Burkina : Le vautour charognard, une « espèce vertueuse » en voie de disparition
Les pratiques mystiques et la construction des abattoirs modernes conduisent inéluctablement à la disparition du vautour charognard, une « espèce vertueuse », « une espèce de nettoyeur » naturel. C’est l’une des déductions faites par Clément Daboné jugé « digne du grade de Docteur de l’Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo avec la mention très honorable » ce samedi 13 janvier 2018.
« Le charognard était rare ». C’est le constat fait par le Pr Guenda Wendengoudi, président du jury et l’impétrant Clément Daboné. Une raréfaction qui s’explique par bien de raisons. Le vautour charognard est dépendant de la ressource alimentaire d’origine anthropique. De ce fait, la raréfaction de cette source de nourriture constitue un obstacle à l’épanouissement de l’espèce. L’inexistence d’abattoirs construits sur l’ancien modèle considéré comme ouvert facilitant l’accès à la ressource alimentaire juste après le départ des bouchers y est pour beaucoup, a rapporté le doctorant lors de la soutenance.
Mais ce n’est pas l’unique raison. Il y a aussi que « le niveau de la compétition est élevé » entre chiens errants et vautours charognards. La raison du plus fort étant la meilleure, « les chiens sont capables de chasser les vautours et de s’accaparer de la ressource alimentaire qui leur était destinée ».
Conséquence, le vautour charognard peine à s’assurer le besoin journalier de 250 à 300 grammes de viande. Une situation qui influe sur le cycle de la reproduction de l’espèce. « Une pénurie alimentaire perturbe la reproduction », rapporte Clément Daboné en référence aux études qu’il a menesé des mois durant en partie à Garango, sa ville natale. Avec cette raréfaction de nourriture, « les adultes choisissent leur survie » au détriment du suivi du cycle normal de reproduction.
Vertu et mystère
« Le vautour charognard est une espèce vertueuse. L’espèce est utilisée comme des indices, des indicateurs pour prédire ou prévoir des événements», rapporte Clément Daboné. Ainsi, les initiés peuvent lire dans le comportement des vautours charognards et identifier des événements qui peuvent survenir dans les heures ou les jours à suivre.
De même « l’espèce est utilisée comme repère ». Sa présence permet de reporter les activités de braconnage dans les aires protégées. Le vautour charognard permet également de retrouver ses animaux égarés. « Le caractère sacré de l’espèce au Burkina Faso repose sur ces considérations culturelles », indique-t-il.
Une considération corroborée par le Président du jury qui plaide afin qu’« il y ait une protection encore plus importante de cette espèce pour qu’elle ne disparaisse pas, parce qu’elle est quand même utile traditionnellement (et qu’) il y a beaucoup de choses qui tournent autour du charognard même dans les contes ». Le vautour charognard est important aux yeux des chercheurs mais également aux yeux des trafiquants.
« Empoisonnement intentionnel » pour utilisation mystique
Des causes de mortalité, de disparition d’un grand nombre de vautours charognards il est rapporté, selon Clément Daboné, que de 2011 à 2016, 24 incidents de tueries de 726 vautours dans 14 localités. Dans 13 de ces localités, « les empoisonnements étaient intentionnels avec l’utilisation de produits hautement toxiques tuant 477, soit 66% du total des dépouilles trouvées ». Derrière cette tuerie de masse se cache un trafic. « Ces empoisonnements sont motivés beaucoup plus par le besoin incessant de l’espèce pour une utilisation dans les activités mystiques ». Une pratique qui est « commune » en particulier en Afrique de l’Ouest.
L’activité serait plus développée en zone frontalière dans les localités comme Zabré, Bittou, Kantchari, Kelbo, Dori et Bogandé. Des enquêtes judiciaires, il ressort selon le doctorant, que les acteurs qui utilisent le vautour charognard dans les activités mystiques se dirigeraient vers le Burkina Faso pour récolter les spécimens de vautours charognards.
« Motivés par des grosses sommes proposées par des acteurs venant d’ailleurs comme le Nigéria », des acteurs locaux procèdent à l’empoisonnement des vautours charognards. Ainsi, « il s’est développé un trafic autour du vautour charognard », faisant du Burkina « l’un des principaux points de ralliement et le Nigéria l’un des pays à forte demande ».
« Thèse de très bonne qualité, élaborée en un temps record »
L’impétrant ne s’est pas limité à soulever les menaces contre cette espèce de vautour, « un éboueur naturel ». Il s’est interrogé sur que faire pour conserver l’espèce. Clément Daboné recommande d’accompagner la construction de ces nouveaux abattoirs de place d’alimentation qui pourraient recevoir les carcasses saisies par les services vétérinaires pour les vautours charognards.
Avant qu’il ne soit trop tard et que cela ne risque d’« engendrer pour leur réintroduction des coûts exorbitants comme cela a été le cas en Asie pour d’autres espèces de vautours (Walters et al., 2010 », l’impétrant ornithologue et le président du jury plaident tous les deux pour la mise à disposition d’un fonds.
La requête est adressée à BirdLife International, à l’UICN (instance onusienne), Vogelbescherming, RSPB, CMS, Vulture conservation fondation (VCF), Raptor Mou. Un fonds à gérer par le Laboratoire de biologie et d’éologie animales (LBEA) avec le ministère de l’environnement burkinabè et l’ONG NATURAMA.
C’est une « thèse de très bonne qualité, élaborée en un temps record », « une thèse à la fois fondamentale et appliquée » dira Peter Wessie enseignant à l’université de Groningen aux Pays-Bas et directeur de mémoire.
Après plus de quatre heures d’horloge (exposition des résultats de ses recherches de 4 ans, à réponse et prise en compte des critiques et recommandations des cinq membres du jury), Clément Daboné, « bon travailleur, très intelligent (qui) a fait une très bonne thèse sur un sujet très important », selon son DM, a été jugé « digne du grade de Docteur de l’Université Ouaga I Pr Joseph Ki-Zerbo avec la mention très honorable ».
Oui Koueta
Burkina24
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