuel mouvement relève les auteurs du rapport, « dans une zone reculée, il faudra plusieurs heures de route pour atteindre le lieu donné ». Cette autre donne pose la nécessité d’acquisition d’hélicoptères de combat.
Au-delà et parce que « le terrain commande la manœuvre », (cas d’attaques d’hommes armés à motos), en plus des hélicoptères, il faut du matériel roulant adapté au terrain. En effet, peut-on lire dans le rapport, « les forces armées déployées au Nord manquent de motos afin de pouvoir circuler en brousse avec la même aisance que leurs ennemis ».
Et avec un ennemi invisible, qui se fond dans la population, le renseignement s’avère capital. Or, « le renseignement humain fait encore défaut ». De ce fait, « tant que les forces armées n’infiltrent pas les populations, comme le font les groupes jihadistes, ces derniers conserveront un avantage ».
Mais le mal est encore plus profond. Les forces de sécurité burkinabè souffrent de problèmes plus anciens, selon les auteurs du rapport. Des problèmes qui vont du gap générationnel entre la troupe et la hiérarchie à la rivalité entre les deux forces de police d’Etat, l’une à statut civil (police) et l’autre à statut militaire (gendarmerie).
Le constat établi démontre à souhait que « le clivage générationnel nuit à la cohésion ». Ainsi, « la troupe, jeune et mécontente de ses conditions matérielles, perçoit la hiérarchie comme ayant été compromise sous l’ancien régime, peu motivée pour sortir des bureaux climatisés et incapable de s’adapter aux nouvelles menaces ». De leur côté, les jeunes sous-officiers déplorent quant à eux « la faiblesse » de la communication de l’état-major et son usage limité des nouvelles technologies, or relèvent-ils, la communication est « un élément clé » de la lutte contre le terrorisme.
La situation cache en elle une autre faiblesse. Celle de la gestion des ressources humaines. Avec des officiers d’administration « pas assez nombreux », « les compétences manquent » à l’appel. Ce qui contribue à créer des « frustrations notamment en matière d’avancement » selon une source sécuritaire au parfum de la procédure. Et « la pyramide inversée des grades » n’arrange pas la situation. Selon un diplomate contacté en mai 2007 dans le cadre de l’enquête, « l’armée compte trop de colonels-majors et pas assez de sous-officiers ».
En effet, l’armée burkinabè regorge de colonels-majors dont trois d’entre eux viennent d’être nommés comme ambassadeur en Egypte (colonel-major Alassane Moné, ex secrétaire général du ministère de la défense), attachés de défense auprès des représentations diplomatiques dont le colonel-major Toué Sié, ex-commandant du Groupement central des armées ( Abuja au Nigéria), le colonel-major Kaboré Raboyinga, ex chef d’état-major de l’armée de terre (Taipei, Chine Taiwan).
A ces colonels-majors s’ajoutent, l’ancien patron de l’armée, le général de brigade Zagré Pingrenooma (ambassadeur au Ghana depuis mais 2017) et l’ancien patron de la gendarmerie le colonel Coulibaly Tuandaba Marcel (nommé le 27 septembre attaché de défense à Paris).
Le dernier élément qui ne facilite pas l’opérationnalisation de l’Agence nationale du renseignement (ANR) cette « grosse machine [qui] n’a pas encore vraiment démarré », c’est « la rivalité historique entre police et gendarmerie [qui] nuit à leur efficacité ». Déployées toutes les deux à la fois en milieux urbains et ruraux « leurs tâches se chevauchent ». Ce sont là autant de « défaillances, qui devront être réglées dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, [et qui] expliquent en partie la difficulté qu’éprouvent les forces de sécurité burkinabè à lutter efficacement contre Ansarul Islam ».
Synthèse de Oui Koueta
Burkina24
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