Burkina : « Ils ont le droit de vivre comme des personnes qui vivent sans handicap »
Manga est l’une des localités dans le Centre-est du Burkina à accueillir le projet de Réhabilitation à Base Communautaire RBC de l’Organisation Catholique de Développement et de solidarité, (OCADES). Il est inspiré du projet de Réhabilitation à base Communautaire des aveugles et personnes Handicapées (RBCAH) de Zabré installée depuis 2006 dans la zone. Une visite du responsable du projet à l’OCADES, ce lundi 11 juin 2018, a permis de toucher du doigt les activités de l’équipe de Manga.
Les consultations et soins en santé orthopédique, oculaire, auditive et mentale, l’identification de patients, la promotion et la sensibilisation et l’aide à la réinsertion socio-professionnelle, sont entre autres tâches de l’équipe du projet.
Dans le domaine de l’éducation, bien que Manga dispose d’un projet d’éducation inclusive à l’école catholique, cite en exemple Denis Zongo, directeur du projet de Réhabilitation à Base Communautaire (RBC) à Manga, «très souvent dans les communautés, les enfants en situation d’handicap font l’objet de cachette. La démarche consiste donc à l’identification des patients et la sensibilisation des parents en vue d’une prise en charge sanitaire et de la scolarisation de ces enfants ».
Pour les cas de moyens de subsistance, il s’agit essentiellement de renforcer leurs capacités individuellement ou en groupe et de leur octroyer une aide financière ou matérielle pour que ces personnes puissent avoir une vie décente.
Cependant, les difficultés pour accomplir leur tâche ne manquent pas aussi bien à Manga qu’à Zabré. La contribution demandée n’est toujours pas perçue sous un bon œil. La raison. Selon Gislain Hien, directeur du projet à Zabré, «c’est qu’au début, quand le projet s’est installé, les prestations étaient gratuites de sorte que certains pensent que c’est toujours la même démarche alors que les choses ont changé».
Une contribution est par conséquent demandée aujourd’hui et diffère d’un bénéficiaire à un autre. Elle varie de l’auto-prise en charge et une contribution pour les plus en difficulté. N’empêche qu’elle peut être gratuite pour les cas indigents.
«On demande toujours aux gens une contribution pour amener les gens à ne pas être dans cet esprit d’assistanat et de dépendance. On sensibilise les communautés en leur disant, aujourd’hui ce sont les partenaires techniques qui aident. Si demain ils ne sont pas là, il faut que le travail continue. Pour un patient autosuffisant, il prend ses frais de consultation en charge, mais si on a un cas social, on lui demande juste une contribution. Donc c’est selon les cas et les ressources disponibles qu’on vient en aide aux patients », explique le directeur de projet de Manga.
Aussi, le combat contre la stigmatisation de la personne en situation n’est pas gagné « même si le regard commence à changer avec la présence du projet, dans certaines communautés, il persiste ». Néanmoins la sensibilisation reste le mot d’ordre. Parfait Gouba, malade épileptique à Zabré, explique ne plus pouvoir s’approcher d’un groupe d’amis ou de personnes. « Dès que j’arrive, tout le monde se disperse. Ils disent que je vais les contaminer », dit-il.
Et « c’est le travail de l’agent animateur de sensibiliser la famille, la communauté et la personne concernée elle-même que la maladie n’est pas contagieuse et qu’il y a des traitements à suivre. Mon travail, c’est d’accompagner tous les malades de la zone», répond Agathe Ougue, agent RBC à Tiébélé.
Face au manque criard de structures spécialisées de formation des personnes handicapées, ils ont une solution palliative pour l’encadrement.
« On est obligé de se rabattre sur des particuliers qui veulent bien les accepter et qui peuvent transmettre la connaissance, pour avoir un centre professionnel. C’est difficile », fait savoir toujours Denis Zongo.
C’est le cas de Barkissa Baguian dans le village de Béré à 15 km de Manga. Cette jeune handicapée motrice, après sa période de rééducation avec l’OCADES, a appris à pédaler la machine à coudre avec un particulier du village voisin. Aujourd’hui avec l’aide du projet, elle possède une machine à coudre et travaille pour son propre compte dans la cour de son mari.
Idem pour Tanga Sia du village de Ziou, intégré dans un atelier de mécanique au bon vouloir du patron des lieux même si ce dernier ne comprend pas le langage des sourds.
Cependant, travailler à ce que l’inclusion des personnes vivant avec un handicap et pour leur autonomisation, puisse être une réalité est leur sacerdoce. Mais Denis Zongo précise : «cela ne peut être possible qu’avec l’implication de tous les acteurs de la communauté, leaders communautaires, autorités locales ».
Sur ce fait, l’Association Gueswendé des personnes handicapées motrices de la ville de Manga, a plusieurs coups de gueule. Que des mésaventures au point de devenir pessimiste quant à tout espoir d’aide venant de la communauté ou des autorités locales.
L’association ne tiendrait plus sur pied n’eut été la détermination de quelques personnes. Des dires du président, André Kinda, de près d’une centaine de membres, l’association n’en compte plus qu’une trentaine aujourd’hui dont peu assiste aux réunions habituelles.
« Au début pour nous formaliser, on a eu toutes les difficultés pour avoir un local comme siège et où stocker les machines à tisser reçues
de la part de OCADES après une formation. C’est comme si personne ne voulait nous aider. Les démarches auprès du maire n’ont rien donné. On se retrouvait sur la terrasse de l’action sociale. On n’avait pas chaque fois accès aux salles. Quand il pleut, on n’a pas d’abri. Nous avons trouvé un local qui nous sert de lieu d’activités et de rencontre mais nous risquons de le perdre, faute de payement. On nous le loue à 10 000 F CFA, somme que nous n’arrivons même pas à honorer chaque mois. On n’arrive pas à payer la facture, la machine consomme beaucoup l’électricité », explique le président.
Il poursuit en disant : « Il y avait un projet d’élevage dans le village. On a demandé d’avancer une somme de 2 500 F CFA chacun pour postuler. En tant que président, j’ai pris l’initiative de rassembler la somme de tous les membres pour que nous puissions en bénéficier. Au bout du compte, le temps de faire trouver un agrément, le document administratif qu’on demandait, le projet était déjà à terme. Ça s’est soldé par l’échec. C’est tout ça qui est à la base aujourd’hui de la fragilité du groupe ».
Gagné par le découragement, le président de l’association dit vouloir céder son poste et prendre du recul. « Les gens sont découragés, dit-il, parce qu’on cotise pour nos besoins mais l’argent qu’on a, ne peut rien faire. On ne gagne pas assez. Ils sont tous découragés. Même moi, c’est parce que je suis le président que je tiens bon. Je ne veux pas que le groupe se disloque sous ma tutelle, et personne d’autre ne veut le poste ».
Après ces complaintes, le responsable du projet au secrétariat général OCADES Caritas Burkina, Cyriaque René Naré, venu s’enquérir de leurs nouvelles, n’aura pas d’autre choix que leur prodiguer des conseils et leur demander au besoin de recourir à l’agent RBC qui pourra leur servir d’intermédiaire pour plaider leur cause.
« Ce sont des ONG qui soutiennent le cas du handicap plus que les autorités locales», déplore monsieur Zongo. C’est donc pour eux le lieu d’être des intermédiaires entre les personnes et les autorités locales pour une synergie d’action. Même si quelque part, reconnait-il, «il y a des actions qui sont faites de part et d’autres, il reste à les renforcer ».
Les autorités locales sont appelées à prendre à bras le corps la question du handicap. Car, rappelle-t-il, le Burkina Faso a ratifié la convention relative aux droits des personnes handicapées. C’est donc un droit pour ces personnes de pouvoir jouir de ces droits. «Ce ne sont pas des gens pour qui, il faut avoir pitié, c’est leur droit. Ils ont le droit de vivre comme des personnes qui vivent sans handicap …vivre une vie meilleure basée sur leurs droits ».
Pour lui, il y va même pour l’atteinte des objectifs du développement durable prôné: « Si on ne prend pas en compte la question du handicap, ça veut dire qu’il y aura des personnes qui vont rester à la touche et on ne pourra pas atteindre ces objectifs ».
Revelyn SOME
Burkina24
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